N°21 | La réforme perpétuelle

Hugues Esquerre
Replacer l’armée dans la nation
Paris, Economica, 2012
Hugues Esquerre, Replacer l’armée dans la nation, Economica

Il faut lire Replacer l’armée dans la nation du commandant Hugues Esquerre. Les militaires restent les meilleurs experts de leur propre métier, mais ils sont pourtant bien peu à le revendiquer par des essais. Aussi, quand l’un d’eux fait l’effort de prendre la plume et de s’exposer, cela mérite d’être souligné. Dans cet esprit, on se réjouira également de la création, chez Economica et sous l’égide du général Benoît Royal, de cette collection « Guerres et opinions » destinée aux essais « compacts » sur la chose militaire.

L’objet de l’ouvrage est la disparition progressive de l’armée du paysage physique et intellectuel national et les moyens de faire en sorte que le corps militaire ne devienne pas un corps étranger.

Dans une première partie, l’auteur décrit le paradoxe d’une armée dont l’image dans le reste de la nation n’a jamais été aussi favorable mais dans le contexte d’un désintérêt croissant. On est ainsi passé d’un (relatif) sentiment antimilitariste dans les années 1960-1970 à un sentiment « a-militariste ». Même si les événements, les institutions mêmes, des débuts de la Ve République ont préparé cet effacement, il est bien évident que ce sont la disparition de la menace mortelle aux frontières, phénomène inédit depuis des siècles, et la suspension du service national qui l’a suivie de peu, qui ont accéléré le phénomène. En se professionnalisant, les militaires se sont banalisés et leur nombre s’est considérablement réduit.

Dans sa deuxième partie, Esquerre propose de « recréer du lien ». Il s’agit d’abord pour lui de resserrer des liens sociaux distendus par un intérêt accru accordé aux réservistes mais aussi par des formes d’aide sociale comme la formation professionnelle, depuis longtemps une « success story » militaire outre-mer avec le service militaire adapté (sma), ou par un dépoussiérage de l’action mémorielle. Il s’agit ensuite de faire se rencontrer les décideurs civils et militaires en proposant à certains des premiers de suivre la scolarité initiale ou supérieure des seconds, en généralisant la mobilité externe des officiers brevetés, y compris dans les assemblées au sein d’états-majors de liaison. Enfin, Esquerre conclut sur le problème sensible de l’expression des militaires. Partant du principe qu’une expression libre traduit la bonne santé intellectuelle et structurelle des armées, il propose d’y parvenir en responsabilisant les militaires et en se fiant à leur sens du devoir et à leur loyauté.

Il ne s’agit là que de quelques-unes des nombreuses pistes proposées dans cet ouvrage dense et pourtant très clair. Tout officier qui écrit, et qui écrit bien, sert la France, disait le général de Gaulle. Le commandant Esquerre sert la France.


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