N°15 | La judiciarisation des conflits

Danilo Zolo
La justice des vainqueurs : de Nuremberg à Bagdad
Paris, Jacqueline Chambon, 2009
Danilo Zolo, La justice des vainqueurs : de Nuremberg à Bagdad, Jacqueline Chambon

Le titre du livre de Danilo Zolo résume sa pensée : la justice des vainqueurs. Sa thèse : la justice après la guerre ne sert à rien, elle n’est que la légitimation des plus forts. Le profane peut penser que la guerre et ses suites immédiates sont autant d’épisodes de non droit. Zolo montre le contraire : depuis le Moyen Âge, il y a eu des tentatives pour la réguler et la criminaliser. Il expose l’histoire de cet édifice pénal et ses ambiguïtés. Nuremberg est bien un moment fondateur, pas d’un nouvel ordre qui se voudrait plus juste, mais de la domination américaine sur cet ordre (Zolo oublie par ailleurs le rôle de l’Union soviétique dans le procès).

La première partie de ce livre aborde l’élaboration du droit de la guerre, du traité de Westphalie à nos jours, mais seulement d’un point de vue juridique. L’histoire est laissée de côté. Pour l’auteur, l’absence de condamnation des bombardements atomiques serait la preuve que la justice ne s’applique qu’aux vaincus. L’utilisation de ces bombes était-elle inutile ? Cette thèse divise nombre d’historiens et rien n’est tranché. Qualifier cette attaque de terroriste est ironique, d’autant que l’auteur défend cette pratique quelques chapitres plus loin. Zolo aborde le terrorisme avec une rhétorique anti-américaine où le non-droit est justifié par le rapport du faible au fort. L’auteur donne sa solution : « Il faudrait libérer le monde de la domination économique, politique et militaire des États-Unis et de leurs plus proches alliés européens. La source principale, quoique non exclusive, du terrorisme international est en effet la toute puissance des nouveaux cannibales civilisés : Blancs, chrétiens, Occidentaux. » Zolo se dévoile. Supprimons l’Occident source de tous les maux et les choses iront mieux ! L’Occident doit s’effacer. Position doloriste et suicidaire.

On referme ce livre avec un sentiment de malaise. En fin de compte, à quoi la justice appliquée à la guerre sert-elle ? Seuls les terroristes auraient raison, car ils sont l’armée des faibles. Une contradiction interne apparaît alors : pourquoi les États maintiennent-ils cette fiction de justice ? Et que propose Zolo si ce n’est de supprimer l’Occident. Un monde sans l’Occident serait-il une garantie de paix ? Le livre est politique et le parti pris évident. Cela en limite la portée.


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