N°42 | Guerre et cinéma

Jacques-Olivier Boudon
La Campagne d’Égypte
Paris, Belin, 2018
Jacques-Olivier Boudon, La Campagne d’Égypte, Belin

La mémoire historique reste parfois bien étrange. Elle a en effet transmis à travers cette expédition bonapartiste (pas encore napoléonienne) en Égypte une image glorieuse, inaugurale d’une épopée impériale. Or cet ouvrage passionnant d’érudition, riche d’analyses de nouveaux documents, restitue une tout autre dimension de la vérité de cette campagne. Les débuts de l’expédition sont certes flamboyants : Malte, Alexandrie, Le Caire sont rapidement conquis. Mais les combats sont très meurtriers de part et d’autre ; les Français se livrent à de véritables massacres de plusieurs milliers d’hommes, suscitant une terreur d’une grande violence. Des erreurs stratégiques conduisent à la destruction de la flotte française d’Aboukir. Mais ce désastre, qui aurait pu conduire à un sentiment d’enfermement, est loin de faire ressentir de la détresse. Bien au contraire, l’armée française, sous la conduite de généraux courageux, dont plusieurs perdent la vie, va multiplier les succès, ce qui conduira à une occupation plus pacifique d’Alexandrie et du Caire. Les cent cinquante savants multiplient les travaux scientifiques, et s’emparent de nombreux documents et objets qui feront la richesse culturelle du Louvre. Mais Bonaparte a l’ambition d’attaquer les possessions anglaises de l’Orient et ce sera l’échec meurtrier du siège de Saint-Jean-d’Acre. L’assassinat de Kléber, après le départ presque clandestin de Bonaparte pour la France, amorce le dernier acte de plus en plus désespéré de l’expédition. Le général Menou, dictatorial et démagogue sans vraie stratégie, assiste impuissant à la reprise par les Anglais et par les Ottomans de la plupart des places fortes. L’armée française aura perdu plus de vingt mille hommes de blessures et de maladies (peste et choléra), de soif et d’épuisement, dont un grand nombre d’officiers, mais pourra heureusement réembarquer sous le regard assez bienveillant des Anglais. L’auteur nous fait ainsi participer à cette expédition dont on retiendra l’aspect tragique aujourd’hui bien oublié. Peu à peu l’aspect culturel se superposera à la tragédie de la guerre, l’égyptomanie fera oublier les massacres. L’Égypte, elle, a été directement marquée par cette expédition qui l’a fait entrer dans la modernité. L’auteur a raison d’envisager la conquête de l’Algérie en 1830 comme une suite logique et expérimentée de l’aventure égyptienne. Un livre brillant et nécessaire.


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