N°33 | L'Europe contre la guerre

Gérard Chaliand
Pourquoi perd-on la guerre ?
Un nouvel art occidental
Paris, Odile Jacob, 2016
Gérard Chaliand, Pourquoi perd-on la guerre ?, Odile Jacob

Chaque livre de Gérard Chaliand est d’un grand intérêt. Que l’on accepte ou pas, en tout ou partie son raisonnement, il ouvre des pistes de réflexion importantes et sait pointer les failles ou les insuffisances des discours et pratiques officiels. Ce dernier ouvrage n’échappe pas à la règle. Suivant un plan globalement chronologique, les neuf chapitres sont organisés en trois grandes parties. La première, « La victoire, un art occidental », nous entraîne de la conquête espagnole aux Amériques et de l’expansion coloniale européenne jusqu’aux combats de « pacification » du début du xxe siècle. La deuxième, « Le retournement », s’intéresse à la période qui s’étend de la Grande Guerre à la guerre américaine du Vietnam, marquée quelques années auparavant par « la fin de l’Europe impériale ». La troisième, enfin, « L’enlisement de l’Occident », s’attache aux conflits les plus récents, du Moyen-Orient, d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie. La pagination relativement réduite ainsi que l’ampleur du champ couvert dans le temps et dans l’espace contraignent l’auteur non seulement à adopter un style vif, ramassé, très souvent simplement affirmatif, mais aussi à limiter ses analyses pour asséner une série de conclusions partielles. C’est sans doute là l’une des faiblesses de l’ouvrage, car s’il regorge de dates, de chiffres, de précisions, traiter des accords Sykes-Picot en une page ou des guerres d’Indochine et d’Algérie en trois conduit nécessairement à des raccourcis un peu rapides. Il n’en demeure pas moins que Gérard Chaliand utilise avec brio des données issues de la géographie, de la démographie, des sciences politiques et sociales, de l’histoire bien sûr, pour brosser une ample fresque des guerres « asymétriques » des États occidentaux sur plus de cinq siècles. En conclusion, il n’accorde pas à l’État islamique la puissance que certains médias ou politiques veulent bien lui donner, souligne l’importance du régime d’Assad pour éviter en Irak « un chaos semblable à celui de la Libye », mais met en relief le manque de volonté et de détermination dans la lutte contre lui, et sa dernière phrase est lourde de menaces : « Il va falloir, le dos au mur, y procéder au moment même où les tensions vont être de plus en plus vives. »

Une bibliographie de référence assez récente, en français et en anglais, termine l’ouvrage. Un petit volume vivifiant qui ouvre des pistes et suscite des réactions.

PTE

L’Ultime champ de bataille | Frédéric Chamaud et Pierre Santoni