Le cœur du « crime de bureau » loge dans la culture qui en construit la raison politique ; sa chair est sémiologique et son épouvante est effacée, normalisée, par la persuasion d’un raisonnement exprimé bien en amont de la signature finale. La rhétorique du programme meurtrier est souvent frappée d’une vibrante intensité, et l’appel à la haine, reconfiguré en mission sacrée, est toujours plus revigorant que son contraire.
L’historien peut, a posteriori, s’emparer du morceau de papier et définir l’auteur du paraphe comme responsable politique majeur, « premier couteau » dont le simple trait de plume a conduit à la réalisation du crime historique. Il oubliera dans son récit explicatif les atrocités dont certaines, perpétrées à l’encontre des populations victimes, utilisent la sexualité comme outil. D’où ce cliché que le viol est à la fois un risque permanent en temps de guerre et, qu’en même temps, il échappe à son histoire économique ou politique sérieuse : il n’est qu’une ignoble bavure, un excès fâcheux, qu’il s’agit d’effacer ou de seulement ajouter à la longue liste des infamies prédictibles. La bibliographie consacrée aux viols et aux atrocités de guerre est désormais importante et tend à assigner les viols en temps de guerre à un espace de barbarie dans l’homme ou autour de lui. La fin du xxe siècle a vu naître la judiciarisation croissante de ce crime et, en même temps, étrangement, sa visibilité, ce qui n’implique pas forcément un accroissement quantitatif des chiffres réels, très difficiles à établir.
Pourtant, tout état de guerre se définit par une hausse des violences de tous ordres, y compris en dehors du terrain de l’action militaire. Même à l’arrière, les pays engagés dans un conflit sont soumis aux peurs, aux rumeurs, aux haines construites par une propagande devenue vérité obligée. Les seuils des transgressions bougent et les critères de l’exercice du droit subissent d’invisibles variations : le fait de la guerre change le visage du crime aux yeux mêmes des acteurs. Le contexte de la paix est un fait politique majeur, totalement non pensé, pour l’épanouissement de la qualité du lien social et du rapprochement de chacun, personne civile et soldat en uniforme, avec sa propre éthique. Mais le fait même de la guerre brouille toutes les perceptions et peut rendre moins visibles certaines pratiques qui, en temps de paix, seraient désignées clairement comme criminelles. Les viols et les violences sexuelles qui, en règle générale, sont condamnés sans ambiguïté tant dans les textes de loi que dans les mentalités ordinaires peuvent alors apparaître comme presque pas si grave que cela, tellement prévisibles lorsque sur le terrain, des miliciens en armes, des soldats plus ou moins réguliers font face à des hommes et à des femmes de tous âges, désarmés, mais appartenant aux populations définies comme « ennemies ». La haine de l’ennemi étendue aux femmes de celui-ci, le sadisme sexuel, la frustration de la vie militaire et le jeu de cette sexualité frustrée, qui tend à la montée aux extrêmes de la violence des images érotisées vues sur écran (facilement disponibles dans nos sociétés contemporaines), expliquent que ce crime, dénué de toute noblesse en termes de raison politique, soit plus important en temps de guerre et d’anomie qu’en temps de paix et de civilisation des mœurs. La notion d’« anomie » implique à la fois une certaine impunité due au désordre né sur le terrain, mais aussi le brouillage des critères collectifs de réflexion : le soldat violeur des femmes « ennemies » sait qu’il risque beaucoup moins d’ennuis qu’en temps de paix et, en même temps, ne sait pas trop, ou ne veut pas savoir, s’il accomplit un simple excès dans son devoir de guerre ou une abominable transgression.
En fait, l’affirmation « de tout temps, il y a eu des viols en temps de guerre », qui annule toute historicité et pose comme quasi naturel l’accroissement plausible de telles pratiques lors des conflits, cache une grande diversité de situations. La question du « viol arme de guerre », elle, semble impossible à comprendre : quelle est la guerre qui exige une telle arme ? Quelle est la culture des institutions politiques et militaires qui permet qu’une telle régression soit pensable ? Comment est-il possible qu’en ce début de xxie siècle de telles pratiques aient cours dans l’ombre du non-dit des violences de guerre plausibles, mais aussi en tant qu’injonctions plus ou moins autorisées, voire commanditées par les faiseurs de guerre1 ?
Il faut donc distinguer au moins deux situations, qui, bien entendu, peuvent se mêler sur le terrain : les viols de guerre « classiques », si l’on ose dire, qui sont liés aux situations d’anomie, d’impunité, de régression du lien social, mais qui sont dénués de signification dans l’histoire politique du conflit, et les viols « sur ordre » (tacite ou explicite), tactiques de guerre utilisant la sexualité comme moyen. Mais est-il pensable qu’une armée contemporaine oblige ses soldats à « violer », comme si cette pratique était une « arme de guerre » ? L’utilisation du viol comme « arme » (qui produit souffrance et destruction de l’ennemi) suppose un usage particulier de la sexualité humaine, destinée, en principe, à l’exact inverse. Ces viols, si souvent cités aujourd’hui dans les conflits contemporains, seraient liés à la pensée tactique elle-même, qui considérerait son efficacité destructrice comme allant de soi. Il faut la décrire avant de pouvoir différencier les deux registres de l’usage des violences sexuelles en temps de guerre.
- Efficacité destructrice du viol
En premier lieu, il faut inscrire le viol comme crime de souillure, qui se différencie du crime de violence, tout aussi destructeur, mais dont le sens est instrumental, c’est-à-dire dirigé vers un but explicite extérieur à la violence (voler les biens convoités ou obtenir une victoire sur un terrain bien défini, par exemple). Un coup de couteau porté lors d’une rixe peut faire très mal, mais l’honneur du blessé n’est pas touché. Toute violence n’est pas forcément cruelle, même si sur le terrain les deux peuvent se mêler. La violence peut assassiner, exterminer, anéantir afin d’atteindre son objectif économique ou politique ; sa victoire est postérieure à la souffrance qu’elle a entraînée. Elle peut être destructrice, exterminatrice, radicale, mais sa réalisation ne suppose pas nécessairement la surenchère des cruautés à l’encontre du corps de l’ennemi : l’ennemi militaire défait devrait être traité correctement, tout comme les populations civiles vaincues ; bien des règles militaires et coutumes de combat en témoignent, et pas seulement dans le monde occidental contemporain. Hélas, l’histoire témoigne aussi de la récurrence, certes non systématique, des « atrocités » de guerre, qui, plus que la victoire sur l’ennemi, cherchent la défiguration de celui-ci à ses propres yeux, son consentement à sa défaite mais aussi à son abaissement, à son avilissement : le tuer simplement est alors trop doux ; il faut lui faire regretter d’être né.
La différence de sens entre ces deux manières de détruire m’est apparue de façon très concrète lorsque, dans le cadre d’une enquête ethnologique intitulée « Alcool et guerre » et effectuée en ex-Yougoslavie en 1992-1995, je me suis rendue dans les camps de réfugiés de guerre afin de recueillir les témoignages de ceux-ci.
Les crimes de profanation ou de souillure, qui commencent par les moqueries d’un bizutage, et peuvent aller jusqu’à la torture et au viol, ont ceci de spécifique qu’ils font basculer la honte, la « salissure » du côté de la victime, quel que soit son sexe. Ils touchent donc la personne physique mais aussi la personne morale et sociale. C’est l’ensemble de l’identité qui est alors atteinte, et s’il n’y a aucun intérêt économique à « violer une tombe », à ravager le cimetière de la nation ennemie, la portée symbolique est en revanche immense lorsque les profanations touchent des lieux de culte et de culture définis comme sacrés par ceux dont on veut anéantir l’identité collective. Cracher sur un drapeau, violer un cimetière, torturer et pratiquer des violences sexuelles à l’encontre des populations civiles vaincues relèvent d’une même volonté de souiller et de profaner. Il ne s’agit plus seulement d’actions de guerre, mais aussi de cruauté. Ce sont les buts stratégiques, les performances techniques des armes, les choix et les actions tactiques diverses, dont la montée aux extrêmes bien décrite en polémologie depuis les travaux classiques de Clausewitz, qui font l’histoire de la guerre en cours. Le changement historique dans un rapport de force politique, qui implique parfois le choix de la violence armée, dont le but est extérieur au geste, n’a nul besoin des « atrocités de guerre », c’est-à-dire des crimes de profanation et de la surenchère de leurs cruautés, pour s’accomplir.
Dans les crimes de souillure, tortures et viols – toute torture est un viol et tout viol est une torture qui dénude, humilie et tue la personne morale et sociale avant la personne physique –, c’est la douleur de la victime qui semble être l’enjeu du geste cruel. Sa survie est nécessaire à l’efficacité du geste, ainsi qu’une mise en spectacle contrôlée de sa souffrance : la première fonction politique de la menace de torture, bien connue aussi depuis Machiavel, est la production de terreur, ce premier levier du lien de domination non consenti. Sur le terrain des guerres « sales », où se mêlent massacres, tortures et prédation, on peut constater cet usage de la cruauté extrême comme moyen de domination et de réduction en esclavage des populations civiles par des groupes armés dont on ne sait plus parfois à quel drapeau ils appartiennent – comme en Colombie à la fin du xxe siècle ou, de 1995 à 2011, dans cette région africaine du Kivu, en République démocratie du Congo, décrite dans un livre récent de Louis Guinamard2.
Le viol est le plus radical des crimes de souillure. En tant que torture, il est un envahissement qui porte à son comble l’exercice du pouvoir sur un autrui sexué : l’introduction de la sexualité comme champ possible de la destruction reconfigure tout le sens de la violence ; au travers des ventres des femmes, elle vise non seulement le fils imaginaire mais aussi l’ancêtre fondateur de la lignée. On comprend la cohérence du langage qui emploie le même verbe « violer » pour une tombe et un corps ; c’est bien le crime de profanation qui est ici en jeu. De plus, et très concrètement, cette invasion forcée du corps féminin est aussi une intrusion dans son avenir proche avec la menace de grossesse, et celle, dans nos sociétés contemporaines, de maladies sexuellement transmissibles extrêmement graves comme le sida. On peut donc définir le viol comme un crime continu, dont la puissance de destruction peut augmenter avec le temps, contrairement à l’assassinat, et un crime extensif et total, dont la cruauté physique n’a d’égale que la violence symbolique adressée à l’ensemble d’une communauté culturellement liée par un même arbre de filiation, un même nom, une même terre. Le fait que la victime puisse survivre a bien souvent empêché la prise en compte de la spécificité de ce crime, en en effaçant la gravité.
Enfin, on peut définir les violences sexuelles en temps de guerre comme une criminalité « de genre », qui se conjugue au féminin et au masculin de façon différenciée. Chez la victime masculine, il tue la masculinité, et chez la victime féminine, la valeur de sa capacité de reproduction entre le père et le fils. La victime masculine, si elle survit, voit son déshonneur enfermé dans sa propre histoire, alors que la femme victime de viol voit à travers son corps toute la capacité reproductive de sa communauté piétinée. En temps de guerre, ce sont les femmes appartenant aux populations vaincues qui sont le plus souvent concernées, comme si cette dissymétrie sexuée qui fait de la femme, de sa matrice, un enjeu dans l’extermination de sa communauté était évidente : en massacrant immédiatement l’ennemi masculin, on rend son « sang » infertile, en violant les femmes de cet ennemi, on occupe sa place dans l’avenir.
Le crime de viol constitue donc non seulement une effraction corporelle douloureuse, une possession, une domination physique puis politique, mais aussi, dans les cultures où l’honneur des femmes est défini par leur refus d’une sexualité illégitime, par exemple leur virginité avant le mariage, une destruction identitaire majeure. Les cultures religieuses traditionnelles du Bassin méditerranéen ont construit cette évidence du viol comme massacre de la valeur de la personne de sexe féminin à ses propres yeux comme à ceux d’autrui, et non comme déshonneur du violeur masculin. En touchant la femme, on détruit le lien de famille, comme le feu détruit son lieu, la maison. Non seulement ce crime massacre la sexualité humaine transformée en champ de souffrance, non seulement il touche la matrice féminine et sa spécificité, mais en intervenant dans l’arbre de la filiation, il prend la place de tous les hommes de la famille, père, mari bien sûr, fils, frère…
Après avoir un peu cerné l’efficacité destructrice du crime de viol, il faut revenir à notre question : quelle est la différence entre le viol « en temps de guerre », signe d’appropriation de l’identité collective de la communauté ennemie au travers du corps de ses femmes, et le viol « arme de guerre » ?
- Le viol « en temps de guerre »
Dans Une femme à Berlin, journal anonyme tenu du 20 avril au 22 juin 1945, une jeune Berlinoise décrit les viols frénétiques et répétés des femmes allemandes par les soldats russes lorsque ceux-ci ont occupé la capitale à la fin de la Seconde Guerre mondiale3. Quels que soient les débats sur ce texte étonnant, les viols qui y sont décrits sont bien des viols de guerre : le conflit est terminé, mais l’occupation s’installe avant tout cadre collectif organisé, les soldats entrent partout, violent tout le temps, tuent souvent. Les frustrations sexuelles du soldat victorieux se conjuguent avec la conscience de la victoire et l’évidence d’appartenir au camp du plus fort, l’idée de revanche légitime étayée par toute la sémiologie de la propagande de guerre et par la culture de la virilité qui fait de la possession sexuelle de la femme de l’ennemi, comme celle de sa terre, de ses villages et villes, de ses biens, le signe de la victoire. Le violeur achève la destruction de l’identité masculine de l’ennemi en prenant sa place dans le lieu où prend racine le lien « de sang » père/fils. Les viols sont systématiques, de guerre, liés à l’impunité, perçus comme légitimes par les soldats russes qui, avec le temps, repèrent des lieux, préfèrent certaines femmes. Le crime impuni et répété ouvre la voie à la prostitution occasionnelle où ce qui est en jeu pour la victime est de ne pas être tuée, puis de survivre. Ce sont donc des viols de guerre, mais commis après la guerre elle-même, non des viols comme arme d’une guerre en train de se faire où la sexualité est utilisée au même titre que l’obus de mortier.
Le stéréotype des « viols de guerre » pose qu’il y en a « toujours » eu, que toute guerre traîne son sillage d’atrocités inutiles au plan stratégique. Ils devraient être analysés cas par cas. Les témoignages offrent en effet des scènes hétérogènes. Souvent le vol impossible parce qu’il n’y a plus rien à voler est retenu comme argument d’un viol conçu comme une punition. C’est le sadisme pathologique qui semble être là à l’œuvre. Ailleurs, le but est le rapt. Les massacres des populations civiles vaincues, assortis de tortures et de violences sexuelles, et souvent liés à la mise à sac de leurs biens pendant l’envahissement du territoire et après la victoire, ne sont pas mécaniquement présents dans toute l’histoire des conflits armés. En fait, la situation de guerre crée des espaces d’impunité et les conditions d’une moindre visibilité collective de toute la criminalité condamnée en temps de paix. La pratique de ces crimes reste comme extérieure à l’histoire tactique et à la polémologie du conflit armé lui-même, et est le plus souvent condamnée dans le texte des règlements militaires. Par ailleurs, les conditions historiques des différentes guerres, nationales, armées contre armées, coloniales, armées contre une population, exterminatrices, défensives ou impériales, offrent des cadres spécifiques qui freinent ou permettent ce type de crimes hors-champ. Enfin, la culture du soldat en guerre ainsi que le statut qu’il accorde à la personne de son ennemi collectif sont ici cruciaux : le mépris racial, par exemple, conduit à une moindre perception morale des crimes perpétrés à l’encontre du corps de l’ennemi auquel est dénié le statut d’humain « à égalité » dans le face-à-face et l’échange des regards. Historiquement, les situations de guerre sont hétérogènes, et nulle fatalité ne contraint le soldat à violer à côté du champ de bataille.
Depuis les années 1990, de nombreux colloques et ouvrages ont étudié les conditions nécessaires à l’existence des crimes de guerre. Après l’article fondateur de Roy Gutman consacré aux viols systématiques commis en ex-Yougoslavie4, beaucoup de travaux ont montré que l’Europe en train de se construire dans les années 1990 n’était pas à l’abri de telles pratiques. Mais dans ce cas-là, l’adjectif « systématique » impliquait aussi un autre sens : le dossier Foca, lieu concentrationnaire où les femmes étaient violées systématiquement en 1993, a été traité par le tribunal international de La Haye ; l’esclavagisation des victimes semblait être l’argument d’une telle pratique, mais pouvait-elle constituer un but compréhensible ? Le deuxième dossier, dit Bassiouni, du nom du juriste responsable de la commission des droits de l’homme de l’onu (1994), consacré spécifiquement aux viols, fait état de médecins qui, en charge de l’examen gynécologique des femmes violées systématiquement en Bosnie pendant ce conflit, enlevaient les stérilets qui auraient empêché celles-ci d’être enceintes : les grossesses forcées semblent avoir été utilisées au sein des pratiques dites d’« épuration ethnique ». On peut constater l’art d’une propagande de haine qui a su utiliser les croyances anciennes et historiques sur la filiation agnatique (transmission de l’identité collective de père en fils au travers du ventre des femmes) dans une guerre contemporaine – d’où cette parole d’un bourreau recueillie dans les témoignages des victimes : « Tu porteras un enfant qui te haïra puisqu’il héritera des haines de son père. » Les viols de guerre commis à l’encontre des femmes vaincues, à Berlin comme en Bosnie, sont toujours des viols de domination sexuée, dont le sens est porté par les croyances collectives en jeu tant dans la culture du bourreau que dans celle de la victime, et qui touchent au système de transmission de la filiation.
La thématique des viols a été souvent utilisée en temps de guerre dans les discours politiques européens pour mieux construire un ennemi haïssable. Dans L’Enfant de l’ennemi, Stéphane Audouin-Rouzeau a montré comment, lors de la Première Guerre mondiale, la propagande a instrumentalisé l’accusation de viols pour mieux « barbariser » l’ennemi5. Depuis, le travail novateur de cet historien français reste hanté par cette question de l’écart entre la bataille et le crime.
Dans notre culture occidentale, la condamnation collective des viols en temps de guerre, qui s’inscrivent dans l’ensemble des atrocités possibles exercées à l’encontre des civils vaincus, en particulier les plus désarmés et les moins menaçants, vieillards, femmes et enfants, est ancienne. Même dans les films de guerre décomplexés de la fin du xxe siècle, les « violeurs » ne sont pas des héros et les criminels de guerre sadiques ne sont plus des soldats dignes de ce nom, ni des « hommes ordinaires ». Ou plutôt, ce sont des hommes ordinaires devenus, en situation de guerre injuste, malades, dévoyés, délirants, comme dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979). Dans La Cité de Dieu, saint Augustin, évoquant le sac de Rome (410), considère le viol « des femmes mariées et des vierges » comme le signe et le symbole de la « barbarie » des violeurs, et non celui de la faute des femmes (si elles ont su préserver leur chasteté intérieure). S’il est minimisé dans les cultures qui méprisent celles-ci, le viol est rarement prescrit comme acte héroïque, même dans les textes anciens censés décrire des périodes plus « barbares » que la nôtre, et la cruauté n’est valorisée ni dans les contes ni dans les romans d’aventure, sauf exception libertaire sadienne.
- Le viol comme « arme » de guerre
Le viol « arme » de guerre est le signe d’une victoire qui s’accomplit aussi dans le corps des femmes de l’ennemi, mais également une pratique qui, dans l’envahissement du territoire convoité, est utilisée comme une arme de destruction de l’ennemi collectif. La purification ethnique en Bosnie offre de nombreux exemples de cet usage, comme le génocide rwandais ou, à partir de 1995, les exactions commises dans la région congolaise du Kivu. L’usage de cette forme de viol suppose que le face-à-face sur le champ de bataille soit radicalement inégal en termes de rapport de force : d’un côté, un groupe militarisé, armé, masculin, professionnel, de l’autre, des populations civiles de tous âges et de tous sexes, désarmées... Massacres, tortures et viols produisent terreur et fuite, libérant terres, maisons et biens. Longtemps la paysannerie occidentale a été la victime de bandes armées. Or ce style de guerre semblait révolu depuis le xixe siècle, les combats étant désormais conduits par des armées régulières et régis par des codes internationaux réglementant, notamment, la conduite à tenir vis-à-vis des ennemis.
L’utilisation du viol comme arme suppose donc un genre de guerre particulier, où la notion d’ennemi englobe tous les membres appartenant à une même identité collective (nation, ethnie, village, classe sociale), les hommes, les femmes, les enfants. L’anthropologie a montré que dans de nombreuses cultures, même non occidentales, l’enjeu de la sexualité des femmes est la maîtrise du lien de filiation par les hommes. Nous ne pouvons revenir sur ce point crucial, mais le rejet de la femme violée par sa propre communauté est un fait. Dans son livre, Louis Guinamard présente des témoignages qui illustrent cet aspect. Le viol est donc une arme « intéressante » pour détruire le lien entre les hommes et les femmes d’une même famille : les femmes violées sont rejetées par leurs proches – citons, par exemple, ce mari qui, en un premier temps, chasse son épouse, la victime, mais qui, en un second temps, grâce à l’entremise d’un tiers, lui « pardonne » ; un des aspects très fort, et très discret en même temps, de ce livre, est de montrer l’efficacité de la parole, du tiers, et du traitement cas par cas des situations. D’où l’efficacité du viol comme « arme » de destruction de la cellule familiale en tant que telle.
Remarquons que dans les cas de domination d’un territoire par la terreur, que cette domination soit économique (mafia au Mexique, par exemple) ou politique (régime totalitaire quelle que soit l’idéologie de ce totalitarisme), les massacres, les tortures et les viols sont utilisés comme des tactiques de contrôle des populations. La sexualité est le moyen de soumettre le corps social au cœur de sa structure la plus élémentaire, celle où s’organise le système de parenté, si l’on ose utiliser le titre du livre classique de Claude Lévi Strauss.
En tant qu’arme de guerre, le viol est néanmoins confronté à une difficulté : sur le champ de bataille, le chef ne peut ordonner « Violez ! » comme il ordonne « Tirez ! ». Et les seconds couteaux, pauvres types, soldats dans la glaise qui font le « sale boulot », en proie à leur perdition intime si humaine, eux qui sont sous la coupe d’ordres venus d’« en haut », deviennent des acteurs de premier plan quand ils accomplissent un tel acte. On peut considérer que le violeur forcé est aussi une victime, qui voit sa sexualité assignée à la haine et à la souffrance d’autrui. Et en même temps, il n’est pas aussi passif que le soldat perdu dans son bataillon : il faut qu’il y mette du sien, qu’il baisse culotte et offre le spectacle de sa nudité frénétique. Il faut tout le travail de l’idéologie de la virilité pour transformer en performance cet épisode dénué d’élégance. Le viol ne peut pas être une arme de guerre comme une autre.
Depuis l’article de Roy Gutman, l’hypothèse que des viols soient commis en ces temps de guerres européennes contemporaines de façon « systématique » était posée : il ne s’agit pas ici seulement de l’Afrique. Étrange adjectif qui suppose le cadre d’un « système » pour une action pensée plutôt comme pulsionnelle et qui demande de l’acteur, soldat ou milicien, une implication intime. Le guerrier violeur, le plus souvent « second couteau » en termes de responsabilité militaire et politique, est ici au premier rang sur le front d’une action due en principe à la violence d’un désir physique supposé incontrôlable. Il semble que dans ce cas les autorités militaires ont été à l’origine de l’organisation de lieux spécifiques et d’injonctions venues plus d’une propagande obscène que d’ordres écrits pour faire des viols des armes sur le terrain de cette guerre-là, appelée « nettoyage (ou purification, c’est le même verbe en langue ex-yougoslave) ethnique ». La fureur sexuelle du guerrier frustré et le vertige d’impunité que donne l’avantage de la force sont alors renforcés par une autorisation venue d’« en haut », dont témoigne l’organisation concrète de l’action sur le terrain : séparation des hommes et des femmes du village à « nettoyer », massacre des hommes, viol des femmes à tous les stades de leur survie et organisation de lieux spécifiques.
Mais lorsque les viols sont utilisés comme « armes », il ne s’agit plus de guerre mais de politique, une politique de domination qui a recourt à toutes les violences possibles, les plus efficaces contre les populations civiles étant aussi les plus cruelles. L’anthropologie montre que dans la plupart des sociétés connues, ce qui touche au système de transmission de la filiation est investi de valeurs et d’émotions collectives. Le viol veut donc atteindre le « sang », qui, de père en fils, véhicule l’identité de tous. Il n’est donc pas une simple arme de guerre, mais un moyen de destruction du lien qui définit une collectivité, en visant non pas la mort physique de chacun des membres de celle-ci mais la naissance de tous ses futurs membres.
- Dernier exemple contemporain
Dans son ouvrage, Louis Guinamard développe l’exemple d’un théâtre contemporain, la région du Kivu, à l’ouest de la République démocratique du Congo, où les pratiques de viol et autres atrocités commises contre le corps d’autrui se sont installées et multipliées depuis le génocide perpétré dans le Rwanda voisin entre avril et juillet 1994, et entre deux guerres et quelques séquences de paix jamais véritablement effective dans les villages. Deux guerres, plus de quatre millions de morts, dont le récit historique n’a été ni entendu en Europe, ni énoncé dans les manuels. De ces conflits terribles, où l’économie occidentale et sa diplomatie complexe jouent, hélas, des rôles meurtriers, les opinions européennes ne savent pratiquement rien. C’est la problématique des viols démultipliés, « systématiques », qui a frappé tardivement, depuis 2005 surtout, les associations de défense des droits humains et les associations humanitaires. De nombreuses enquêtes et travaux internationaux se sont alors multipliés.
C’est dans ce cadre que Louis Guinamard est allé sur le terrain enquêter auprès des victimes et des bourreaux. Son livre oblige les Français à poser la question aux historiens : que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé à ce désastre humain, politique, économique ? L’usage des viols et tortures par des miliciens vivant en bandes dans la forêt en dehors de tout cadre institutionnel s’est intriqué dans tout le système de la communication collective depuis une quinzaine d’années, jusqu’à devenir un risque permanent et banalisé pour la population civile, rurale surtout, isolée dans les villages, en temps de guerre comme en temps de paix. Depuis 2005, de nombreuses actions ont été menées sur le terrain afin de venir en aide aux victimes : la situation de celles-ci est épouvantable. Souvent rendues invalides par les terribles blessures liées aux tortures des violeurs, et que seuls des soins chirurgicaux peuvent réparer, elles portent la souillure du viol et sont souvent chassées de leurs familles. Les hontes sont cumulées, celles du corps blessé qui, par exemple, ne peut plus retenir ses excréments et les mauvaises odeurs liées – dans la cour de l’institution de soin, telle jeune fille se cache dans un coin –, et celle d’une image de soi détruite aux yeux d’autrui comme de soi-même. Elles s’additionnent à l’horreur d’une possible infection par des maladies sexuellement transmissibles, sida, hépatite C, épouvante que le risque de grossesse accroît de son cauchemar propre et indécidable, car trop ambivalent.
Pour la victime, le viol est, contrairement à l’assassinat, un crime continu dont le taux de destructivité et de production de souffrance se nourrit de la durée. Sur le terrain, il est souvent lié au vol systématique des biens et à cette économie de guerre qui, avec le temps et l’impunité, fabrique une culture de la mort présente chez les miliciens puis dans tout l’espace environnant, en Afrique comme en Colombie, longtemps après que les raisons politiques de leurs actes ont cessé d’être historiquement actives. Cette culture de la mort, composée de rituels, de chants, de parures, de proverbes, de croyances, se nourrit de l’épaisseur de l’impunité qui, avec le temps, rend impossible le dévoilement aux yeux de tous, et surtout de la victime, de la dimension criminelle des pratiques de violences sexuelles.
Il est difficile de penser de l’extérieur la cruauté, démente et ordinaire à la fois, des crimes commis lors d’un génocide par toute une population hallucinée par une propagande de guerre sophistiquée qui joue avec leurs croyances culturelles et religieuses les plus intimes. S’il n’y a pas un dévoilement, qui commence avec la prise en compte du récit d’une victime et ne se déploie vraiment qu’avec la victoire militaire de son camp, jamais aucun miroir des faits ne sera renvoyé à l’homme ordinaire (titre du livre majeur de Christopher Browning) qui a été pris dans le mauvais camp, celui des assassins. On peut voir dans l’ouvrage de Louis Guinamard les effets de cette absence de dévoilement, et donc de récit, de mémoire, dans la banalisation d’une criminalité extrême pratiquée à l’encontre de la fraction la plus vulnérable de la population civile : les femmes et les enfants.
Les miliciens Interahamwe perdus dans les forêts du Kivu après juillet 1994 n’ont pas eu la chance de pouvoir faire face à leurs crimes passés. Ils ont vieilli, ont offert leurs services à différentes parties en guerre, ont fui, ont été massacrés aussi. Plus grave, leurs manières de faire ont servi d’exemples à de nouvelles générations qui n’avaient qu’eux comme modèles, enfants victimes de rapt, très nombreux, ou issus des femmes kidnappées et installées de force dans leurs camps. Leur usage de la razzia dans les villages, leur implication dans des échanges d’armes contre des produits précieux sortis des mines, très importants au plan international dans la région, montrent la mise en place d’une économie de survie de prédateurs, meurtrière en elle-même, nécessitant des armes et de la cruauté pour s’exercer, et qui n’invente rien : il manque Les Sept Samouraïs, les héros justiciers…
Mais nous sommes ici à la fin du xxe siècle, dans le cadre d’une juridiction internationale qui a classé les viols en crimes contre l’humanité sous certaines conditions. Or l’usage des violences sexuelles, non pas « en temps de guerre » mais comme « arme de guerre », n’a pas été freiné par les progrès de la législation internationale sur ce sujet, et pas seulement dans cette région du Kivu.
Ce dernier usage du viol semble concerner plus précisément la fin du xxe siècle et l’orée du xxie, et des contrées où un pouvoir totalitaire choisit, même en temps de paix, d’utiliser les tortures sexuelles envers ceux qu’il veut asservir puis détruire. Les situations de guerre contre des populations civiles définies collectivement comme ennemies et qui font l’objet d’une intense propagande seront propices à la multiplication des viols de guerre. Mais les viols comme armes de guerre, eux, sont utilisés à partir du moment où l’appareil militaire, et derrière lui l’appareil politique, estime tactiquement intéressant ce type de pratique intégrée dans le mouvement même des troupes auxquelles sont associées des milices qui feront le « sale boulot ».
Produire la terreur et vider un territoire convoité est la cause la plus fréquemment invoquée. Mais une fois la guerre terminée, demeure l’immense problème des victimes, celui aussi des bourreaux, des anciens soldats, des miliciens qui cherchent à se recycler en échappant à leurs propres souvenirs. Dans la catastrophe humaine majeure que sont la banalisation et la multiplication des viols, c’est la faillite du traitement international de la fin des conflits qui est en jeu. L’action sur le terrain, pluridisciplinaire et de qualité, la présence de tiers, sont cruciales et supposent pour se déployer d’avoir les moyens économiques, sanitaires, et institutionnels dans le plus grand respect des faits et des personnes impliquées.
1 Il faut relire ici les dossiers d’enquêtes des ong et visiter le site pluridisciplinaire initié par le Secours catholique et établi par l’Observatoire international de l’usage des viols comme tactique de guerre : www.viol-tactique-de-guerre.org/index.php
2 Louis Guinamard, Survivantes. Femmes violées dans la guerre en République démocratique du Congo, Paris, Éditions de l’Atelier, 2010.
3 Journal publié aux États-Unis pour la première fois en 1954. Version française présentée par Hans Magnus Enzensberger avec une traduction de Françoise Wuilmart, Paris, Gallimard, 2006.
4 Article publié le 2 août 1992 dans News Day et traduit dans Bosnie. Témoin du génocide (Paris, Desclée de Brouwer, 1994).
5 Stéphane Audoin-Rouzeau, L’Enfant de l’ennemi, Paris, Aubier, 1995.
The concept of an “office crime” has at its heart a culture which makes it into a political rationale; it is semiological in nature, and its horror is erased and made to seem reasonable by the persuasive logic that there must have been rational thinking well before the measure was finally signed. The rhetoric of a murderous programme is often invested with a vibrant intensity, and the call for hatred rebranded as a sacred mission is always more invigorating than sober calls for restraint.
A historian can, after the event, seize on the piece of paper and proclaim the signatory as the main person responsible for the policy, or the one who wielded the first blow, the simple signature demonstrating what led to a historical crime being carried out. The historian’s explanatory account will forget the atrocities, which in some cases were perpetrated against victim populations and used sexual activity as an instrument. This leads to both the trite dismissal of rape as a constant risk in wartime and the fact that it escapes serious treatment by economic and political history. Rape is only a horrible and regrettable instance of things getting out of hand, to be erased or simply added to a long list of loathsome but predictable deeds. Many books and articles devoted to rape and other wartime atrocities have now been written, and they tend to attribute wartime rapes to a barbarous streak in or encompassing men. In the late 20th century, we saw the crime increasingly recognised in law and – strangely – at the same time its being observed, which does not necessarily imply that its real incidence increased, reliable figures being difficult to establish.
And yet, any state of war is characterised by a rise in violence of all types, including outside the theatre of military activity. Even on the home front, countries engaged in a war experience fears, rumours and hatreds borne of propaganda that has become accepted as necessarily true. Thresholds for transgression shift, and criteria for the exercise of law undergo imperceptible change. The very fact of war changes how crime is seen, even by the perpetrators. Peacetime contexts are a major political fact that are simply taken for granted, enabling social links to flourish and everyone – both civilians and uniformed personnel – to come closer, within their own ethical systems. However, the simple fact of war blurs all perceptions and can reduce the visibility of some practices that in peacetime would clearly be seen as criminal. Rapes and other forms of sexual violence, which as a general rule would be unambiguously condemned both by the country’s laws and ordinary thinking, may then come to appear as not quite as serious, being so foreseeable where there are armed conscripts and soldiers, not all from the regular army, facing men and women of all ages, unarmed but belonging to a population described as “the enemy”. Hatred for the enemy extends to the women, and this – coupled with sexual sadistic tendencies, the frustrations of military life and the impact of sexual frustration rising to the extreme violence of erotic images easily found on screen in contemporary societies – explains why these crimes, devoid of all nobility in terms of political rationale, are more prevalent in times of war and anomie than in times of peace with civilised moral standards. At the same time, the anomie implies some tendency for crime to go unpunished because of the disorder unleashed. There is also a blurring of collective standards of judgement, and a soldier who rapes “enemy” women knows that he is much less likely to have problems as a result than in peacetime. At the same time, he does not really know, or doesn’t want to know, whether he is simply going a bit too far in his war duties or committing an appalling crime.
In fact, the assertion that “there have always been rapes in wartime”, which goes against the known historical facts and suggests that an increase during conflicts is more or less natural, conceals great diversity in the situations. The question of “rape as a weapon of war” seems incomprehensible. In which war or wars was use of such a tactic demanded? What is the culture of political or military organisations that makes such regression thinkable? How is it possible that at the beginning of the 21st century such practices occur both in the shadows of unmentioned but acceptable violence during war, and also as instructed by some degree of authority, possibly even being ordered by those waging war1?
We therefore need to distinguish between at least two situations, though of course they can merge into each other on the ground. There are “conventional” wartime rapes, if we can call them that, associated with situations of anomie, freedom from punishment, and decline in social bonds; these have no political significance in the history of the conflict. There are also rapes “commanded” (either tacitly or explicitly), which are a war tactic that uses sexual activity as a means. Is it thinkable, however, that a present-day army would force its soldiers to commit rape, as if the practice was a “weapon of war”? The use of rape as a weapon (resulting in suffering and “destruction” of the enemy) supposes an unusual use of human sexual activity, whose function is in principle, the exact opposite. Such cases of rape, which these days are mentioned so often in contemporary conflicts, are apparently associated with tactical thought itself, with its destructive potential being considered intrinsic. We have to describe what is involved before we can differentiate the two ways in which sexual violence is used in wartime.
- Destructive potential of rape
For a start, we need to see rape as a sullying crime rather than a crime of violence; it is just as destructive, with the means of execution being the main purpose. In other words, it is directed towards an explicit aim quite separate from the violence (stealing coveted possessions or gaining a victory on a very specific battleground being examples of such a tactic). A knife wound incurred in a brawl may cause a lot of pain, but the injured person’s honour is not affected. Not all violence is cruel even though, on the ground, the two types can merge into each other. Violence can kill, exterminate or annihilate in order to achieve its economic or political aim; victory comes after the suffering caused by the violence. It can be destructive, exterminating and drastic, but carrying it out does not necessarily suppose an escalation of cruelty inflicted on the bodies of the enemy. A defeated military enemy should be treated correctly, as should the defeated civil population; there are many rules of armed forces and fighting customs that testify to that, and not just in the contemporary Western world. Unfortunately, history also testifies to the recurrence – not universal, it is true – of war atrocities where what is sought, more than victory over the enemy, is destruction of the enemy’s image of itself; its acquiescence in its own defeat, together with its humiliation and its debasement. Simply killing the enemy would be too kind; he must regret having been born.
These different instruments for destroying the enemy appeared to me very real when, as part of an ethnological survey on “Alcohol and War”, carried out in former-Yugoslavia in 1992-95, I visited camps for war refugees, to collect witness statements.
The desecration or sullying crimes, which began by mockery in “initiation” sessions and could extend to torture and rape, had one specific feature: they precipitated shame in the victim, who felt sullied, whatever the person’s sex. They therefore affected the person physically but also his or her persona and social being. The person’s whole identity was thus hit. While there is no material advantage in violating a grave or destroying an enemy-nation’s cemetery, the symbolic impact is immense when the desecration is directed against places of worship and cultural shrines thought of as sacred by those whose collective identity you want to destroy. Spitting on a flag, desecrating a cemetery, torturing and inflicting sexual violence on a defeated civilian population demonstrate the same intention to sully and defile. No longer is it just an act of war, it is also an act of cruelty. The current history of war is made up of strategic aims, technical performance by weapons, and choices made between a variety of tactical actions, with escalation to extreme forms being well described in academic studies of war from the classic investigations by Clausewitz onwards. Historical changes in a balance of political strength – sometimes involving a choice to engage in armed violence, with the aim external to the actions taken – have no need for war atrocities, meaning crimes of desecration and escalation in cruelty, in order to achieve their ends.
In sullying crimes, torture and rape – with any torture being a bodily violation and any rape being a torture that strips bare, humiliates and kills the persona and the social being before the physical person – it is the victim’s pain that seems to be the whole purpose of the cruel act. The person’s survival is necessary for the act to be effective, as is a controlled demonstration of his or her suffering. The primary political purpose of threatening torture – well known since Machiavelli – is to produce terror, the first lever in the relationship of non-consensual domination. In the theatres of “dirty” wars, where massacres, torture and predatory acts come together, one can observe armed groups using this extreme cruelty as a means of domination and of reducing civilian populations to slavery. In some cases, we no longer know to which flag the groups belong; this was the case in Colombia in the late 20th century and, from 1995 to 2011, in the Kivu region of Africa’s Democratic Republic of Congo, as described in a recent book by Louis Guinamard2.
Rape is the most drastic sullying crime. As a torture, it is an invasion that is the ultimate exercise of power over another person, involving sex. The use of sexual activity as a possible theatre for destruction redirects the whole meaning of the violence; through the women’s bodies, it targets not only a hypothetical son but also the founding ancestor of the woman’s line. We can understand that language can be consistent in using the same verb, “violate” to refer to desecration of a grave or rape of a human being. They are both crimes of defilement. In addition, there is the very hard reality that the forced invasion of a woman’s body is also an intrusion into her immediate future, with the threat of pregnancy and also, in our present-day societies, of extremely serious sexually transmitted diseases, such as Aids. We can thus describe rape as a continuing crime, with its destructive power possibly increasing over time, unlike murder. It is an extensive and total crime, with its physical cruelty equalled only by the symbolic violence inflicted against the whole community with cultural attachments to a family tree whose members have a single family name and ancestral land. The fact that the victim may survive has very often prevented the crime’s specific features being considered, thereby concealing its seriousness.
Lastly, we can describe sexual violence in wartime as a “gender” crime, with women and men being affected differently. In a male victim, it destroys his masculinity, and in a female victim, it destroys the value of her ability to provide a reproductive link between father and son. If a male victim survives, he sees his dishonour limited to his own life history, whereas a female victim of rape sees the whole reproductive capacity of the community trampled on through her body. In wartime, rape most often involves women belonging to the defeated populations. It is as if the unequal sex difference makes a woman’s womb, with its unique role, an obvious target for extermination of her community. By immediately massacring male representatives of the enemy, their bloodline is aborted, and by raping the women, you take over their role into the future.
The crime of rape is therefore not only a painful invasion of the body, possession and physical – followed by political – domination, but also a major factor in identity destruction, in cultures where women’s honour is defined by their rejection of unlawful sexual activity and thus, for example by their virginity up to the time of marriage. Cultures with traditional religious affiliations in the Mediterranean Basin have seen this evidence of rape as destroying the woman’s value both in her own eyes and in the eyes of others, and not as a source of dishonour for the male rapist. By attacking the woman, you were destroying her family links, just as fire destroys her place, the home. Not only does the crime destroy human sexual activity, which is converted into an arena of suffering, and not only does it hit the nurturing role of women’s wombs, but, by interrupting the continuity of the father-to-son line, it displaces all the men in the family: father, husband (of course), sons and brothers.
Now having, to some extent, pinned down the destructive effectiveness of the crime of rape, we must return to our question: What is the difference between wartime rape, a sign of the enemy community’s collective identity being appropriated through the bodies of its womenfolk, and rape as a “weapon of war”?
- Rape in wartime
In A Woman in Berlin, an anonymous publication of a diary kept from 20 April to 22 June 1945, a young woman from that city described the frenzied and repeated rapes suffered by German women at the hands of the Russian soldiers occupying the German capital at the end of the Second World War3. Whatever the disagreements about the surprising publication, the rapes described there were certainly war rapes. The fighting had ended, but the occupation of part of Germany occurred before any organised administration; the soldiers entered premises everywhere, carrying out rapes the whole time and often killing. The victorious soldiers’ sexual frustrations combined with the awareness of victory and the fact that they were obviously on the stronger side. At the same time, there was the idea of legitimate revenge backed up by all the symbolism of war propaganda and the macho culture, which saw the sexual possession of the enemy’s womenfolk – like possession of the land, its towns and villages, and its goods – as a sign of victory. Rapists succeed in destroying the enemy’s masculine identity by replacing their menfolk in the “bloodline”, or father-son sequence. The rapes occurred everywhere, could clearly be associated with the war and were associated with awareness that they would go unpunished. At the same time, they were seen as legitimate by the Russian soldiers who, over time, got to know where to go for the women they most favoured. The unpunished and repeated criminal activity paved the way for casual prostitution, where what mattered for the victim was first not to be killed, and then to survive. They therefore were war rapes while being committed after the war itself, and not rapes as a weapon of war still being fought, where sexual activity is used in much the same way as shelling.
The stereotypical view of “war rapes” is that they have always taken place, and that in the wake of all wars there are atrocities that are pointless form a strategic perspective. They need to be analysed on a case-by-case basis. Accounts of the incidents provide a mixed bag of scenarios. The argument is often advanced that when theft is impossible, because there is no longer anything to steal, rape is seen as a sanction. Here, it is pathological sadism that seems to be at work. In other cases, the aim is abduction. Massacres of defeated civilian populations, together with tortures and sexual violence, often associated with ransacking of their possessions when the territory is invaded and after victory, were not automatically features of armed conflict throughout history. In fact, war situations create conditions where all criminal activity that would be condemned in peacetime can go unpunished, partly because it is less visible to the community. The crimes committed remain outside the historical record of tactics and of studies of the armed conflict itself, in most cases being condemned by military regulations. In addition, the historical circumstances of various wars – national, with armies fighting each other; colonial, with an army against an indigenous population; exterminating, defensive or imperial – provide specific circumstances that militate for or against such non-battlefield crimes. In the end, the culture of a wartime soldier and the status he accords to the person representing his collective enemy is crucial. Contempt for people of certain races, for example, leads to a reduced awareness of crimes perpetrated against the bodies of an enemy denied the status of an equal human being, in confrontations and when eyeing each other up. Historically, wars can be seen as far from uniform, and there is nothing that makes soldiers commit rape when off the battlefield.
Starting in the 1990s, there have been many conferences and published works studying the conditions needed for war crimes to occur. Following Roy Gutman’s path-breaking article devoted to the systematic rapes committed in former-Yugoslavia4, many studies have shown that Europe, which was becoming politically unified in the 1990s, was not immune to such practices. In that particular case, however, the adjective “systematic” implied something more than just being inescapable. The events at Foca, a city where concentration camps were established and women raped systematically in 1993, were dealt with by the international Criminal Tribunal, in The Hague. The purpose of such practices seems to have been enslavement of the victims; but was that a comprehensible aim? The second investigation, referred to as “Bassiouni”, from the name of the lawyer who chaired the UN human rights commission (1994) that was specifically concerned with rapes, gave reports of doctors who were responsible for the gynaecological examination of women raped systematically in Bosnia during the conflict, who removed intra-uterine devices that would have prevented the women from becoming pregnant; forced pregnancies seem to have been used as one of the practices called “ethnic cleansing”. We can note the hate-propaganda technique that was able to make use of ancient and historic beliefs in agnatic descent (communication of collective identity from father to son through women’s bodies) in a present-day war. The words of one torturer, quoted from victims’ testimony were: “You will bear a child who will hate you as he will inherit his father’s hates.” War rapes committed against defeated women, whether in Berlin or in Bosnia, are still rapes of sexual domination, which act through collective beliefs common to the cultures of the torturer and the victim, relating to father-to-son descent.
An emphasis on rapes has often been used in European wartime political speeches to enhance the image constructed of a hate-worthy enemy. In L’Enfant de l’ennemi, Stéphane Audouin-Rouzeau showed how, during the First World War, propaganda exploited rape accusations to strengthen the image of the enemy as savages5. Since then, this French historian’s new approach has constantly harked back to the question of the separation between battleground and criminal activity.
In our Western culture, the community’s condemnation of wartime rapes, as one of the possible atrocities perpetrated against defeated civilians, and in particular against those who are most defenceless and least threatening – old people, women and children – goes back a long way. Even in late-20th century war films with no hang-ups, rapists are not seen as heroes, and sadistic war criminals are no longer seen as soldiers worthy of the name, nor as “ordinary men”. Or rather, they are seen as ordinary men who have become – in the circumstances of an unjust war – sick, depraved and frenzied, as in Francis Ford Coppola’s Apocalypse Now (1979). In The City of God, Saint Augustine, referring to the sacking of Rome in 410, considered the rape of “married women and virgins” as symbolic of the rapists’ barbarian nature, and not a sin of the women (so long as the latter had retained their internal chastity). While rape is played down in cultures that despise women victims, it is rare for the practice to be prescribed as a heroic act, even in ancient documents that supposedly describe periods that were more barbaric than ours; and cruelty is not given a favourable image either in tales or in adventure stories, with the exception of libertarian works inspired by the Marquis de Sade.
- Rape as a weapon of war
Rape as a “weapon of war” indicates a victory achieved also in the bodies of enemy women. Also, however, it is a practice that, when invading a coveted territory, is used as a weapon to destroy the enemy community. The ethnic cleansing in Bosnia provides numerous examples of this use, as does the genocide in Rwanda and, starting in 1995, the acts of violence committed in the Congolese region of Kivu. The use of this form of rape presupposes that frontal confrontations on the battlefield are dramatically unequal in terms of strength: on the one side there is a group that is armed and male, consisting of professional soldiers, while on the other there is an unarmed civilian population of all ages and both sexes. Massacres, tortures and rapes result in terror and fleeing, freeing up land, houses and goods. The history of Western peasant farmers shows they were long at the mercy of armed bands. That type of war seemed to have disappeared in the 19th century, battles henceforth being conducted by regular armies, governed by international codes regulating, in particular, how enemies should be treated.
The use of rape as a weapon accordingly presupposes a special type of war, where the concept of an enemy encompasses all members of a community with a distinct identity (a nation, ethnic group, village, or social class, etc.): men, women and children. Anthropology has shown that in many cultures, and not just Western ones, what matters about women’s sexual activity is control over the father-to-son line by men. This is not the place to return to that crucial point, but rejection of a raped woman by her own community is an observed reality. Louis Guinamard’s book quotes accounts that illustrate this. Rape is thus a useful weapon to destroy the links between men and women in a single family; the raped women are rejected by those close to them. We can, for example, refer to a husband who initially throws out his wife, the victim, but then, through intervention by a third party, “forgives” her. One of the book’s great strengths, while being expressed very discreetly, is that it shows the effectiveness of such a third party’s words, and the importance of treating situations on a case-by-case basis. Here, we can see the effectiveness of rape as a weapon to destroy the family unit.
We should note that, in the case of a territory being dominated by terror, and whether the domination is economic (such as by the mafia in Mexico) or political (as with a totalitarian regime of any ideology), massacres, tortures and rapes are used as tactics to control the population. Sexual activity is a way of subjecting the social body to the heart of its most elementary structure, where the kinship system is organised, if we can use the title of Claude Lévi-Strauss’s classic work.
As a weapon of war, rape is nevertheless faced with a difficulty. On the battlefield, the leader cannot instruct “Rape!” as he would instruct “Fire!” Then there is the fact that the ordinary and rather pathetic soldiers in the making, who have to do the “dirty work” – racked by thoughts of losing their very souls and humanity, but obliged to simply obey orders “from above” – become front-line executors of the policy when they commit the act. We can consider a forced rapist to be another victim: one who has seen his sexual function assigned as an instrument of hate, inflicting suffering on another human being. At the same time, he is not as passive an actor as a soldier lost among the many of his battalion: he has to put himself into it, lower his pants and give others the sight of his frenzied naked activity. It needs all the work of the ideology and his masculinity to convert the order into performance of such an act which is devoid of elegance. Rape cannot be a weapon of war just like any other.
Since Roy Gutman’s article appeared, there has been the theory that rapes are committed “systematically” during contemporary wars in Europe, and not just in Africa. Use of the term “systematic” is strange, suggesting that an action that tends to be thought of as impulsive and which requires intimate involvement by the perpetrator (professional soldier or irregular) is part of a “system”. The rapist warrior, in most cases a minor figure in terms of military and political responsibility, is here in the front rank, in the vanguard of action that is theoretically attributable to the violence of supposedly uncontrollable physical desire. It seems here that the military authorities were originally responsible for organising specific locations and for instructions emanating more from obscene propaganda than from written orders to carry out rapes as “weapons” in the particular theatre of war referred to as “ethnic cleansing” (or “ethnic purification”, no distinction being made in the language used in former-Yugoslavia). The frustrated warrior’s sexual fury, and the giddy atmosphere of being immune to punishment provided by the advantage of strength on the ground were then strengthened by permission “from above”, as evidenced by the practical way the action was organised there: separation of the men and women from a village to be “cleansed”, massacre of the men, and rape of the women at all stages of their survival and detention in specific locations.
However, when rapes are used as a weapon, we are no longer talking about war but about politics and a policy of domination that resorts to all possible violent actions, with the most effective against the civilian population being those that are most cruel. Anthropology shows that in most of the known societies, anything affecting the system of father-to-son communication is invested with value and emotional content by the community. The intention is for rape to attack the father-to-son bloodline, by which everyone’s identity is communicated. It therefore is not a simple weapon of war, but a means of destroying the link by which the community is defined; by being aimed not at the physical death of all the community’s members but at the future births of all its members.
- A last contemporary example
Guinamard’s book develops the example of a contemporary theatre of violence: the Kivu region, west of the Democratic Republic of Congo, where rapes and other atrocities perpetrated against the bodies of other people became established, and increased dramatically, following on from the genocide in the neighbouring country of Rwanda during April to July 1994. There were two wars and various intervals of supposed “peace” which could never really be relied on in the villages: just two wars, but over 4 million deaths, with the historical account not having been heard in Europe, nor set out in textbooks. General European knowledge of those terrible conflicts is practically not-existent, and we have the unfortunate observation of Western countries’ economics and complex foreign policies having murderous repercussions. There is the issue of an escalation in “systematic” rapes which, particularly starting in 2005, struck the humanitarian organisations and associations concerned with defending human rights, leading to many inquiries and international investigations.
It is against this background that Guinamard went out there and started questioning the victims and those who terrorised them. His book forces French people to ask historians: “What actually happened?” How did we arrive at this disastrous human, political and economic situation? The use of rapes and tortures by bands of irregular soldiers living in the forest outside any organisational framework has become inseparable from the whole system by which communities have interacted, in times of both war and peace, over the past 15 years or so, to the extent of becoming a constant danger and a commonplace occurrence for civilian populations, especially in rural areas with their isolated villages. Since 2005, many forms of action have been carried out on the ground to try and assist the victims, whose situation is horrific. They are often disabled by terrible wounds resulting from the rapists’ tortures, the only possible treatment being surgery. They cannot escape the sullying effect of the rape, and are often thrown out by their families. The shame is cumulative with, for instance, an injured body no longer being able to retain waste products or avoid the associated bad smells. In a care institution’s courtyard, a young girl in this situation might be glimpsed hiding in a corner. Another aspect is destruction of both one’s self-image and one’s image in the eyes of others. These factors are additional to the horrors of possibly having been infected by a sexually transmitted disease – Aids or hepatitis C, etc. – and the fear of pregnancy which grows from an uncertain nightmare that cannot be resolved because the implications are too ambiguous.
Unlike murder, rape is an ongoing crime for the victim, with its destructiveness and production of suffering feeding on itself over time. On the ground, it is often associated with systematic theft of goods. Over time, this “war economics” and the freedom from punishment produce a culture of death in the irregular soldiers, and then in the larger environment. This has been seen both in Africa and in Colombia, long after the political imperatives for the soldiers’ actions have ceased to apply. This culture of death – consisting of rituals, singing, bodily embellishment, proverbs and beliefs – was encouraged by the extent of impunity on which the perpetrators could rely, it becoming impossible over time to reveal to everyone – and especially the victims – the criminal nature of the acts of sexual violence.
It is difficult from the outside to imagine the simultaneously insane and everyday nature of the cruelty committed in the course of genocide by a whole population led astray by sophisticated war propaganda that taps into the members’ most intimate cultural and religious beliefs. If there is no revealing of the criminal acts, beginning with consideration of a victim’s account, and not really happening until military victory by that person’s side, no reflection of the events will be communicated to “ordinary men” (to use the title of C. Browning’s major book) caught on the “wrong” side: that of the murderers. In Guinamard’s work, we can see the effects of this revealing not having occurred, and the consequent absence of an account or memory of the events, in enabling extreme criminal activity directed against the civilian population’s most vulnerable members – the women and children – to become commonplace.
The Interahamwe irregulars roaming the Kivu forests after July 1994 were not lucky enough to be able to confront their past criminal acts. They grew older, offered their services to various warring parties, fled, and were also massacred. More seriously, their practices had served as examples to new generations who had only them as models: children who were victims of the great number of abductions or who had been borne by kidnapped women forcibly brought to their camps. The irregulars’ use of raids on the villages, and their involvement in trading weapons and precious materials extracted from mines (very important internationally to the region), demonstrate the establishment of an economy of survival for the predators, itself a murderous institution, necessitating weapons and the use of cruelty to work. Nothing was wholly new; all that was missing were the Seven Samurai, and the hero lawmen.
Here, however, we are at the end of the 20th century, in a framework of international jurisdiction that has categorised rapes, in certain circumstances, as a crime against humanity. The use of sexual violence not simply “in wartime” but as a “weapon of war” has not, in fact, been restrained by the progress of international legislation in this area, continuing even outside the Kivu region.
The latter use of rape seems in particular to relate to the end of the 20th century and the beginning of the 21st, occurring in places where a totalitarian power chooses, even in peacetime, to use sexual tortures against those whom it wants to subjugate and then destroy. Situations where war is being waged against a civilian population that is collectively identified as an enemy, with heavy propaganda being deployed, will be conducive to a dramatic increase in war rapes. Rapes as a weapon of war, however, are used whenever the military apparatus, and behind it the political apparatus, consider it tactically useful to resort to the practice, incorporated into the very movement of troops and associated irregulars who will do the “dirty work”.
Spreading terror and freeing up a coveted territory is the most commonly mentioned rationale. Once the war is over, however, there remains the immense problem of the simultaneous existence of the victims, torturers, former soldiers and irregulars, all of whom seek to invent a new life and escape their personal memories. In the major human catastrophe represented by rape becoming commonplace and escalating, the failure of international involvement at the end of the conflicts is the issue. Interdisciplinary and high-quality action on the ground, with the presence of third parties, is crucial. For this to be deployed, there need to be economic, health and organisational resources, with complete respect for the facts and persons involved.
1 For this, the dossiers of inquiry compiled by NGOs need to be reread, through a visit to the multidisciplinary website initiated by the Secours Catholique organisation and established by the Observatoire International de l’Usage des Viols Comme Tactique De Guerre: www.viol-tactique-de-guerre.org/index.php
2 Louis Guinamard, Survivantes. Les femmes violées dans la guerre en République démocratique du Congo, Paris, Éditions de l’Atelier, 2010.
3 Diary originally published in 1954 in the United States. French version with an introduction by Hans Magnus Enzensberger, and translated by Françoise Wuilmar, Paris, Gallimard, 2006.
4 Article published in Newsday on 2 August 1992; French translation in Bosnie Témoin d’un génocide (Paris, Desclée de Brouwer, 1994).
5 Stéphane Audoin-Rouzeaun, L’Enfant de l’ennemi, Paris, Aubier, 1995.