N°23 | En revenir ?

Winston Churchill
La Guerre du Malakand
Paris, Les Belles Lettres, 2012
Winston Churchill, La Guerre du Malakand, Les Belles Lettres

Publié pour la première fois en Angleterre, mais jamais encore en français, ce livre de journaliste et de jeune officier (à vingt-trois ans, Churchill sert comme lieutenant mais est aussi correspondant de guerre pour le Daily Telegraph) raconte, de l’intérieur, la campagne conduite par l’armée des Indes dans cette région montagneuse du Malakand, aujourd’hui au Pakistan, proche de la frontière afghane : « J’ai rapporté les faits tels qu’ils se sont passés et les impressions qu’ils ont suscitées sans faire le procès d’une personne ou d’une politique. »

En quinze chapitres, Churchill présente l’ensemble des opérations à travers la province. Il commence, bien sûr, par préciser « Le théâtre des opérations » (topographie, conditions climatiques, hydrographie, organisation sociale et tribale) et reconnaît qu’il s’agit de missions somme toute mineures : « Ni l’importance des pertes ni le nombre des combattants ne sont à l’échelle européenne. Le destin des empires n’est pas suspendu à l’issue de ces combats. » Mais cela n’enlève rien à l’utilité d’une réflexion militaire et surtout politique : « Que ces pages puissent stimuler l’intérêt croissant que la démocratie impériale de l’Angleterre commence à prendre dans les États immenses situés au-delà des mers. » Au fil des pages, il décrit les conditions et le déroulement de la révolte, les cantonnements et les haltes, les assauts et les sièges. Cavalier (il consacre d’ailleurs son dernier chapitre à l’analyse du « Travail de la cavalerie »), il développe la question des reconnaissances et des marches. Sans être réellement critique vis-à-vis de la politique britannique ou de la doctrine d’emploi des forces armées, Churchill n’est pour autant ni aveugle ni naïf. Et, qu’il s’agisse des équipements, de l’état des troupes ou des manœuvres, il n’est pas toujours tendre : « Les soldats, totalement épuisés, étaient allongés, le ventre creux, dans la fange. » Ou, pendant que se déroulent les expéditions punitives : « Je sens que le moment est venu de discuter les questions que soulève l’incendie des villages. » Ce qui lui vaudra quelques commentaires acerbes et accusations de déloyauté. Certaines descriptions ne sont pas, non plus, très éloignées de la réalité du xxie siècle : « Tout le long de la frontière afghane, chaque maison est un château. Les villages sont les fortifications, et les fortifications sont les villages. Chaque maison est percée de meurtrières. […] En réalité, dans toutes ces régions, chaque habitant est un soldat depuis le jour où il est capable de lancer une pierre, jusqu’à celui où il a suffisamment de force pour appuyer sur une gâchette. » Un petit livre fait d’images notées sur le vif, de précisions militaires, de détails d’ethnologie, de considérations géographiques ou culturelles, qui à la fois nous transporte il y a environ cent vingt ans et ne manque pas de nous ramener à des préoccupations plus contemporaines.

PTE

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