N°19 | Le sport et la guerre

Alain Dieckhoff
Le conflit israélo-arabe
Paris, Armand Colin, 2011
Alain Dieckhoff, Le conflit israélo-arabe, Armand Colin

Alain Diekhoff, directeur de recherche au Centre d’étude des relations internationales et professeur à Sciences-Po Paris, n’a pas cessé depuis son livre sur Les Espaces d’Israël. Essai sur la stratégie territoriale israélienne (Presses de Sciences Po, 1989), d’appliquer à la terre déchirée de Palestine sa recherche sur l’invention des nations et sur les identités nationales en mouvement.

Ce nouvel ouvrage ne paye pas de mine : cent quatre-vingt-deux pages dans une collection au format de poche qui pose « Vingt-cinq questions décisives ». Une sorte de vademecum banal ou de pense-bête, pourrait-on croire. Mais il a emporté l’adhésion de l’ensemble du jury du Prix d’histoire de Verdun, à l’unanimité, parce qu’il nous persuade que voilà bien, là-bas, « la guerre de Cent Ans moderne », qui défie toutes les évolutions géostratégiques et culturelles du monde, et qui, au fil des ans, récuse la négociation de bonne foi. L’approche d’Alain Diekhoff est raisonnée, séculière, dépassionnée débarbouillée de toute arrière-pensée idéologique ou religieuse, tant, en fier universitaire, l’auteur sait que le savoir aide, que l’intelligence historique n’est pas un vain mot et que l’on a rien à perdre en tentant de comprendre.

Pourquoi donc cette longévité et cette impasse à répétition ? Pourquoi dont Juifs et Arabes s’affrontent-ils en Palestine depuis cent ans ? La réponse d’Alain Diekhoff à cette première question va à l’essentiel. D’abord, dit-il, parce qu’il y a eu en Palestine, depuis la fin du xixe siècle, une rencontre singulière entre deux projets nationaux portés, l’un par des Juifs, l’autre par des Arabes. D’une part, la force du sionisme, qui prônait la reconstruction d’une nation juive, dans un cadre étatique, en Palestine ; de l’autre, un Orient arabe dans une phase d’agitation nationale que l’arrivée des premiers immigrants juifs n’a fait qu’exaspérer, puis dans une phase de panarabisme que la création, dite « impérialiste », de l’État d’Israël a bousculé. Voici, d’emblée, « la même terre objet d’une double convoitise ». L’entrée sur la scène palestinienne d’acteurs internationaux extérieurs, onu ou grandes puissances européennes, de mandat en résolutions onusiennes, puis l’antagonisme américano-soviétique par temps de guerre froide n’ont pas modifié cette donne initiale : « La confrontation est nationale, donc politique. » Mais, nouvelle donne, de la guerre des Six Jours de 1967 à l’irruption de l’Iran dans le jeu depuis les années 1990, cette confrontation porte de plus en plus « sur une terre qui, pour les trois monothéismes abrahamiques, est tenue pour sainte parce qu’elle recèle une dimension spirituelle ». Dès lors, deux fondamentalismes s’affrontent : le juif, pour développer par la colonisation la présence juive sur l’intégralité de la Terre d’Israël, porté de mieux en mieux par le Likoud ; le musulman, en réponse, de Frères musulmans en Hamas de 1987, qui rêve d’une Palestine islamique de la mer au Jourdain. Dès lors, « cette double politisation du religieux complique singulièrement la recherche d’une solution raisonnée au conflit, car elle entretient une recherche de l’absolu qui n’admet pas les compromis ».

Tout est dit et le traitement de vingt-quatre autres « questions décisives » confirme la justesse de cette proposition initiale. Il y a donc encore beaucoup à faire pour faire mesurer aux protagonistes qu’un jour les vertus de la paix pourraient l’emporter sur celles de la guerre. Hélas, l’actualité la plus brûlante montre que ce jour sera lointain.


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