N°42 | Guerre et cinéma

Cédric Marty
À l’assaut !
La baïonnette dans la Première Guerre mondiale
Cédric Marty, À l’assaut !, Éditions Vendémiaire

La Première Guerre mondiale est associée au combat à la baïonnette, qui aurait marqué la guerre des tranchées. C’est cette représentation et les pratiques associées qu’interroge avec finesse Cédric Marty, docteur en histoire, dans ce livre passionnant issu de sa thèse soutenue en 2014. Il s’attache d’abord à replacer l’usage de cette « aiguille cruciforme de 52 cm » dans le contexte du bouleversement tactique que provoque l’apparition du « système tranchées ». L’émergence de cette « guerre d’Apaches » ne signifie pourtant pas que la baïonnette est utilisée massivement, même pour l’abordage des tranchées adverses. À tel point que les blessures à l’arme blanche représentent largement moins de 1 % du total, et que la plupart sont le fait d’accidents. Les « nettoyeurs » de tranchées, qui surgissent à partir de 1915, sont équipés d’un revolver, d’un couteau (qu’ils sont très réticents à utiliser) et surtout de grenades, leur arme privilégiée, mais aucunement de baïonnettes. Cédric Marty revient aussi sur l’imagerie guerrière diffusée avant et pendant la guerre, imagerie qui participe grandement à la mise en valeur de l’assaut et du combat à la baïonnette. Ce dernier devient un « mythe militaire paradoxal » : même ses plus grands zélateurs reconnaissent son usage extrêmement limité au combat, mais ils mettent en avant sa fonction psychologique et morale. La baïonnette serait garante de l’esprit offensif caractéristique du tempérament français. « Rosalie » se trouve donc au cœur de la propagande de guerre et, même au plus fort de l’enlisement, l’escrime à la baïonnette reste très pratiquée à l’arrière afin de maintenir, estime-t-on, le mordant des troupes. Cependant, cette arme est progressivement discréditée par la tournure de combats où l’artillerie et les mitrailleuses jouent les premiers rôles et, à partir de la fin de 1915, elle est de moins en moins citée dans les journaux. Néanmoins, la baïonnette demeure très présente, notamment dans les romans populaires, et elle continuera à accompagner bien des représentations de poilus dans l’après-guerre comme en témoignent encore, par exemple, certains monuments aux morts. Dans cet essai, Cédric Marty fait véritable œuvre d’historien en déconstruisant le mythe de l’usage de la baïonnette dans l’armée française pendant la Grande Guerre et en démontrant bien le décalage entre le discours de guerre et l’expérience vécue par les soldats sur le terrain. Son style très clair et l’ampleur des thèmes abordés en font un livre indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à cette période et à la question de la culture combattante française.


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