N°22 | Courage !

Chantal Morelle
Comment de Gaulle et le fln ont mis fin à la guerre d’Algérie
1962, les accords d’Évian.
Anvers, André Versaille, 2012
Chantal Morelle, Comment de Gaulle et le fln ont mis fin à la guerre d’Algérie, André Versaille

Sur ce sujet, nous savons tous combien l’actualité reste brûlante – il y a trois mois encore au Sénat, pour l’adoption du 19 mars comme date commémorative ; à quelques jours d’un nouveau voyage d’un président de la République à Alger ; au fil des dernières années, dans l’impossibilité de signer un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, dans l’imbroglio des mémoires et le défilé des mots qui blessent. Et nous sommes évidemment dans l’impossibilité de dire si les commémorations du cinquantième anniversaire feront progresser le dossier de quelque manière. Mais avec Chantal Morelle aujourd’hui, « l’heure d’exactitude » (Annette Wieviorka) peut sonner, que le travail d’histoire peut aider à formuler une mémoire plus juste car moins contradictoire et pour réaffirmer que le malheur n’est pas héréditaire et que décréter abusivement la responsabilité collective est un péché contre l’esprit et même, ajoutait Albert Camus, un concept totalitaire.

Ce travail, je ne vais pas le détailler ; je me contente de souligner l’ampleur et la qualité de sa quête d’archives écrites et orales, de son croisement critique des témoignages, de sa particulière connaissance de tout ce qui concerne Louis Joxe, ministre et chef de la délégation française. Je souligne aussi qu’elle ne s’est pas laissée entraîner à faire le plat récit d’une longue négociation dont pourtant elle connaît le détail à peu près heure par heure. Non, elle a su garder le cap en s’acharnant à éclairer les deux questions-clé. Le première : comment les protagonistes, de Gaulle d’une part, le fln et le gpra de l’autre, en sont-ils venus à admettre la nécessité non seulement d’un cessez-le-feu mais d’un ensemble d’accords signé le 18 mars ? La deuxième : comment la négociation lancée le 20 mai 1961 a-t-elle été menée jusqu’au 18 mars de l’année suivante et pourquoi ces accords signés, si positivement et si massivement salués par référendum, ont-ils été si mal ou si peu appliqués et aussitôt si mal interprétés, pourquoi ont-ils débouché sur tant de drames et tant de désenchantement, jusqu’à rendre impossible aujourd’hui toute normalisation réparatrice des relations entre les deux États ?

Bien entendu, certains diront qu’étudier si attentivement une « capitulation sans défaite » ou une « construction néocolonialiste » est bien inutile puisque, de toute façon, l’échec de cette paix « rêvée » ou « violée » a été patent. Chantal Morelle n’en croit rien par ce qu’elle ne croit pas, elle, à l’histoire téléologique ou idéologique. Cet ouvrage a été récompensé le 10 novembre 2012 par le Prix du livre d’histoire de Verdun.


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