N°34 | Étrange étranger

Stéphane Calvet
Cambronne
La légende de Waterloo
Stéphane Calvet, Cambronne, Éditions Vendémiaire

Désormais bien connu pour ses travaux sur les guerres de la Révolution et de l’Empire, Stéphane Calvet s’intéresse ici à un personnage entré dans l’histoire de France et dans le langage courant pour une journée, une formule et un mot. Si la formule « La garde meurt mais ne se rend pas » est très probablement apocryphe, comme le reconnaît lui-même le général, son nom reste attaché à celui de la bataille de Waterloo et à ces derniers carrés de la garde impériale résistant sous les assauts anglo-allemands. Mais il serait dommage de limiter notre connaissance de Cambronne à ce seul bref épisode. L’auteur retrace donc en huit chapitres l’ensemble de sa vie et de sa mémoire, d’une jeunesse nantaise au développement de la légende. Engagé dans les armées de la République au 1er bataillon de volontaires de Nantes en 1791, le futur général Cambronne est à Jemmapes avant de participer aux guerres de Vendée avec les colonnes républicaines. Il est capitaine à vingt-cinq ans après avoir été aux côtés de Hoche à Quiberon ; il « monte dans la hiérarchie militaire grâce à son courage et à sa bravoure au feu ». Comme bien d’autres officiers de l’Empire, il a aussi, sa vie durant, la réputation d’être buveur, voire ivrogne, souvent indiscipliné, peu éduqué et grossier, « du sang bouillant et la tête chaude ». Il sert ensuite longuement entre les Flandres et les Pays-Bas, puis en Suisse contre les Russes de Souvaro : « À la prise de Zurich, le capitaine Cambronne enleva à la baïonnette avec sa compagnie deux pièces de canon. [...] Il prit sur lui cette manœuvre qu’il exécuta avec une telle vivacité qu’il empêcha les canonniers de faire une seconde décharge. » Un chef intrépide et capable d’initiatives au combat, que l’on retrouve à Hohenlinden, puis sur les principaux champs de bataille – « Suivez-moi ou bien j’irai me faire tuer tout seul là-haut ! » aurait-il crié à ses hommes à Iéna. Mais cette bravoure cache peut-être de grandes faiblesses d’instruction militaire, comme pourrait le laisser penser son rôle lors de la meurtrière bataille de Pultusk en décembre 1806. Cependant, colonel, colonel-major, puis général de la Garde impériale, Cambronne cumule les promotions et les récompenses jusqu’en 1814. On sait peu que lors de la première abdication il suit Napoléon à l’île d’Elbe, à la tête du bataillon de six cents hommes que les coalisés vainqueurs concèdent à l’empereur déchu. Malgré son style de commandement brutal et ses méthodes parfois violentes, l’Empereur lui conserve sa confiance, car « il sait depuis longtemps qu’il aura besoin d’un vrai meneur d’hommes lorsque la conjoncture lui sera favorable ». À la tête de l’avant-garde avec quelques dizaines de soldats lors du débarquement qui prélude aux Cent Jours, il est un acteur essentiel du succès du « vol de l’aigle » jusqu’à Grenoble. Cela lui vaut de devenir comte d’Empire, grand officier de la Légion d’honneur, pair de France et général de division. Blessé à Waterloo, brièvement prisonnier, il se rallie à Louis XVIII, « mais les apparences sont trompeuses, car il est aussi un homme usé et couvert de blessures qui entend jouir de ses titres acquis au prix de son courage et de son sang ». Une biographie passionnante.

PTE

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