N°27 | L'honneur

Thierry Hardier et Jean-François Jagielski
Oublier l’apocalypse ?
Loisirs et distractions des combattants pendant la Grande Guerre
Paris, Imago, 2014
Thierry Hardier et Jean-François Jagielski, Oublier l’apocalypse ?, Imago

Déjà auteurs, ensemble ou séparément, de plusieurs ouvrages sur la Grande Guerre, Thierry Hardier et Jean-François Jagielski signent aujourd’hui un ouvrage qui traite d’un sujet rarement abordé : à quoi les soldats occupaient-ils leur temps libre en dehors des périodes d’opérations actives ? L’ouvrage s’ouvre sur l’analyse statistique d’un journal personnel tenu par un combattant, qui sert en quelque sorte de fil rouge à l’ensemble du texte et dont les résultats confirment ce que l’on sait : sur l’ensemble de la guerre, le temps passé en première ligne est relativement faible (inférieur à 16 %) et le poilu connaît en tout quarante-quatre jours de combats, « soit 3,3 % de son temps de guerre ». Il est donc normal que, dans ce contexte, on s’intéresse au 96,7 % qui restent... Et pour cela définir quelles sont les proportions de « temps occupé » et de « temps libre ». D’abord, les jours de repos... ne le sont pas totalement puisqu’il faut entretenir le matériel et s’entraîner, et on sait, grâce aux nombreux ouvrages de souvenirs, que les soldats considèrent ces exercices comme inutilement fatigants. De même, les différences dans le style de commandement des officiers se traduisent par des emplois du temps très variables pour la troupe. Puis, il faut « tromper l’ennui ». Les auteurs s’intéressent aux loisirs collectifs organisés par l’autorité militaire, le théâtre, le cinéma, les foyers, dont ils soulignent l’échec relatif. La deuxième partie nous semble nettement plus intéressante, car elle constitue à proprement parler une approche plus individualisée des soldats eux-mêmes. Sont successivement évoquées les principales activités auxquelles les soldats se consacrent : l’alimentation pour améliorer l’ordinaire, la recherche et l’acquisition de tabac et d’alcool, le bricolage qui deviendra l’artisanat de tranchée, la correspondance avec les êtres chers à l’arrière bien sûr et pour les plus aisés la photographie, les jeux divers et variés entre camarades (de la partie de cartes aux activités sportives), et l’amour... de la compagne attitrée plus ou moins officielle à la prostituée. Les dernières pages, enfin, s’intéressent rapidement aux permissionnaires et aux prisonniers.

On peut regretter une approche parfois connotée du sujet (les officiers jouent aux cartes pendant que les soldats exécutent les corvées ; les règlements sont présentés comme contradictoires) et une tendance à pointer du doigt telle injustice ou présentée comme telle (l’ouvrier en permission a davantage de possibilités de loisirs en ville que son camarade paysan au fond d’un département rural). Par ailleurs, le vocabulaire spécifiquement militaire, qui permet de comprendre le contexte, est souvent peu précis ou mal utilisé. En dehors de ces réserves, l’ouvrage fourmille d’informations intéressantes, souvent très précises, en particulier dans sa deuxième partie. Riche de très nombreuses citations, le livre recèle quelques vraies pépites et donne une bonne compréhension de ces temps libres des combattants.

PTE

Mémoires de la Grande Guerre | Winston Churchill
Rémy Porte | 1914