N°41 | L'allié

Philippe Vial

La guerre en coalition : la voie française

L’année 2018 a été dominée sur le plan mémoriel par les commémorations du centenaire de la Victoire. De manière plus discrète, on célébrera en 2019 le soixante-dixième anniversaire de l’Alliance atlantique, mais aussi les dix ans du retour de la France au sein de l’organisation militaire intégrée. Dans leur diversité, ces trois commémorations attestent du caractère désormais essentiel des coalitions pour la France, une réalité d’une importance croissante depuis un siècle. De ponctuelle avant 1945, elle est devenue structurelle pour un pays dont la sécurité ne se conçoit plus dans un cadre purement national.

Dans le même temps, cette réalité a été difficile à accepter et le demeure à certains égards. Car, par définition, la Grande Nation ne se coule pas facilement dans le modèle d’une coalition… Celui-ci s’est en effet construit, entre la fin du xviie et le début du xixe siècle, contre l’impérialisme français. Si, aujourd’hui, ce dernier a cessé d’être une menace pour l’Europe, l’affirmation de l’indépendance nationale demeure. Depuis plus d’un demi-siècle, la dissuasion lui a donné une nouvelle dimension. Dans son principe, elle constitue un frein structurel à une intégration totale des armées françaises dans un ensemble atlantique ou européen.

Ainsi, la question des coalitions introduit au cœur des tensions qui structurent la défense nationale jusqu’à nos jours, à la fois nécessairement intégrée et irréductiblement souveraine. De ce fait, il y a bien une voie française de la guerre en coalition, qui est un révélateur méconnu mais puissant de l’identité nationale en matière de défense. Pourtant, la faiblesse des travaux français sur le sujet est patente, quel que soit le champ disciplinaire (histoire, science politique…), à l’inverse de ce qui prévaut dans le monde anglo-américain1.

Pourquoi cette faiblesse française ? Elle n’est pas seulement la conséquence du désintérêt qui caractérisa longtemps, dans l’Hexagone, les études sur la guerre (War Studies). Cette faiblesse manifeste également une difficulté spécifique. Elle s’enracine, pour une part au moins, dans la complexité des sentiments que les élites françaises entretiennent dans la durée avec la guerre en coalition. Il y a en la matière un French Paradox, un de plus, qui se décline de multiples manières. Entrons dans sa découverte.

  • Aux origines, un nouveau terme pour une réalité étrangère

En France, évoquer la guerre en coalition conduit souvent à convoquer la mémoire combinée de Foch et de Napoléon. Le premier est en effet l’auteur d’une formule provocatrice sur le sujet, qui met en cause le second : « Depuis que je sais ce qu’est une coalition, j’admire beaucoup moins Napoléon ! » La formule surprend et suscite l’attention : il n’est pas courant pour un officier français de relativiser les mérites du génie militaire national par excellence... Si l’origine exacte de cette réflexion de Foch reste inconnue, elle est indéniablement postérieure à sa nomination à la tête des armées alliées, en mars 1918. Car, avec cette formule paradoxale, le maréchal souligne la difficulté de la guerre en coalition. Plus précisément, il dit la difficulté à commander dans un contexte de ce type, une situation qu’il n’expérimente qu’à la fin du conflit.

Or, on va le voir, la mise en place d’un « commandement unique » pour le front occidental, au printemps 1918, au profit de Foch, est très loin de lui donner des responsabilités en accord avec son titre prestigieux de « généralissime des armées alliées ». De manière révélatrice, il ne s’agit là que d’une appellation d’usage, sans fondement réglementaire, et Foch reçoit le droit de proposer et de coordonner beaucoup plus que de commander. À l’inverse, Napoléon agissait dans un cadre unifié, qu’il contrôlait. En premier lieu sur le plan national, puisqu’il était à la fois chef de l’État et commandant en chef : l’Empereur n’eut jamais à composer avec un quelconque Clemenceau… Au-delà, les contingents étrangers intégrés au sein de la Grande Armée, pour être nombreux, n’étaient que des auxiliaires, à l’image des pays dont ils étaient issus. Ces derniers étaient des vassaux de l’Empire, plus que des partenaires.

Pourtant, en dépit des victoires à répétition de Napoléon, souvent éclatantes, et malgré son génie militaire sans équivalent, ce sont des coalitions successives qui ont fini par le vaincre... L’Empire des cent trente départements a été défait par un regroupement de puissances européennes souveraines. Si Trafalgar, le 21 octobre 1805, est une victoire exclusivement britannique, on sait que Wellington n’aurait pu triompher à Waterloo, le 18 juin 1815, sans le secours de Blücher. À l’inverse, la défaite stratégique subie par Napoléon à Leipzig (16-19 octobre 1813), la première dans une bataille rangée, reste liée à la défection du contingent saxon, en particulier dans la mémoire militaire française2. Le plus grand affrontement de l’histoire européenne jusqu’à la Première Guerre mondiale est entré dans l’Histoire comme la « bataille des nations ». Une appellation qui, en creux, dit l’isolement français face au reste de l’Europe rassemblée, en dépit des contingents alliés que compte la Grande Armée3.

De manière révélatrice, le terme même de « coalition » émerge en Europe à cette époque4. D’origine latine, il est apparu en Angleterre au début du xviiie siècle à propos de la vie parlementaire, c’est-à-dire d’un système politique aux antipodes de l’absolutisme français. Introduit dans l’Hexagone, il y prend un sens militaire à l’orée du xixe siècle, pour désigner les ennemis de la Grande Nation. Cet usage se généralise alors dans toute l’Europe, en premier lieu outre-Manche où les guerres de la Révolution et de l’Empire vont passer à la postérité comme les Coalition Wars. La France est ainsi, dans la pratique, exclue du concept à son origine. Pire, il se cristallise contre elle.

De fait, son apparition marque une évolution par rapport à la notion d’alliance. Jusqu’au début du xixe siècle, on ne connaît que ce terme pour désigner le soutien, spécialement militaire, que des peuples, nations ou États s’engagent à s’apporter, en particulier en cas d’agression contre l’un d’eux. Le mot « alliance » trouve son origine dans le latin alligare, variante de adligare, issu du verbe adligo qui signifie « attacher à » et même « lier moralement »5. L’accent est mis sur la notion d’engagement, soit l’origine, quand le terme de coalition insiste sur l’effet, le résultat. Ce mot vient en effet du latin coalitio, dérivé du verbe coalesco, qui signifie « croître ensemble (co-alesco), s’unir en croissant »6. Il y a ainsi, en creux, une idée nouvelle de partenariat, voire d’égalité même relative. Et quand l’alliance peut être nouée de manière générale, à titre préventif, la coalition se cristallise contre un adversaire commun. D’où l’idée d’un rassemblement temporaire parce que finalisé, quand l’alliance s’inscrit dans une temporalité plus longue. Des perspectives effectivement plus adaptées aux rapports existant entre les pays unis dans la lutte contre l’impérialisme français qu’à l’organisation du camp impérial.

  • Un rapport complexe avec les coalitions

De ce fait, la guerre en coalition pose dans la durée deux problèmes de fond aux armées françaises, qui se doublent chacun d’un paradoxe. Des dernières années du règne de Louis XIV à la fin du Premier Empire, ce sont des coalitions européennes qui mettent en échec la puissance française, lui interdisant de devenir hégémonique. Et en 1870, c’est une autre coalition qui, à son tour, défait le Second Empire : l’unification de l’Allemagne en est le produit, l’impératif de la Revanche aussi. Or, au début du xixe siècle, c’est une coalition qui a finalement permis la Restauration…

Dans les décennies qui suivent, les coalitions auxquelles participe la France, qu’il s’agisse d’aider l’insurrection grecque (1827-1833), de combattre l’Empire russe, en Crimée et ailleurs (1853-1856), ou de permettre l’unité italienne (1858-1859), n’ont rien de décisif pour le pays. On peut en dire autant de la participation à l’expédition contre la révolte des Boxers (1900-1901) … Mais il n’en va pas de même par la suite. C’est en effet à des coalitions que la France doit son salut au xxe siècle, en premier lieu à l’occasion des deux conflits mondiaux. Pour ne pas parler de la guerre froide et du rôle décisif de l’otan... que la France a « quitté » en 1967, pour y revenir en 2009.

On se souvient du mot célèbre de Pétain en 1917, associant deux des facteurs-clés du succès à venir : « J’attends les chars et les Américains. » La victoire est celle d’une coalition, à l’image du défilé du 14 juillet 1919 qui, pour la première fois, associe soldats français et alliés sur les Champs-Élysées. Cette dimension est encore plus marquée, et plus décisive, lors du conflit mondial suivant. Fait méconnu mais révélateur, elle est d’ailleurs inscrite au cœur de l’Arc de Triomphe. Au pied de la tombe du Soldat inconnu se trouve en effet une reproduction en bronze du blason du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (shaef), le quartier général allié de la Seconde Guerre mondiale.

Ce blason est remis lors de la cérémonie militaire qui se déroule le 8 septembre 1944 pour célébrer la libération de Paris intervenue deux semaines auparavant. Lors d’une courte allocution, le général Eisenhower souligne que « la gloire d’avoir libéré leur capitale revient largement aux Français ». Et, en hommage, le commandant en chef des forces alliées offre au président du Comité parisien de la Libération le blason du shaef, dont il détaille la signification : « Il symbolise l’épée flamboyante de la Libération qui, dissipant la noirceur de la tyrannie allemande, s’élève sous l’arc-en-ciel aux couleurs des Nations unies jusqu’au ciel bleu de la liberté et de la paix7. »

Eisenhower termine son allocution en exprimant l’espoir que ce blason puisse être installé de manière pérenne dans un endroit approprié. Son attente sera comblée puisque, selon un processus et à une date qui demandent à être précisés, il sera placé sous l’Arc de Triomphe8. Il constituera la première des sept plaques installées après-guerre autour de la tombe du Soldat inconnu. « Elles commémorent des conflits plus récents et élargissent ainsi la fonction de l’arc, ne célébrant plus seulement les armées révolutionnaires et impériales, mais, de manière plus générale, les armées françaises depuis la Révolution9. » Or la plaque du shaef est la seule à manifester de manière explicite la dimension interalliée. Et elle bénéficie d’une place éminente. Pourtant, ce présent et son histoire restent méconnus, le plus souvent même passés sous silence10… Il n’est pas interdit d’y voir une manifestation de cette difficulté française à assumer complètement ce qu’est la guerre en coalition.

Celle-ci pose en effet un second problème de fond, qui constitue également un second paradoxe. Dans ses principes, la guerre en coalition ne correspond guère au modèle politico-culturel français, centralisateur et national, hérité de la monarchie et de l’Empire, puis renouvelé avec la Ve République. Dans le même temps, depuis la fin du xixe siècle, c’est dans le cadre de coalitions de plus en plus développées et sophistiquées que la France a construit sa politique de sécurité. Jusqu’au milieu du xxe siècle, ce sont des alliances destinées en temps de guerre à se transformer en coalitions. Après 1945, les alliances nouées par la France seront désormais dotées dès le temps de paix de structures militaires permanentes.

  • Le commandement unique, une rupture française
    mais sans lendemain immédiat

La conclusion de l’alliance franco-russe au début des années 1890, puis la réactivation et l’approfondissement de l’Entente cordiale à partir du milieu des années 1900, marquent un premier virage11. Désormais, la défense du pays ne se conçoit plus en dehors d’un système d’alliances doté d’une véritable dimension militaire, apportant à la France des garanties de sécurité effectives en cas de conflit. Dans cette perspective, des conversations d’état-major déterminent les responsabilités de chaque partie en cas de conflit, en particulier du point de vue de la répartition des théâtres d’opération. Pour autant, il n’est pas encore question de commandement unifié ou d’états-majors intégrés... La Première Guerre mondiale va être conduite, pour l’essentiel, sans cela. De ce fait, la mise en place d’un commandement unique au début du printemps 1918 constitue un tournant majeur12.

Elle trouve son origine dans l’initiative prise à cette époque par le haut-commandement allemand. Afin de profiter de la supériorité numérique que lui confère temporairement la fin des hostilités à l’Est, Ludendorff lance, le 21 mars 1918, la première d’une série d’offensives destinée à obtenir un résultat décisif. Le succès est immédiat : au sud de la Somme, la Ve armée britannique est enfoncée. Une brèche est ainsi ouverte entre les troupes alliées. Faute de s’entendre, Britanniques et Français reculent vers leurs bases, les uns vers la mer, les autres vers Paris, élargissant ainsi la brèche qui les sépare. Bien qu’elle soit refermée in extremis par l’arrivée des Ire et IIIe armées françaises, les Allemands progressent toujours. Ils se rapprochent dangereusement d’Amiens, nœud de communication vital. La gravité de la situation impose, toutes affaires cessantes, de mieux coordonner les efforts alliés.

Une première étape est franchie à l’occasion de la conférence de Doullens qui se tient dans l’urgence le 26 mars 1918, à quelques kilomètres de la ligne de front. Emmenée par le président de la République, Raymond Poincaré, et le chef du gouvernement, Georges Clemenceau, la délégation française reçoit les propositions britanniques présentées par lord Milner, membre du War Cabinet. Les responsables alliés s’entendent sur la création d’un début de commandement unique : « Le général Foch est chargé par les gouvernements britannique et français de coordonner l’action des armées alliées sur le front de l’ouest. Il s’entendra à cet effet avec les généraux en chef, qui sont invités à lui fournir tous les renseignements nécessaires. »

On le voit, les attributions de Foch sont encore très limitées. Elles sont néanmoins accrues, une semaine plus tard, le 1er avril 1918, lors de la conférence de Beauvais. À cette occasion, il reçoit également autorité sur les forces américaines. Surtout, pour lui permettre d’assurer sa mission, les trois gouvernements lui confient « la direction stratégique des opérations militaires ». La portée de cette avancée est néanmoins immédiatement réduite. « Les commandants en chef des armées britanniques, française et américaine exercent dans la plénitude la conduite tactique de leurs armées » précise la déclaration finale. « Chaque commandant en chef a le droit d’en appeler à son gouvernement si, dans son opinion, son armée se trouve en danger par toute instruction du général Foch. »

Les pouvoirs réels du nouveau « généralissime des armées alliées » restent donc strictement encadrés. Le lustre de son titre peut faire illusion, la réalité est bien différente. Même renforcée en août par l’octroi du bâton de maréchal de France, c’est d’abord une autorité d’influence qui lui est confiée. Il ne peut en effet l’exercer sans avoir réussi à convaincre ses grands subordonnés de la pertinence de ses vues et des décisions qui, selon lui, en découlent. Une situation qui explique sa célèbre formule sur les coalitions et l’amertume qui s’en dégage, sous les dehors d’une boutade provocante. Le fait que cette formule soit devenue une forme de référence incontournable en France, particulièrement dans les milieux militaires, peut ainsi prendre une nouvelle signification.

Cette première expérience du commandement d’une grande coalition n’est en effet pas seulement heureuse pour la France. Alors qu’elle est au centre du jeu, et même en position de force, Marianne se retrouve enserrée dans un faisceau de contraintes qui bride sévèrement sa liberté d’action. Comment ne pas regretter le temps de Napoléon, même si d’évidence il n’y a désormais d’autre choix que la coalition entre égaux et cette forme de commandement unique ? La victoire finale, difficilement acquise, ne pourra faire disparaître le souvenir des difficultés structurelles rencontrées à cette occasion. Un souvenir qui n’est sans doute pas étranger à l’absence de commandement unique en 1939-1940, quand Français et Britanniques se retrouvent de nouveau ensemble face à l’Allemagne. Un conseil suprême interallié, sur le modèle de celui créé à l’automne 1917, est bien institué. Mais il n’y aura pas d’équivalent au poste créé pour Foch quelques mois plus tard…

Or, les Français disparaissent du haut commandement allié fin juin 1940 et n’y reviendront plus de toute la guerre. Si de Gaulle maintient la continuité de l’engagement national aux côtés des Britanniques, celui-ci va rester surtout symbolique jusqu’au ralliement de l’Afrique du Nord, en novembre 1942, puis du reste des forces de l’empire demeurées fidèles à Vichy. La constitution du Comité français de libération nationale à Alger, début juin 1943, qui entérine le rassemblement des forces gaullistes et giraudistes, marque l’achèvement de ce processus : la France est de retour dans le concert interallié. Pourtant, elle va rester à l’écart des grandes décisions militaires.

  • À partir de 1943, le virage de l’interallié,
    indispensable mais difficile

Ainsi la porte du Combined Chiefs of Staff (ccs) va demeurer fermée. Institué début 1942 pour organiser la direction stratégique des opérations sur un plan interallié, le ccs associe les chefs d’état-major américains (Joint Chiefs of Staff) et britanniques (Chiefs of Staff Committee)13. Ils ne se réunissent en séance plénière que rarement, à l’occasion des grands sommets interalliés. Mais une mission militaire britannique de très haut niveau (British Joint Staff Mission) assure à Washington une interface permanente. L’officier général à sa tête rend d’ailleurs compte directement à Churchill et aux chefs d’état-major britanniques. En dépit de demandes réitérées, les autorités françaises ne seront jamais admises dans ce cénacle. Ainsi, elles ne sont pas associées aux décisions qui conduisent à la libération du territoire national, en premier lieu le débarquement de Normandie, auquel elles n’apportent, il est vrai, qu’une contribution symbolique. La situation est bien différente en ce qui concerne le débarquement de Provence, où les forces françaises sont nombreuses. Pour autant, leurs chefs demeurent en sous-ordre.

Une situation logique au regard du rapport de force interallié, mais qui n’en est pas moins vécue de manière souvent douloureuse côté français. L’humiliation de 1940 se prolonge de manière inattendue… Pour autant, il n’est pas question de se replier dans une forme de « splendide isolement ». Dès cette époque, les textes réglementaires réorganisant le haut-commandement intègrent la dimension interalliée ; c’est une première dans l’histoire militaire française. Le cap est franchi avec le décret du 4 août 1943, qui désigne le général Giraud comme commandant en chef. « Il participe, avec le commandement interallié, à l’établissement des plans d’opérations » indique l’article 3. « Il oriente et contrôle la formation et l’instruction des unités en vue de leur emploi tel qu’il est à prévoir ou prévu, soit par les plans interallié d’opérations, soit par les plans de défense ou de sûreté des territoires14. »

Surtout, loin de disparaître avec le retour de la paix, cette perspective est désormais pérennisée. Particulièrement intéressant de ce point de vue est l’exposé des motifs du décret du 4 janvier 1946. Publié une quinzaine de jours avant la démission surprise du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire et ministre de la Défense, ce texte va prendre une dimension testamentaire. Alors qu’il n’est encore nullement question pour la France de rejoindre une organisation européenne ou atlantique de sécurité, le Général inscrit résolument la direction des armées françaises dans un cadre qui n’est plus seulement national : « Étant donné la nature des conflits modernes et les mesures d’organisation internationale actuellement prévues, le commandement doit être articulé de manière à pouvoir se fondre en partie dans un ensemble de caractère interallié ou international15. »

Cette orientation ne va pas se démentir. Mieux, son importance va aller croissante sous la IVe République. Dix ans plus tard, le décret élargissant les attributions du chef d’état-major des armées de l’époque en porte témoignage. Pris à la veille de la crise de Suez, qui va être l’occasion d’une opération militaire franco-britannique sans équivalent au xxe siècle, hors conflits mondiaux, ce décret fait de la dimension interalliée le cadre naturel de l’action de la plus haute autorité militaire française. L’article 2 définissant ses principales attributions est explicite. Le chef d’état-major est en effet chargé « de préparer l’organisation d’ensemble des forces dans le cadre interarmées et interallié et leur adaptation à leurs missions ; […] d’établir les instructions d’application des directives ministérielles à l’usage des commandants des théâtres d’opérations et des commandants interarmées concernant l’emploi des forces tant sur le plan national que dans le cadre des organisations interalliées ; […] de diriger la représentation militaire française dans les organismes militaires interalliés ; de conduire les négociations militaires interalliées »16. Et l’article 6 précise encore : « [Le chef d’état-major] est consulté également sur les désignations aux postes interarmées et interalliés importants. »

Cette évolution réglementaire correspond à une insertion de plus en plus marquée, dès le temps paix, dans des structures militaires intégrées interalliées. Si le traité signé à Dunkerque au printemps 1947 n’est encore qu’une simple alliance entre la France et le Royaume-Uni, il n’en va plus de même un an après. Conclu le 17 mars 1948, le traité de Bruxelles, fait inédit, garantit en son article 5 à chacun de ses membres l’engagement automatique des autres en cas d’agression. Il crée l’Union occidentale, dotée d’une organisation de défense permanente, dont le quartier général va s’installer à Fontainebleau. Véritable révolution, des exercices militaires communs vont être organisés dès le temps de paix.

  • L’otan, une histoire paradoxale pour la France

La rupture s’inscrit dans la durée avec la signature du pacte de l’Atlantique, le 4 avril 1949, qui reprend l’automaticité de l’article 5 du traité de Bruxelles, et plus encore l’otan à partir de 1950-195117. La nouvelle organisation se construit d’ailleurs sur l’héritage de l’Union occidentale, absorbant ses structures militaires. De ce fait, l’état-major du secteur Centre-Europe s’installe à Fontainebleau. Mais l’otan s’enracine plus encore dans les structures anglo-américaines de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi le Supreme Headquarters Allied Powers in Europe (shape) est l’héritier direct du shaef. De manière révélatrice, le général Eisenhower se succède à lui-même quand le premier saceur est désigné en décembre 1950. Et lord Ismay, l’ancien chef d’état-major particulier de Churchill pendant la guerre, devient le premier secrétaire général de l’otan.

Pour autant, ces responsables viennent s’installer en France18. Fontainebleau n’est pas une exception. C’est l’ensemble de la région parisienne qui accueille les différents échelons de la direction de l’otan. Le siège de l’organisation est initialement localisé sur les flancs de la colline de Chaillot, à Paris, dans des bâtiments préfabriqués. Symboliquement, ils font face à la Tour Eiffel... Un peu plus loin, l’École militaire voit la création du Collège de défense de l’otan. En 1959, est inauguré le nouveau siège permanent de l’organisation, place Dauphine – il accueille aujourd’hui l’université éponyme. Le shape, lui, s’implante à proximité de Versailles, en premier lieu à Rocquencourt, mais aussi à Louveciennes, Marly-le-Roi et Saint-Germain-en-Laye, tandis que le saceur dispose d’une résidence à Marnes-la-Coquette. Au-delà, l’Hexagone accueille de nombreuses implantations militaires alliées, essentiellement des bases aériennes localisées dans le quart nord-est, à l’exception de celle de Châteauroux. L’ouest reçoit des installations de soutien. Et, sur la Côte d’Azur, la rade de Villefranche-sur-Mer devient le point de relâche attitré de la VIe flotte américaine.

Parallèlement, la France se voit attribuer des postes important. Elle obtient en particulier la responsabilité du secteur Centre-Europe, le plus important des grands commandements régionaux de l’otan. Il est confié en août 1953 au maréchal Juin, à l’époque le chef militaire français le plus prestigieux. Mais il a fallu pour cela attendre deux ans et demi, les Américains ayant initialement conservé ce poste et cantonnant Juin, devenu maréchal de France en 1952, au commandement des seules forces terrestres. Une répartition des responsabilités dans le prolongement de celle, difficile, qui avait prévalu pour les forces de l’Union occidentale. Le maréchal Montgomery en était le commandant en chef, le général de Lattre de Tassigny n’étant que son adjoint, directement en charge de la seule composante terrestre.

Les Français doivent donc batailler pour se faire la place qu’ils attendent au sommet des nouvelles organisations interalliées. Ainsi, le groupe permanent (Standing Group) créé à Washington pour assurer la continuité de l’action du comité militaire de l’otan au plus près de la superpuissance américaine, accueille bien une délégation française. Satisfaction qui n’est pas mince, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni sont également dans ce cas : la page de la Seconde Guerre mondiale semble tournée. Mais en dépit des efforts français, le groupe permanent ne deviendra jamais ce directoire stratégique de l’Alliance que Paris appelle de ses vœux et dont la mise en place consacrerait son statut de troisième « grand » occidental.

Rapidement, la France se trouve donc dans une situation paradoxale. Les motifs de frustration ne manquent pas, alors que son intégration dans les organisations de défense occidentale est devenue structurante. Un « bureau des affaires alliées » a ainsi été créé dans chaque état-major d’armée pour gérer de manière transverse l’ensemble de cette dimension, en particulier sur le plan matériel19. Depuis l’accélération du réarmement provoqué par le déclenchement de la guerre de Corée, Paris bénéficie d’une aide militaire multiforme dont la valeur sera, au total, au moins équivalente à celle du plan Marshall… Indispensable, décisive, cette assistance crée également des phénomènes de dépendance, à tout le moins donne à Washington les moyens de peser sur la définition de l’outil de défense national.

Cette tension croissante est alimentée par les leçons amères de la crise de Suez où le soutien américain a fait défaut, tant sur le plan militaire que politique. Washington a initialement refusé de prêter le concours de la VIe flotte, qui aurait seul permis une action de force rapide pour reprendre le contrôle du canal. Par la suite, les efforts diplomatiques américains ont été perçus comme autant de manœuvres dilatoires. Enfin, quand les opérations ont été déclenchées et que l’Union soviétique a menacé les Franco-Britanniques de recourir à l’arme nucléaire s’ils n’interrompaient pas leur offensive, les Américains ont brillé par leur silence. Cette atteinte inédite à la solidarité atlantique a été douloureusement vécue à Paris, d’autant que Londres a fini par céder à la pression, en particulier venue de Washington. Et a décidé d’en revenir à sa proximité traditionnelle avec la puissance américaine, au final quasi inconditionnelle, un choix qui ne se démentira pas jusqu’à nos jours.

  • Le tournant de 1966, un trompe l’œil ?

Moins visible, le traumatisme de Suez est une réalité pour les élites françaises, en particulier militaires. Elle les conforte dans leur conviction que l’acquisition de l’arme nucléaire est une condition sine qua non pour restaurer la puissance nationale et garantir l’autonomie stratégique. Inversement, la position de la France dans le cadre interallié interroge désormais jusqu’aux plus convaincus des mérites de l’intégration. Ainsi du général Ély, chef de la délégation nationale au groupe permanent de l’otan à partir de 1949, après avoir occupé des fonctions équivalentes à Londres dans le cadre de l’Union occidentale. Promu chef d’état-major des armées à l’été 1953, il est jusqu’à ce jour le seul à avoir accédé en temps de paix au plus haut poste de la hiérarchie militaire française après un parcours interallié au sommet20. De ce point de vue, le décret pris en juillet 1956 est en adéquation naturelle avec la dynamique qui caractérise la carrière du général Ély. Dernier grand texte de ce type avant le tournant de 1958, il représente une forme d’apogée.

Dans le cadre de la politique d’indépendance nationale voulue par le général de Gaulle, l’avènement de la Ve République va en effet conduire à un recul très net. Ainsi le décret de 1959 sur les attributions du chef d’état-major général des armées n’inscrit plus son action en matière d’organisation des armées dans une perspective interalliée21. L’évolution est identique en ce qui concerne la préparation et la notification des instructions concernant « la répartition et l’emploi général des forces »22. Un nouveau cap est franchi une dizaine d’années plus tard, dans le prolongement de la rupture de 1966-1967. La référence à la dimension interalliée disparaît dans l’article qui précise que le chef d’état-major des armées (cema) est consulté à propos des désignations des officiers généraux pour les grands emplois23. Peu de temps après, dernière étape, cette référence est également supprimée dans l’article qui définit les responsabilités du cema en matière de relations internationales militaires24.

Plus encore que dans les textes, le virage pris par le général de Gaulle se matérialise dans le développement de la dissuasion. Et parallèlement dans les décisions qui conduisent au départ de la France de l’organisation militaire intégrée de l’otan, annoncé en avril 1966, effectif un an plus tard. Près de quarante mille soldats s’en vont, sans compter leurs familles… Après plus d’une vingtaine d’années de présence, les forces alliées quittent le territoire national, plaçant la France dans une situation unique par rapport aux autres pays de l’Alliance atlantique. Ce retrait, à certains égards, est à mettre en relation avec un paradoxe méconnu, mais bien réel. Depuis la fin de la guerre, si la France a développé sa capacité à se battre dans un cadre interallié, elle n’a pas eu l’occasion de passer à l’acte. La contribution française lors de la guerre de Corée est restée symbolique : c’est un bataillon d’un millier d’hommes seulement qui a combattu sous la bannière de l’onu. Le conflit indochinois accaparait en effet l’essentiel de l’effort français. D’où un second paradoxe : quand la France combat, elle le fait dans un cadre national. Ce sera également le cas en Algérie.

Suez constitue la seule véritable exception : en 1956, la France agit avec le Royaume-Uni. Et ce n’est pas un succès, en dépit d’indéniables réussites opérationnelles. Or, ce fiasco n’est pas seulement d’origine politique. Il est pour une part imputable aux difficultés rencontrées par les Français pour opérer en coalition25. Des difficultés qui s’expliquent par leur manque de pratique en la matière, mais aussi par la faiblesse de leurs structures interarmées de planification et de conduite des opérations. Les partenaires chevronnés que sont les Britanniques en profitent pour imposer leurs vues. Et le résultat ne plaide pas en faveur de la coopération interalliée. De manière révélatrice, les leçons tirées de l’expérience de Suez ne seront pas orientées vers la recherche d’une meilleure intégration. Au contraire, les rapports insistent sur la nécessité de ne plus raisonner uniquement dans le cadre interallié afin de retrouver les moyens d’intervenir seul. De fait, jusqu’au tournant des années 1990, les forces françaises n’agiront plus en coalition, à l’exception de leur engagement au sein de la Force multinationale de sécurité de Beyrouth en 1982-1984. Les opérations extérieures, qui montent en puissance à partir de la seconde moitié des années 1970, vont se faire dans un cadre purement national.

Cette dynamique tend à créer une armée à deux vitesses, en particulier pour la composante terrestre. Une distinction, qui deviendra classique, s’opère en effet entre les forces d’intervention, qui comptent une forte proportion de soldats de métier, largement stationnées outre-mer et qui sont de plus en plus engagées à partir de la fin des années 1970, et les forces destinées à être employées en Centre-Europe, d’abord constituées d’appelés, et qui ne sont jamais projetées. Cette distinction se double d’une vraie différence de culture opérationnelle. Héritières d’unités qui se sont distinguées en Indochine et en Algérie, les forces d’intervention ne partagent que partiellement le référentiel des forces qui se préparent à combattre avec l’otan et travaillent en permanence leur interopérabilité avec les alliés. En 1983-1984, la création de la Force d’action rapide (far) constitue, pour une part, une tentative de dépassement de ce clivage26.

Dans l’hypothèse d’une offensive du pacte de Varsovie, la mission de la far est d’engager des unités en Allemagne le plus vite et le plus en avant possible, en privilégiant la mobilité plutôt que la puissance. Il s’agit de prouver que l’armée française participe immédiatement à la défense de l’Europe occidentale – et pas seulement comme réserve – sans que cela soit automatique, ni qu’elle ait à passer sous commandement de l’otan dès le temps de paix. Or, les quarante-sept mille hommes de la far sont issus pour l’essentiel de ces forces d’intervention régulièrement sollicitées pour des opérations extérieures27. Fin septembre 1987, l’exercice Moineau hardi sera l’occasion de vérifier grandeur nature la capacité de déploiement de la far.

À la fin de la guerre froide, la France affiche ainsi sa capacité et sa détermination à travailler en interallié. Cette dynamique se nourrit d’un autre état de fait. La contribution nationale en cas d’affrontement en Europe atteint désormais un niveau d’une importance inédite. Ce sont par exemple mille deux cent cinquante chars de combat qui seraient mis en ligne, contre deux cent soixante-cinq avant 1966. Une augmentation qui permettrait aux forces françaises d’occuper une place bien plus importante dans le dispositif allié. Un nouveau corps d’armée, basé à Lille, a été créé au début des années 1980, qui doit intervenir au profit du secteur Nord-Europe, alors que la contribution française était traditionnellement limitée au IIe corps d’armée et au secteur Centre-Europe.

  • L’après-guerre froide, un retour en force indispensable
    mais compliqué de la dimension interalliée

Pourtant, ce n’est pas en Europe que la France va, pour la première fois, combattre aux côtés des membres de l’Alliance atlantique. En 1990-1991, dans le Golfe, la planification opérationnelle, puis l’engagement des forces françaises sous contrôle opérationnel américain utilisent et valident le cadre défini par les accords Ailleret-Lemnitzer signés entre le cema et le saceur, le 22 août 1967, afin d’organiser la coopération du 2e corps d’armée français avec les forces du secteur Centre-Europe. Pour autant, ce succès n’est pas sans limites. Le retour d’expérience révèle de nombreuses insuffisances en matière d’interopérabilité avec les alliés. Or, dans le nouveau contexte géostratégique, cette exigence est moins que jamais discutable…

À l’issue de la guerre du Golfe, des réformes structurelles sont rapidement décidées et mises en œuvre, que prolonge la professionnalisation des armées décidée en 1996 et achevée dans son principe au début des années 2000. Durant cette période, la transformation du Centre opérationnel des armées (coa) en Centre opérationnel interarmées (coia) en 1993, puis en Centre de planification et de conduite des opérations (cpco) en 2004 est le symbole de cette mutation. Il faut y ajouter en particulier la création de la Direction du renseignement militaire (drm) et du Commandement des opérations spéciales (cos). Placées sous le signe de l’interarmisation, ces réformes vont renforcer de manière décisive la capacité nationale à travailler en coalition. Le renouvellement des équipements en matière de système d’information et de communication va lui aussi y contribuer.

Cette dynamique se nourrit d’une expérience continue des opérations dans un cadre multinational, en premier lieu dans les Balkans. À l’issue des années 1990, le conflit du Kosovo marque une nouvelle étape dans la pratique de la guerre en coalition pour les armées françaises. Si, de ce point de vue, la guerre en Irak est un rendez-vous manqué, le conflit afghan va constituer pendant plus de dix ans une expérience de premier ordre, en attendant l’intervention en Libye. Le nouveau modèle d’armée, plus interopérable, fait ses preuves. Dans ce contexte, le « retour » de la France dans l’otan, s’il avorte en 1997, s’inscrit dans une dynamique de fond qui l’emporte en 2009. Pour autant, il ne règle pas tout. Dans la mesure où la volonté d’indépendance demeure, qui se traduit en particulier par la modernisation continue de la dissuasion, la politique de défense française reste structurellement sous tension. Le French Paradox perdure…

De manière révélatrice, c’est une opération menée dans un cadre purement national qui apporte la consécration au modèle d’armée post-guerre froide. En dépit de ses limites, l’intervention au Mali apparaît comme une véritable réussite, y compris aux yeux des Américains28. Un succès incontesté qui, a contrario, fait ressortir les difficultés pour s’intégrer au sein de la chaîne de commandement otan en Afghanistan29. Olivier Schmitt n’hésite pas à évoquer, côté français, une forme de projection de cette expérience sur les interventions multinationales en général. Il en voit la manifestation « dans le soulagement qu’a été la possibilité d’intervenir au Mali au sein de la chaîne de commandement nationale »30. Un soulagement qui se nourrit également de l’expérience libyenne, dont le lancement, en particulier, n’a pas été exempt d’embûches du point de vue de la coopération interalliée.

Si la guerre en coalition apparaît plus que jamais comme un impératif catégorique pour les armées françaises, force est de constater qu’elle continue de leur poser des difficultés. À bien des égards, celles-ci n’ont rien d’une exclusivité. Le Royaume-Uni, les États-Unis, pour ne citer qu’eux, sont loin d’être toujours systématiquement à l’aise pour intervenir dans ce cadre. Dans le même temps, les difficultés françaises traduisent aussi une spécificité nationale. L’inscription dans le temps long permet d’en comprendre les raisons. Elles tiennent en premier lieu au statut de grande puissance qui fut longtemps celui de ce pays. L’aspiration hégémonique qui en découla, en particulier sous la Révolution et l’Empire, a dressé l’Europe contre lui. L’art de la coalition y est initialement, à bien des égards, un art antifrançais. Si, au xxe siècle, celui-ci est devenu salvateur pour la puissance nationale, c’est une révélation profondément ambiguë puisqu’elle dit le déclassement. Or, celui-ci reste, pour une part refusé et, pour une autre part, objectivement compensé, en particulier par la dissuasion. Marianne se retrouve ainsi dans une situation à certains égards schizophrénique, à tout le moins paradoxale.

Un constat qui invite à la mobilisation. Car l’interopérabilité représente la pierre angulaire de toute coopération interalliée. Dans cette perspective, l’interopérabilité culturelle n’est pas la dimension la moins importante. Mais il ne s’agit pas seulement de connaître ses partenaires. « Connais-toi toi-même », le célèbre précepte stoïcien, est d’une égale acuité. Cette injonction vaut particulièrement dans le cas qui nous intéresse : il faut avancer dans la découverte de la voie française en matière de guerre en coalition. Il s’agit d’aller plus loin dan sl’exploration de cette dimension, mais aussi, plus largement, de l’identité nationale en matière de défense, enjeu politique trop souvent méconnu. Le fait que l’ensemble ait jusqu’à présent été peu travaillé est en soi révélateur. Faut-il parler d’une forme de refoulé ?

1 Les travaux d’Olivier Schmitt sur la période récente sont l’exception qui confirme la règle, en particulier sa thèse récemment publiée : Allies that Count. Junior Partners in Coalition Warfare, Washington DC, Georgetown University Press, 2018.

2 B. Colson, Leipzig. La bataille des nations, 16-19 octobre 1813, Paris, Perrin, 2013.

3 Ils représentent environ 20 % des effectifs, quand les forces ennemies sont issues à 40 % de l’Empire russe, 30 % de l’Empire autrichien, 25 % du royaume de Prusse et 5 % du royaume de Suède.

4 Trésor de la langue française.

5 Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition, 1992-2011.

6 Ibid.

7 Texte intégral de l’allocution en anglais sur https://www. eisenhower.archives.gov/all_about_ike/speeches/pre_presidential_speeches.pdf

8 Le blason est complété de chaque côté par deux inscriptions – « The Allied Expeditionary Force-25 August 1944 », à gauche, et « Corps expéditionnaire allié-25 août 1944 », à droite –, qui font référence à la libération de Paris et à la raison d’être de ce présent.

9 « Deux d’entre elles rappellent les journées symboliques du 4 septembre 1870, jour de la proclamation de la IIIe République, et du 11 novembre 1918, date de l’armistice de la Grande Guerre et de la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France par l’Allemagne. Du côté de l’avenue de la Grande-Armée, cinq autres inscriptions rappellent le souvenir des conflits majeurs du xxe siècle : la Seconde Guerre mondiale, les guerres d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962), et enfin la guerre de Corée (1950-1953). » M.-L. Gutton, Arc de triomphe de l’Étoile, dossier enseignant, Centre des monuments nationaux, sans date, p. 7.

10 Bel exemple d’occultation avec la fiche disponible sur le principal site mémoriel du ministère des Armées : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/arc-de-triomphe, consulté le 15 février 2019.

11 A. Hogenhuis-Seliverstoff, Une alliance franco-russe. La France, la Russie et l’Europe au tournant du siècle dernier, Bruxelles, Bruylant, 1997 ; Ch. Andrew, Théophile Delcassé and the Making of the Entente Cordiale. A Reappraisal of French Foreign Policy, 18981905, London, Palgrave Macmillan, 1ère éd. 2014.

12 Récit classique chez celui qui en fut le grand promoteur : H. Mordacq (général), Le Commandement unique : comment il fut réalisé, Paris, J. Tallandier, 1929. E. Greenhalgh, Foch, chef de guerre, Paris, Tallandier, 2013, offre l’analyse la plus achevée dans le chapitre 12.

13 D. Rigby, Allied Master Strategists: The Combined Chiefs of Staff in World War II, Annapolis (Maryland), Naval Institute Press, 2012.

14 « Décret [sans numéro] du 4 août 1943 sur l’organisation du haut commandement », Journal officiel de la République française (Alger), 7 août 1943, pp. 57-58.

15 « Décret n° 46-34 du 4 janvier 1946 portant organisation de la défense nationale », jorf, 13 janvier 1946, pp. 322-323.

16 « Décret [sans numéro] du 27 juillet 1956 relatif aux attributions du chef d’état-major général des forces armées », jorf, 28 juillet 1956, pp. 7026-7027.

17 J. Raflik-Grenouilleau, La IVe République et l’Alliance atlantique. Influence et dépendance (1945-1958), Presses universitaires de Rennes, 2013.

18 O. Pottier, Les Bases américaines en France, 1950-1967, Paris, L’Harmattan, 2003.

19 Ph. Vial, « L’aide américaine au réarmement français (1948-1956) », in cehd (éd.), La France et l’otan, 1949-1996, Bruxelles, Complexe, 1996, pp. 169-187.

20 Le général Juin est nommé chef d’état-major de la défense nationale en août 1944 alors qu’il avait seulement commandé dans un cadre interallié l’année précédente, quand il était à la tête du corps expéditionnaire allié en Italie.

21 Article 2 du « Décret n° 59-267 du 7 février 1959 relatif aux attributions du chef d’état-major général des armées », jorf, 10 février 1962, p. 1802.

22 Article 4 du « Décret n° 59-262 du 7 février 1959 relatif aux attributions du chef d’état-major général de la défense nationale », jorf, 10 février 1962, p. 1798.

23 Article 7 du « Décret n° 68-370 du 26 avril 1968 relatif aux attributions du chef d’état-major des armées », jorf, 27 avril 1968, p. 4286.

24 Article 8 du « Décret n° 71-991 du 10 décembre 1971 fixant les attributions des chefs d’état-major en temps de paix », jorf, 10 décembre 1971, p. 12238.

25 Ph. Vial, « Marianne et la gouvernante anglaise. Les systèmes politico-militaires français et britanniques à l’épreuve de la crise de Suez », in J.-M. Guieu et Cl. Sanderson (dir.), L’Historien et les relations internationales. Autour de Robert Frank, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, pp. 135-143.

26 F. Bozo, La France et l’otan. De la guerre froide au nouvel ordre européen, Paris, Masson, 1991.

27 4e division aéromobile (qg à Nancy), 6e division légère blindée (qg à Nîmes), 9e division d’infanterie de marine (qg à Nantes), 11e division parachutiste (qg à Toulouse). Seule la 27e division alpine (qg à Grenoble) fait exception.

28 M. Shurkin, France’s War in Mali. Lessons for an Expeditionary Army, Santa Monica, rand Corporation, 2014.

29 O. Schmitt, « L’Union ou la force ? Les défis des opérations multinationales contemporaines », Paris, ifri, Focus stratégique n° 55, mars 2015.

30 « Entretien avec O. Schmitt à propos des opérations en coalition : l’union fait-elle la force ? », Mars attaque, 15 mars 2015 http://mars-attaque.blogspot.com/2015/04/entretien-olivier-schmitt-coalitions-multilateralisme.html

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