N°32 | Le soldat augmenté ?

Yann Le Bohec
Spartacus chef de guerre
Paris, Tallandier, 2016
Yann Le Bohec, Spartacus chef de guerre, Tallandier

Bien connu de tous les amateurs d’histoire militaire, en particulier d’histoire antique, Yann Le Bohec s’intéresse ici, en onze denses chapitres chrono-thématiques, aux caractéristiques militaires de la révolte de Spartacus et des opérations qui s’échelonnent entre 73 et 71 av. J.-C. Pour Spartacus, tout commence en Campagnie lorsqu’il prend la tête d’une bande de révoltés de quelques dizaines d’hommes d’origines et de statuts différents. Peu à peu, s’équipant sur les voyageurs rencontrés et les premières troupes romaines vaincues, les effectifs augmentent par le ralliement d’autres esclaves en rupture de ban, et l’affaire dépasse le cadre des autorités locales avec sa prise en compte par les autorités romaines. Échappant à ses premiers poursuivants, Spartacus commence à organiser sa troupe, à mettre en place une hiérarchie, à se préoccuper de son ravitaillement, à envisager les actions futures à conduire : de chef de bande, il devient chef de guerre, faisant preuve de réelles capacités tactiques en fonction des ressources de la zone traversée et de la menace des troupes lancées à sa poursuite. Il bénéficie d’un avantage intellectuel et moral : le Sénat romain sous-estime et méprise les esclaves, alors que l’effectif révolté passe progressivement de soixante-dix à sept mille puis soixante mille hommes et, enfin, autour de cent mille hommes. « Ce nouveau chef de guerre se conduisait en homme intelligent et en ennemi implacable », allant jusqu’à s’allier avec un grand adversaire de Rome, Mithridate, roi du Pont. Yann Le Bohec cherche ensuite à déterminer les « buts de guerre » du chef révolté et détaille, autant que possible, l’organisation, la composition (il y avait des Italiens hommes libres dans son armée, y compris des déserteurs des légions) et les structures de commandement mises en place. Il s’intéresse ensuite à la tactique employée (en ayant toujours soin de replacer ses analyses dans le cadre culturel et intellectuel de l’époque), tout en soulignant les faiblesses de l’armée des esclaves. Il suit ensuite longuement les révoltés à travers l’Italie, du Nord au Sud, en 72 av. J.-C., puis termine ce récit sur l’échec du passage en Sicile et les derniers combats de l’hiver 72-71 av. J.-C., avec les victoires de Crassus et de Pompée. Le dernier chapitre s’intéresse à « Spartacus après Spartacus », le souvenir de ces campagnes et leur influence sur la situation des esclaves. On apprécie en particulier la critique des textes antiques que fait Yann Le Bohec au fur et à mesure des pages, donnant au fil des paragraphes les raisons pour lesquelles il accorde davantage de crédit à l’un qu’à l’autre des auteurs. On note également le côté très pédagogique du livre, chaque chapitre se terminant par une conclusion partielle clairement identifiée. Un volume facile à lire et très riche qui passionnera tous les amateurs.

PTE

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