N°2 | Mutations et invariants – I

Jean-Philippe Decrock

La crise des otages en Bosnie : dix ans déjà !

Qui ne se souvient de ces casques bleus pris en otages en Bosnie sur les différents points de regroupement d’armements serbes ou autres « checkpoints » le 26 mai 1995 ?

Dix ans après que ces événements marquants se soient déroulés, il peut être utile, voire important, d’y revenir, maintenant que nous disposons d’un certain recul pour les analyser.

Les prises d’otages et les sévices sur les prisonniers en Irak nous rappellent, s’il en était besoin, que de tels événements n’appartiennent malheureusement pas qu’au passé.

Ainsi, la prise en otages des casques bleus de la Force de protection des Nations unies (forpronu) a sans doute marqué un tournant dans les mentalités militaires.

Tout en suivant quelques citations tirées du journal de marche et des opérations d’un peloton blindé, revenons sur ces événements afin d’essayer d’en comprendre les causes et d’en tirer quelques conséquences.

  • La capture

Après quatre années de guerre civile, en ce printemps 1995, la Bosnie savoure une période de calme, comme elle en a connu plusieurs depuis le début du conflit, presque toutes en période hivernale en raison des contraintes climatiques.

Celle-ci, comme les précédentes, basculera vite dans ce que l’on peut désigner comme un tournant du conflit bosniaque.

La relève du bataillon d’infanterie n° 4 (batinf IV) se termine à Sarajevo et déjà les forces serbes de Bosnie tentent de reprendre l’initiative en multipliant les actes d’intimidation tout d’abord, puis les tirs directs sur les positions bosniaques et sur la ville ensuite.

Cette lente reprise des hostilités se ressent d’ailleurs un peu partout sur le territoire.

« Le peloton avait été l’un des premiers à être mis en place à Sarajevo, dès le 11 mai 1995, avec six jours d’avance, dans le but de relever le plus rapidement possible le peloton du 1er régiment étranger de cavalerie sur le point de contrôle d’armement de Poljine, en secteur serbe. Après une tentative infructueuse le 12, ce fut chose faite au matin du samedi 13 mai.

« Pendant les huit premiers jours, la mission s’est déroulée à peu près normalement, enchaînant travaux d’entretien du poste, patrouilles et contacts quotidiens avec les autorités locales, surtout le capitaine Drago, chef militaire du site.

« Durant cette période, le pilonnage du poste onu de Debelo Brdo, de l’autre côté de Sarajevo, ainsi que deux obus de mortier et un missile tombés à proximité de notre poste, se sont chargés de nous rappeler que, malgré la beauté et le calme apparent du site, la guerre était bel et bien là, et que nous en étions les témoins “privilégiés”. »

Premiers sentiments d’impuissance…

« Tout a commencé en fait le lundi 22 mai, par l’extraction du site de deux canons 122D30 par les Serbes, entre 3 h 30 et 4 h 30 du matin, profitant de la brume épaisse qui régnait depuis quelques jours. »

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (otan) décide alors de rejouer sa carte maîtresse, celle qui a donné les meilleurs résultats jusqu’à présent : les frappes aériennes ciblées.

« De cet événement, qui s’est répété à l’identique sur d’autres sites, ont découlé les premières frappes aériennes de l’otan, le jeudi 25 après-midi et le vendredi 26 matin.

« Je n’apprendrai cette dernière qu’après coup, au flash de 11 h 00 sur Europe 1… »

Ponctuelles tout d’abord, puis de plus en plus systématiques, ces frappes aériennes acculent les Serbes, alors dos au mur, au choix de la seule porte de sortie honorable qui leur reste : la contre-attaque irréfléchie.

C’est ce qu’ils vont faire…

Après une énième frappe aérienne de l’otan sur les positions des Serbes partout en Bosnie, ces derniers décident de reprendre l’initiative.

« Il est 14 h 10 en ce vendredi 26 mai 1995 lorsqu’un soldat serbe vient me trouver à l’entrée du poste pour m’expliquer que son chef veut me voir. Cette procédure étant tout à fait habituelle, et n’étant alors pas encore au courant de la situation de crise qui avait déjà débuté sur les postes de Lukavica et de Rajlovac, c’est sans méfiance que je me rends à ce rendez-vous, accompagné par un de mes marsouins comme le veut l’usage.

« Nous nous sommes rapidement retrouvés encerclés par six ou sept soldats en armes, sans aucune possibilité de repli vers notre poste.

« C’est à cet instant que j’ai vu le commandant Vlado, chef militaire serbe de la région, qui m’a annoncé que, suite à l’approbation des frappes aériennes par le gouvernement français, nous étions prisonniers et devions déposer les armes sous peine de destruction du poste. J’ai refusé de céder à ses exigences et les négociations ont alors débuté, tandis que mon sous-officier adjoint, qui avait suivi toute la scène, faisait prendre les premières mesures de sûreté, puis les dispositions de combat. »

La situation ne m’a pas tout de suite inquiété car, comme nombre de ceux ayant servi en Bosnie, j’avais déjà été confronté à ce type de situation, en avril 1994 surtout, et je connaissais bien les modes d’action serbes. Il me suffisait d’être calme et patient, en espérant que cela ne dure pas dix-sept jours cette fois. Du moins le croyais-je initialement.

« Aux quatre coins du poste, les marsouins du peloton se répartissaient dans des bunkers plus faits pour la protection que pour le combat. Un équipage erc était dans son engin et un deuxième était en réserve, prêt à relever l’équipage déjà en place ou à renforcer le dispositif au besoin. Un tireur d’élite avait même été installé dans les combles du bâtiment principal du poste, prêt à abattre l’autorité serbe si l’ordre en avait été donné. Chacun était à sa place, avec sa mission, essayant de suivre et de comprendre les événements aussi précisément que possible.

« Aussitôt que le commandement de l’escadron et du bataillon ont été mis au courant de la situation, la décision a été prise de déployer des éléments dans le but de nous appuyer ou de couvrir notre éventuel décrochage. En plus des éléments d’observation sur les postes onu de Zuc et de Hum ainsi que d’une patrouille aérienne, un peloton blindé est venu se mettre en place à 1 600 mètres au sud de Poljine. C’est à un peloton de l’escadron que cette mission difficile est revenue. La présence des marsouins du 2e peloton, presque à nos côtés dans cette épreuve, s’est avérée d’un réconfort certain à un moment où le peloton se sentait bien isolé. On savait alors que ce n’était pas le cas et que l’escadron n’était pas bien loin. »

Le drame de la situation tactique qui était en train de se construire petit à petit sous mes yeux m’apparaissait clairement : un rapport de force très défavorable, une position intenable, des amis qui ne pouvaient pas grand-chose pour moi, aucune solution de repli, l’absence de soutien sanitaire…

J’envisageais alors toutes les solutions qui s’offraient à moi : la recherche d’une négociation et le gain de temps, la fuite vers Sarajevo tous moyens réunis ou à pied après destruction du poste, le combat sur place et enfin la reddition. Sans pour autant les abandonner définitivement, les deuxième et troisième solutions me paraissaient inacceptables en termes de coût en vies humaines, au regard de la mission demandée, tandis que je savais que je ne devais pas déposer les armes et abandonner le poste.

Une seule solution tenait pour l’instant la route : faire descendre la tension et gagner du temps, en attendant une opportunité, ou un miracle.

« Les négociations ont duré près de trois heures et se sont déroulées de la façon suivante : tandis que je discutais avec le commandant Vlado pour faire tomber la tension, mon sous-officier adjoint restait en contact radio permanent avec le bataillon pour le tenir informé de l’évolution de la situation. Seul le marsouin qui m’accompagnait était libre de ses mouvements et pouvait assurer la liaison physique entre mon adjoint et moi.

« Tout est ensuite allé très vite. Vers 16 h 30, j’ai pu entrer en contact radio direct avec le colonel commandant le batinf IV, qui m’a annoncé que des négociations étaient en cours au plus haut niveau et qu’un coup de téléphone des autorités serbes de Lukavica devait régler rapidement le problème. Très confiant, j’en ai immédiatement informé les Serbes, qui ont essayé de faire confirmer l’information. J’ai alors vu le commandant Vlado ressortir, très énervé, du bâtiment ; il m’a expliqué que tout cela était faux et qu’il allait donner l’ordre d’ouvrir le feu sur notre poste si je refusais de déposer les armes.

« Comme je refusais toujours, deux roquettes de rbr80 ont alors été tirées vers le mirador nord-ouest du poste. La première a ricoché sur le toit pour exploser 600 mètres plus loin dans le thalweg, tandis que la deuxième faisait but, perçant la première rangée de sacs à terre. Le mouvement immédiat de la Sagaie d’alerte terminait d’affoler et de surexciter la cinquantaine de soldats serbes qui encerclaient alors le poste. »

Cet incident a eu un effet psychologique fort sur tout le monde car non seulement il s’agissait du premier tir direct volontaire sur le poste, mais surtout le tireur serbe s’était servi du marsouin qui m’accompagnait comme bouclier pour assurer son tir.

Je sentais que la situation m’échappait et que les Serbes étaient prêts à tout pour en finir. Cette impression me mit très mal à l’aise, mais je croyais encore à un retour de balancier vers plus de quiétude, comme savent si bien faire les Serbes en alternant le chaud et le froid. Il ne pouvait pas en être autrement.

« C’est à cet instant que j’ai vu arriver à bord d’un 4×4 et accompagné par les deux véhicules des unmo de Vogosca, le capitaine Drago qui, vraisemblablement, se trouvait jusqu’alors sur une autre position du site.

« Il était 17 h 15 lorsque, totalement hors de lui, il s’est saisi de moi, m’a pointé un couteau sous la gorge et une arme dans le dos, tandis que le marsouin qui m’accompagnait subissait le même sort à quelques mètres. Nous nous sommes approchés à 30 mètres du poste, et le capitaine Drago a exprimé son intention de nous tuer sur-le-champ en cas de nouveau refus, puis de détruire le poste. J’apprendrai plus tard par un soldat serbe qu’il avait bien donné ordre de le détruire au mortier et au canon si la situation s’était éternisée. Renseignement invérifiable. »

Toujours face aux même contraintes concernant la situation tactique, et ne disposant pas d’éléments nouveaux, toutes les solutions avaient disparu une à une. Toutes sauf une.

Les dernières limites ayant été franchies, à savoir celles de la négociation et du gain de temps, ma décision était prise. Il ne restait plus qu’à l’exécuter, et à l’assumer.

« J’ai alors pu appeler de la voix mon sous-officier adjoint pour lui expliquer que notre capitulation devenait nécessaire pour la sécurité de tous. À 17 h 30, nous déposions les armes et le peloton sortait en colonne par un par la porte principale.

J’entrais par la suite en contact radio avec le colonel commandant le batinf IV pour lui rendre compte de la décision que j’avais prise, en mon âme et conscience, au regard de la situation présente, en en assumant la pleine et entière responsabilité.

… le Weapon Control Point de Poljine n’était plus… »

En quelques heures, et de façon coordonnée bien que conduite de manière très différente d’un poste à l’autre, trois cent soixante-quinze casques bleus et observateurs de toutes nationalités sont capturés et expédiés aux quatre coins de la Bosnie pour servir de monnaie d’échange et de boucliers humains.

  • La détention, puis la libération

« Dès notre sortie du poste, suite à notre capitulation, nous avons été regroupés à côté du poste de commandement serbe et délestés de nos équipements : brelages, casques et gilets pare-balles, sans pour autant être fouillés.

« J’ai ensuite été sollicité avec mon adjoint pour retourner dans le poste afin de regrouper dans le container douche l’ensemble de notre matériel et d’en faire une liste avec les Serbes. Je n’oublierai jamais le spectacle de ce poste abandonné où les famas étaient posés à même le sol, ce poste si vivant quelques heures auparavant.

La gravité de la décision que j’avais prise de faire déposer les armes m’est alors apparue avec brutalité.

« À 19 h 30, nous avons été embarqués dans un camion en direction de l’hôpital de Jagomir. En accord avec les Serbes, je laissai sur place mon sous-officier adjoint et un marsouin pour essayer de garantir la sûreté de notre matériel. Nous n’avions alors plus rien, car l’autorisation de récupérer nos trousses sanitaires individuelles, anp et effets personnels m’avait été refusée. »

Ce refus serbe, en parfaite contradiction avec les plus élémentaires règles du droit des conflits armés sur les prisonniers, m’a tout d’abord surpris, habitué que j’étais (sans doute trop) à leur respect des « règles ». Puis cela m’a rassuré, car c’était une preuve de plus que la situation, cette fois-ci, était bien différente.

Ma satisfaction n’a été que de courte durée puisque le lendemain matin un soldat serbe est venu m’informer de la reprise du pont de Verbanja par les soldats français, prenant soin d’en détailler les pertes de chaque côté.

J’ai immédiatement pensé que j’étais directement responsable de la mort de ces camarades et, une fois la nausée passée, je me suis senti seul sur terre, et terriblement coupable.

Cette culpabilité a mis longtemps à disparaître.

« Ce n’est que le dimanche 28 mai vers 5 heures du matin que le peloton a été à nouveau regroupé au complet. C’est à ce moment que j’ai appris de mon adjoint, qui nous avait rejoint, qu’à 3 h 30 la bande de Vlado était venue récupérer la totalité de notre matériel pour une destination inconnue, mis à part le trm 2000 qu’ils n’avaient pas réussi à faire démarrer.

« Leur parfaite connaissance de nos matériels à cette occasion ne m’a pas surpris…

« Après une heure de camion sur la piste logistique serbe en direction de Pale, nous nous sommes arrêtés et avons été regroupés dans un bus où nous avons retrouvé d’autres camarades français capturés à Rajlovac.

« Nous sommes arrivés vers 10 heures dans la caserne serbe de Bjeljina, à quelques kilomètres seulement de la Serbie. Presque aussitôt, tandis que nos camarades de Rajlovac étaient divisés et qu’ils partaient en petits groupes, un officier serbe m’a demandé de constituer deux groupes : sept marsouins pour rester sur place et quatorze pour repartir vers Banja Luka. Je confiais un groupe de six à mon adjoint, tandis que je décidais de repartir avec le groupe des treize restants. »

Ce groupe a alors été divisé et réparti sur différentes casernes, dépôts de munitions et postes de commandement, entre Bjeljina et Brcko.

Mon inquiétude a alors été grande de ne jamais les revoir, me plongeant encore un peu plus dans la culpabilité des décisions que j’avais prises.

J’ai notamment dû batailler ferme pour conserver avec moi un de mes marsouins au nom à consonance croate.

« Vers 13 heures, je reprenais la route avec mon groupe en direction de Banja Luka à bord d’un camion à bestiaux. Il s’avérera plus tard qu’il s’agissait plus précisément de la ville de Doboj.

« Il était 16 h 30 lorsque nous avons été regroupés dans une petite maison à environ 10 km au nord-est de Doboj. Presque immédiatement, on est venu nous récupérer individuellement pour nous emmener sur différents sites de détention. »

Là encore, il s’agissait de casernes, de dépôts de munitions ou de postes de commandement, situés non loin de là.

«… de là à parler de “boucliers humains”, terme tape-à-l’œil dont les médias sont très friands, il n’y avait vraiment qu’un pas, et il n’était pas très grand. »

Notre détention variera finalement de une à deux semaines selon les groupes, pour se terminer devant les caméras internationales à Novi Sad, en Yougoslavie, lors d’une fantastique opération diplomatico-médiatique conduite de main de maître par les autorités yougoslaves, avec la complicité tacite des autorités internationales.

Ces événements, bien que n’ayant duré que quelques jours et n’ayant en fait touché que peu de personnes proportionnellement aux forces engagées sur le théâtre, ont marqué les mentalités.

  • Les causes d’une évolution des mentalités

Tout récemment élu à la tête du pays, le président de la République française Jacques chirac se trouve ainsi confronté à la première crise majeure qui met en jeu sa stature de nouveau chef d’État.

Sans perdre de temps, c’est lors de l’hommage rendu quelques jours après aux deux marsouins du 3e régiment d’infanterie de marine (3e rima) tués dans la reprise du pont de Verbanja, qu’il adresse un message fort du pays, et au pays, pour dire qu’il ne tolérera pas que ses soldats en mission de paix soient traités de la sorte.

Quelques semaines plus tard, c’est le mandat des casques bleus qui évoluera fondamentalement vers une posture plus réactive, renforcée par le déploiement d’une Force de réaction rapide (frr) dans les monts Igman en juillet 1995.

Mais plus loin que cette simple évolution de la mission sur le théâtre, c’est tout un système qui est remis en cause.

La traditionnelle culture militaire française de nomadisation des forces sur un théâtre d’opérations, d’intégration au milieu, de discussion avec les partenaires, et de négociation avec les adversaires vient d’en prendre un sérieux coup, trahie qu’a été notre armée par un adversaire dont elle croyait foncièrement en la sincérité.

Mais les soldats serbes n’en sont pas les seuls responsables, tout au plus occupent-ils le premier rôle d’une triste représentation.

Les raisons de cet échec sont multiples, mais on peut en dégager trois principales.

La première découle du conflit en lui-même, qui s’est installé dans une certaine routine, et dont les règles d’engagement et les consignes sur les postes ont peu évolué, les rendant rapidement caduques, voire inexécutables.

Le principe du « contrôle » d’armes lourdes par quarante soldats français à l’intérieur même d’une caserne serbe de plusieurs centaines d’hectares et de près de trois cents soldats est un exemple qui parle de lui-même.

La deuxième, découlant de la première, met en lumière une dégradation lente et progressive de la situation, que personne n’a vue venir. Avec le recul, les signes avant-coureurs étaient là, entre blocages antérieurs et répétitifs des postes, et menaces serbes. Mais personne n’a su décrypter ces incidents, qui étaient autant de signaux d’alarme.

La même situation de blocage des postes ne s’était-elle pas déjà produite durant dix-sept jours en avril 1994 ? Ne cherchez pas, la réponse est « oui »…

La dernière raison est le constat de l’échec relatif de notre système de formation des cadres de l’époque, qui a conduit toute une génération, en formation initiale ou en période de mise en condition opérationnelle, à ne jurer que par la négociation, au détriment des fondamentaux du combat.

Cette génération se souvient bien en effet des longues et stériles négociations « jouées » sur des « checkpoints » fictifs lors d’exercices, où l’on perdait quelques rations, jerricans de carburant et autres « cadeaux » pour gagner un droit de passage…

  • Des conséquences encore visibles à ce jour

Les conséquences de la crise des otages en Bosnie sont nombreuses et encore particulièrement visibles aujourd’hui. On peut parler de véritable évolution des mentalités, et à plusieurs niveaux.

Au niveau politique tout d’abord, on peut penser que cette expérience a pesé dans la décision de ne pas impliquer militairement la France en Irak.

Au niveau stratégique ensuite, la France s’est toujours refusée depuis ces événements de Bosnie à voir ses forces imbriquées de quelque façon que ce soit avec l’adversaire.

Cela a bien été le cas dans les opérations récentes où les mandats, et surtout les règles d’engagement, ont toujours été clairs et précis.

On pourrait à ce titre prendre les exemples des opérations Almandin en République centrafricaine, Trident au Kosovo, ou plus récemment Licorne en République de Côte d’Ivoire.

Au niveau tactique enfin, le revirement est encore plus évident : pratiquement du jour au lendemain, les principes de négociations et de missions onu qui avaient prévalu entre 1993 et 1995 ont rapidement cédé la place à un retour en force des fondamentaux du combat « classique ».

Celui-ci est ainsi redevenu la base de tout, au titre du « qui peut le plus, peut le moins ». Un hasard me direz-vous. Peut-être… ou peut-être pas.

Tout le monde se souvient donc de la crise des otages en Bosnie il y a dix ans, sans pour autant en avoir saisi toutes les conséquences tant les opérations militaires se sont enchaînées à rythme soutenu dans les années qui ont suivi.

Le recul historique est certes encore insuffisant, mais on peut s’aventurer à quelques conclusions.

La prise en otages des casques bleus de la forpronu a sans doute marqué un tournant important dans les mentalités, plus ou moins marqué selon que l’on considère les niveaux politique, stratégique ou tactique.

Est-ce que l’attaque de l’aviation ivoirienne sur la force Licorne à Bouaké, qui a fait neuf morts et près de quarante blessés dans les rangs français le 6 novembre 2004, relèvera de la même logique d’évolution ? Il faut parfois des électrochocs pour que les choses évoluent…

La bataille des derniers centi... | M. Goya