N°31 | Violence totale

Jean-Philippe Immarigeon

Illégitime violence

Parmi les photos qui auront marqué le xxe siècle, il en est deux qui se rapportent à la guerre du Vietnam et qui servirent toutes deux à la dénoncer. Il y a bien sûr celle de la petite Phan Thi Kim Phuc qui court au milieu de la route, hurlant nue les bras écartés, le dos brûlé par le napalm. Il y a surtout celle, également illustrée d’une courte séquence filmée, d’une exécution à un carrefour de Saigon. Autant la première ne soulève aucune difficulté contextuelle, autant la seconde mérite que l’on s’y attarde.

Nous sommes durant l’offensive du Têt et on se bat jusque dans les couloirs de l’ambassade américaine qui doit être reprise d’assaut par les Marines, puisqu’investie par les troupes de Giap dont fait partie le capitaine Van Lem, à droite sur la photo. À l’aube, dans une caserne de chars dont il s’est emparé, il a tué toute la famille du commandant de l’unité, y compris sa mère âgée de quatre-vingts ans ; seul un gamin de dix ans a survécu, mais il est grièvement blessé. Lorsqu’il est capturé plus tard dans la journée, c’est à proximité d’un charnier de trente-quatre civils dont il revendique le massacre en même temps que sa qualité de vietcong. Il est conduit devant le général Ngoc Loan, en tenue de combat sur la photo, qui vient d’être témoin du massacre de l’un de ses officiers, de sa femme et de ses trois jeunes enfants. Le général traîne son prisonnier au milieu de la rue et lui loge une balle dans la tête à bout portant des objectifs. Alors question : si vous aviez été à sa place, qu’auriez-vous fait ?

Inutile de faire semblant de réfléchir et de jouer les belles âmes. Sauf que vous auriez aussi tué l’intervention américaine et l’auriez rendue illégitime pour la fin des temps, car comme dira l’auteur de la photo, qui obtint le prix Pulitzer, « le général a tué le Viet et moi j’ai tué le général », mais pas seulement. L’officier sud-vietnamien ne sera pas seul à avoir l’honneur de la couverture de Time Magazine : ainsi le lieutenant Calley, responsable du massacre de My Lai, ce bouc-émissaire pour tous les Terror Squads agissant sur ordre du Pentagone dans le cadre de l’opération Phoenix qui fit trente-huit mille morts. Mais les discussions savantes sur le jus ad bellum et le jus in bello, c’est bien plus tard que ça se passe, et encore pas toujours. Sur le moment, ce sont les immolations par le feu, les petites filles brûlées et les crânes éclatés qui décident de l’avenir. L’exécution du capitaine Van Lem, parce que l’arbitraire qu’elle montrait était plus intolérable que sa sauvagerie, a été non seulement improductive mais contre-productive : ce qu’a fait le général était un crime de guerre que n’exonéraient en rien ceux commis par son prisonnier ; il était censé défendre des valeurs parmi lesquelles le principe d’une responsabilité qui n’appelle pas de réciprocité.

L’Occident, gardien de la règle et du droit, aimait alors à penser qu’il perpétuait le temps des guerres en dentelle, et que s’il y dérogeait, c’était toujours par une impérieuse et irrépressible nécessité. Mais alors sa mauvaise conscience le taraudait, surtout lorsque le succès avait été au rendez-vous. Les choses ont basculé après les attentats de 2001 et l’invasion de l’Irak. La publicité faite durant l’été 2003 au film La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo et aux leçons de l’expérience française de 1957 par les officiers du Pentagone chargés de réfléchir à la contre-insurrection a marqué le début d’un processus que l’on ne peut que juger délétère pour les raisons que je vais tenter d’exposer, et qui, après avoir décomplexé la violence, porte maintenant à la revendiquer non seulement comme moyen efficient d’action, mais comme principe de gouvernance.

  • La violence qui vient : vraiment ?

Les attentats de 2001 sont bien entendu à l’origine de ce renversement qui fait que nous nous exonérons de nos propres règles dans la guerre dite contre le terrorisme, comme avec l’utilisation de ces drones tueurs qui permettent à l’exécutif américain de s’affranchir des contraintes législatives, ou la consigne donnée par le chef des armées françaises au début de l’opération Serval d’éliminer les terroristes — personne ne s’étonne que la France n’ait fait aucun prisonnier, et dans le cas contraire ne s’inquiète de savoir où ils sont détenus et sous quel régime juridique. Le constat qui justifie cette dérive tient en quelques mots : nous sommes agressés et nous ne pouvons faire l’économie de la violence. Nous sommes dans la situation illustrée par cette célèbre séquence de lecture du Testament du Docteur Mabuse, instrumentalisés par une terrorisation qui nous jette dans un état de sidération qui nous laisse psychologiquement désarmés. Mais nous ne devons pas rééditer les erreurs des années 1930 et sommes légitimes à user de violence contre ces nouveaux nazis pour prévenir une nouvelle débâcle. Nous sommes cet avocat joué par James Stewart dans L’Homme qui tua Liberty Valance (John Ford, 1962), qui ne jure que par ses codes mais qui, sur les conseils du rancher John Wayne, va vite apprendre à tirer et finit par abattre le brigand de qui il est inutile d’espérer qu’il comprenne un jour ce qu’est la loi, ou qui croit l’avoir abattu, ou croit le rancher qui lui fait croire que c’est lui qui a tiré… Peu importe : c’est la violence et la force qui ont réglé la question, pas une règle de droit impuissante d’où découlerait la nécessité du recours à cette force.

Il est vrai qu’au regard des violations de nos propres principes, les informations et les images qui nous arrivent du Proche-Orient sont autrement terrifiantes : est-ce terrorisant pour autant et est-ce là leur seul objectif ? On doit s’en indigner, mais ne pas s’aveugler sur leur banalité pour toute une génération nourrie aux standards américains. Qu’il s’agisse par exemple des amputations à la scie électrique de la bande dessinée puis du film Sin City, des doigts coupés des affiches du film Saw 2 sur les Abribus à la veille des fêtes de Noël, et surtout de la centaine de décapitations répertoriées dans le cinéma américain depuis dix ans (nouvelle figure obligée avec la séance d’autopsie légale), l’effet miroir que nous renvoient les assassins de Daesh ne se limite pas au seul pyjama orange porté par ceux qu’ils égorgent — couleur des pénitenciers d’outre-Atlantique et pas seulement du camp de Guantánamo.

Si on euphémise la violence pour ne surtout pas prononcer le mot guerre et ne pas avoir à désigner l’ennemi, il n’est en revanche pas exact de prétendre qu’on la voit abusivement partout puisqu’on refuse de la combattre précisément là où elle s’exerce au grand jour. Si nos banlieues sont devenues terre de prêche pour les prédicateurs qataris et les missi dominici de la French-American Foundation, c’est que les modèles qu’ils incarnent puisent aux mêmes sources, aux mêmes références esthétiques, et se projettent dans des anticipations assez semblables. Ce ne sont pas les nôtres, celles d’une vieille Europe qui a épuisé toutes les formes possibles de sauvagerie individuelle comme collective jusqu’au suicide continental, fort heureusement manqué. S’il y a une guerre de civilisation, elle est là.

Par ailleurs, confondre, sous le concept sulfureux de « sécurité nationale » inspiré du passé récent de l’Amérique latine après un détour par les États-Unis, les fonctions militaires et les fonctions constabulaires n’a fait que brouiller les pistes et égarer les esprits. Mais le débat tel qu’il est posé va précisément bien au-delà de celui du recours à la violence pour se défendre : nous voilà sommés d’accepter une violence d’État que l’on nomme habituellement d’exception, mais qui se prétend d’autant plus légitime et légale qu’il s’agirait in fine de défendre nos libertés et nos droits en commençant par les réduire.

  • Weber et la bonne conscience libérale

Ne cédons pas à cette antienne devenue banale : dénoncer l’autoritarisme du libéralisme à l’occasion du vote de lois qui, sous prétexte de sécurité nationale, tentent de verrouiller jusqu’à la libre parole (voir les mesures anti-manifestants en Espagne). Il est vrai qu’on n’en finit pas de faire le compte de tous ceux qui se rallient à ce « césarisme en veston » (Charles Péguy), mais il n’y a là rien de très nouveau. Tocqueville rapporte s’être énervé, lui le grand lymphatique et dépressif chronique, un soir qu’il était hébergé par un ancien Conventionnel exilé aux États-Unis : « Je n’ignorais pas que mon hôte avait été un grand niveleur il y a quarante ans, et un ardent démagogue. Son nom était resté dans l’histoire. Je fus donc étrangement surpris de l’entendre discuter le droit de propriété comme aurait pu le faire un économiste, j’allais presque dire un propriétaire : il parla de la hiérarchie nécessaire que la fortune établit parmi les hommes, de l’obéissance à la loi établie, de l’influence des bonnes mœurs dans les républiques et du secours que les idées religieuses prêtent à l’ordre et à la liberté. J’admirais en l’écoutant l’imbécillité de la raison humaine1. »

Ce portrait est d’autant plus saisissant qu’on y reconnaît toute l’intelligentsia germanopratine qui a basculé depuis une décennie dans ce néoconservatisme de salon qui recrute aussi bien dans la droite libérale que dans la gauche socialiste, unies pour se précipiter dans des interventions extérieures hors mandat onusien ou voter à des services et des agences des prérogatives dégagées de tout contrôle judiciaire. Cette mode est importée d’Amérique tout comme l’est un discours couvert des oripeaux du prêt-à-penser, agrémenté d’un historicisme de mauvais aloi, complété de bouts de phrases prises ici ou là chez les philosophes. Ce furent Thomas Hobbes et Carl Schmitt en 2001, c’est aujourd’hui Max Weber dans le rapport qu’il établit entre État et monopole de la violence.

La formule est connue, ou plutôt elle est supposée l’être, ce qui autorise à lui faire dire davantage que ce que son auteur avançait. Weber n’a d’ailleurs pas de chance, lui qui est supposé avoir mis à jour une éthique capitaliste du protestantisme alors que son essai le plus connu (auquel il faut ajouter un codicille plus explicite encore sur les sectes américaines) ne fait que démontrer l’avantage comparatif du calvinisme du fait de ses origines autoritaires et de sa structure quasi-féodale. Cette surinterprétation, qui n’a rien d’innocente, se retrouve lorsque Weber conçoit « l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé — la notion de territoire étant une de ses caractéristiques —, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ».

Mais qu’en est-il d’une présomption de légalité qui semble implicite ? Pour un juriste, et même un historien, l’opposition supposée « légitime » versus « légal » est aussi concluante que de trancher au restaurant entre fromage ou dessert. Car soit on se contente d’un respect formel de règles légales, qui elles-mêmes respectent des normes constitutionnelles, et alors cette condition est toujours remplie, qu’il s’agisse de George W Bush ouvrant Guantánamo sous couvert de la Suspension Clause ou de Louis XVI signant au dos d’un sept de pique la lettre de cachet visant Beaumarchais ; soit on entre dans un débat récurrent et sans fin sur le respect par la loi ou le décret d’une norme supérieure qui doit satisfaire à des principes généraux commandés par des exigences d’éthique et d’humanité, et on se perd rapidement dans une mise en abyme où les exemples historiques ne nous sont d’aucun secours.

Ainsi le vote du 10 juillet 1940 au casino de Vichy, dont on prétend souvent qu’il fonda la légalité d’un État français pourtant illégitime. Non seulement cette distinction était à l’époque tout sauf évidente, mais on peut démontrer que le vote était de toute manière illégal (nous dirions aujourd’hui inconstitutionnel), ce que René Cassin fit à Londres pour le général de Gaulle. D’abord du fait de la composition ce jour-là d’une représentation nationale au mandat en partie autoprorogé, qui plus est incomplète du fait de l’exclusion des députés communistes depuis le Pacte germano-soviétique et de l’absence de ceux retenus sur le Massilia ; ensuite parce que le texte accepté fut ensuite modifié dans la nuit, celui publié au Journal officiel n’étant pas celui qui avait été voté ; enfin parce que la République, à l’égal des rois, ne peut aliéner ni les libertés ni le territoire, et que de tels actes sont frappés de nullité.

Mais ce genre de considérations est bien entendu hors de portée et de propos de ceux qui tentent de justifier des décisions qu’ils présentent comme « forcément impopulaires mais nécessaires et courageuses » en brandissant le petit bout de phrase de l’oracle Weber, sauf qu’elle est désormais inversée sous leur plume : ce ne sont plus les gouvernements qui sont légitimes à user d’une violence résiduelle dont l’État détient le monopole légal, c’est l’usage formellement légal de la violence qui va aider ces gouvernements dans leur quête de légitimité. J’écoute, je censure, je réprime, donc je suis ! Et ce n’est plus la violence que je retourne contre le Liberty Valance qui ne connaît que ce langage, c’est la violence que je réinstalle comme mode naturel et habituel de gouvernance.

  • La fausse problématique du droit et de la force

La première étape de l’argumentation consiste à rappeler que nos sociétés d’état de droit ne sont pas filles de l’harmonie mais au contraire de la violence : « [Elles] ne sont pas sorties tout armées des énergies de la nature et aucun sophisme ne saurait [les] faire relever d’un autre principe que de la force2. » À ce stade, personne ne conteste vraiment, et surtout pas celui qui, par une image décapante, a immortalisé l’acte de naissance de la société, Jean-Jacques Rousseau, lorsqu’il suggère que la première cité est née le jour où quelqu’un a planté des pieux autour d’une parcelle de terre jusque-là collective, en disant que désormais ce serait à lui et lui seul, érigeant la force en première étape de l’état de droit. C’est ce Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité sur lequel les lycéens planchent à l’oral du bac. Mais posé le postulat d’une violence génitrice, la loi du plus fort doit être exclue de la Cité car, précisément, ce n’est pas une loi : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir3. » Que la loi soit injuste et le droit inique, il n’en reste pas moins que l’affrontement physique disparaît au moment même où il les fonde, faute de quoi il n’y a pas de société qui mérite ce nom. Rousseau n’est ni le premier (« Quicumque finem juris intendit cum jure graditur », Dante) ni le dernier (« Le droit qui triomphe n’a nul besoin d’être violent », Victor Hugo) à s’en tenir à un droit et à une force exclusifs l’un de l’autre, même si, à l’image de Pascal, il n’écarte pas d’emblée un des pôles de la contradiction : « La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire en sorte que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. » Mais les deux termes de l’alternative ne sont pas de même essence, puisqu’un seul est légitime : « La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice. Et ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Comprenons, avec Rousseau : on a fait « semblant » que ce qui est fort fût juste. Pascal, Rousseau, Tocqueville : voilà une trinité très française de penseurs dialectiques que nombre d’analystes ont, à juste titre, rapprochés.

Or ce qui caractérise le discours actuel, sous l’influence de la pensée étatsunienne d’un monde univoque, est la réduction de cette alternative au profit d’un seul terme, la force, pas seulement du fait des circonstances, mais parce que la violence aurait toujours été dans la nature de l’homme, et que celle qui nous agresse régulièrement, en 1940 sur la Meuse mais paraît-il également en 2015 dans les stades de football, nous rappellerait à cette vérité première. Ainsi, pour Julien Freund, « la guerre apparaît comme un droit réel, un droit positif, que la conscience universelle a toujours considéré comme régulier. Faire abstraction d’elle, c’est s’interdire toute compréhension, non seulement de la politique, mais aussi de la civilisation en général »4. Ou Proudhon, encore : « Des idées qui ne savent pas combattre, qui répugnent à la guerre, et que fait fuir l’éclair de la baïonnette, ne sont pas faites pour diriger les sociétés5. » Et leurs épigones d’accuser Rousseau d’être à l’origine d’une certaine sociologie complaisante avec le délinquant quand ce n’est pas le terroriste.

Quoique Rousseau ait semblé taxer par avance de « galimatias inexplicable » ce discours d’une violence substituant le droit tant que de nécessaire, on serait pourtant bien en peine de trouver sous sa plume un quelconque angélisme : ne décrit-il pas dans le Discours l’état de nature comme celui d’une lutte pour la survie, où l’homme dut se rendre « vigoureux au combat », usant « d’armes naturelles qui sont les branches d’arbre et les pierres » afin de « disputer sa subsistance aux hommes même, ou se dédommager de ce qu’il fallait céder au plus fort » ? Ne préconise-t-il pas dans le Contrat social la mort ou l’exil comme châtiment pour celui qui romprait le lien social ? Les critiques faites à Rousseau et à un idéalisme qui serait dépassé dans un monde retourné à la violence naturelle sont surtout hors-sol. Car la question n’est pas de savoir si l’homme est bon ou violent, et si sa violence est légitime parce que naturelle — argument fallacieux qui justifie que nous soyons agressés par tous ceux qui estiment tout aussi légitimement de leur côté ne faire que se défendre —, mais si la civilisation doit conserver quelque chose de cette bonté admirable ou de cette sauvagerie domestique.

  • Jean-Jacques avait raison

Pour Rousseau et le légicentrisme de la Révolution française, la condition initiale — pour parler comme les scientifiques — n’a aucun intérêt puisque le citoyen est un individu dénaturé : qu’il ait été jadis adorable barbare ou abject vandale est sans conséquence ; on ne retournera pas à cet état de nature qui n’est qu’une fiction utile. Et c’est idiotement que l’on reproche à un Rousseau de suggérer l’hypothèse de l’urbanité naturelle du sauvage puisque ce n’est qu’une hypothèse narrative pour justifier qu’il ne se préoccupe que de l’instant où quelqu’un borne un champ pour la première fois. Car comment aurait-il pu faire autrement, dès lors qu’il érige la violence en acte inédit de naissance de la société, si celle-ci est naturelle et surtout préexistait à cette rupture ? Rousseau ne remonte pas jusqu’à l’aube de l’univers mais à la première expression d’une humanité sociétale ; comme les physiciens quantiques pour qui le temps ne commence qu’à 10-43 seconde, il prend le genre humain à un stade déjà avancé de son développement, ce qui s’est passé avant ne l’intéresse que comme conjecture pour justifier précisément qu’il ne s’en occupe plus par la suite. Non seulement le citoyen n’est qu’un homo juridicus à l’exclusion de tout autre qualité, mais il faut considérer qu’il n’a jamais été que cela. L’opposition synoptique des deux affirmations de principe que sont, d’une part, la Déclaration d’indépendance de 1776 pour qui les hommes sont créés égaux, d’autre part, notre Déclaration de 1789 pour qui les hommes naissent libres, outre que les priorités sont inversées (pour les Américains l’égalité est un fait et la liberté un droit, pour les Français la liberté est un fait et l’égalité un droit, d’où l’idée d’une Amérique en quête d’une liberté européenne qui lui échappe et d’une France obsédée par la suppression des inégalités et des privilèges), indique également au détour de la formulation un sujet pris dès sa création comme individu pour eux, mais seulement à sa naissance comme citoyen pour nous.

Car pour les Founding Fathers et leur rébellion jus-naturaliste, qui prétendent retrouver dans la polis les droits naturels sous leur forme originelle, la détermination de ce qu’il y aurait eu avant l’apparition du droit reste essentielle. Comme ils refusent le légicentrisme qui décale le commencement de l’Histoire à l’invention d’un droit exclusif de la force, mais qu’ils veulent que celle-ci reste un principe moteur de la Cité, il leur faut établir que la violence lui était antérieure et qu’il faut continuer à en faire le principe universel. En découlent leurs accusations contre un droit kantien dont le vernis n’aurait pas résisté aux coups de masse du fondamentalisme et finirait aujourd’hui par rendre les armes à ce tropisme hobbesien que le civilisé a de commun avec le barbare. De là à dire qu’il faut institutionnaliser cette source de vie (Fountainhead) en salvatrice de nations en déclin, il y a un pas que les Américains, à la suite d’Ayn Rand, franchissent depuis 2001, trouvant dans l’état du monde la justification de leur hypothèse que la violence est légitime et légale parce qu’elle est pré-historique donc naturelle.

Cette naturalité qu’affiche le codex américain depuis 1776 fait pourtant l’erreur de prétendre revenir à de très spéculatives conditions initiales dont personne ne sait ce qu’elles furent. On pourrait tout aussi bien imaginer, avec les derniers travaux des paléontologues, un monde où la violence n’existait pas, un monde de tribus qui auraient recouru à l’arbitrage et au consensus, un espace sans appropriation où le collectif aurait irrigué la société, y compris en matière sexuelle comme Cook et Bougainville l’avaient constaté à Tahiti.

Le génie de Rousseau, qui est aussi la supériorité de sa philosophie politique, est de ne s’intéresser à ces conditions initiales que dans un processus heuristique expliquant l’invention de la propriété, matrice de tous les maux, mais également temps zéro du genre humain puisqu’elle impose une formalisation : née d’un acte de violence, sa propriété a-naturelle ne peut survivre que si elle est régie par le seul droit, faute de quoi l’outrecuidant avec ses pieux et son bornage se sera fait mettre en charpie par le reste de la communauté, et c’est la guerre sous sa forme moderne qui commence. Lorsqu’il écrit qu’il s’est trouvé des gens assez simples pour accepter cette privatisation du collectif, il dit que cette acceptation est indissociable du coup de force mais, toute honteuse qu’elle soit, elle rend la force caduque : de possession faite et défaite dans la violence, on passe à la propriété, inégalitaire par essence, mais acceptée et organisée par un droit qui n’est pas là pour dire le vrai mais l’utile et si possible le juste.

  • Il n’est de jardin qu’à la française…

Voilà l’état de notre civilisation si particulière et il faut nous en tenir là, transcendant les contingences actuelles pour désagréables qu’elles soient. L’académicien français Amin Maalouf rapporte dans Les Croisades racontées aux Arabes que le seul domaine où les croisés impressionnèrent les populations occupées était leur stricte observance d’une légalité copiée sur le modèle franc. Non qu’il n’y ait pas de recours épisodique à la force sur laquelle tout le système féodal s’est initialement érigé, mais ce n’était plus elle le principe premier qui régentait le royaume de Jérusalem, notamment les règles de dévolution du pouvoir, dans une région où l’on y accède (encore) par la guerre ou le meurtre. Difficile mais précoce innovation française que cette légalité parachevée au xive siècle ; respectée plusieurs siècles durant, elle ne l’est plus parce que nous-mêmes ne nous y astreignons plus. Ce que les accords Sykes-Picot, la guerre d’Algérie ou l’opération sur Suez n’avaient pu ébrécher a été sapé par une diplomatie qui manie l’arbitraire dans le soutien à tel dictateur tandis qu’elle s’affranchit des Nations Unies pour aller bombarder tel autre. Une diplomatie qui renonce depuis 1967 à exiger l’application d’une seule des résolutions sur la colonisation des terres palestiniennes, ne comprenant pas que le statut incontestable de démocratie, qui est celui de la puissance occupante, pèse de peu de poids face à l’arbitraire qui est le lot consubstantiel de toute occupation, quand bien même serait-elle maîtrisée et encadrée : la force, même si elle s’astreint à être tempérée, reste tyrannique si elle n’est pas juste.

De là sans aucun doute la schizophrénie de Français déboussolés à qui l’on impose de renoncer à une guerre des principes parce que le principe est désormais la guerre, et d’abattre ces remparts chèrement érigés que sont leurs droits et libertés conquis sur les champs de bataille et sur les barricades, mais sans pour autant leur offrir la garantie du succès dans un recours à la force qui, pour l’heure, court d’échec en échec. Il est un texte étrange écrit en 1931 par un certain Ludwig Bauer, titré La Guerre est pour demain (Morgen wieder Krieg), dont il faut reprendre in extenso ce passage où il s’inquiète de savoir de quoi est fait un Français et en quoi il est différent des autres : « Toute sa vie est enclose dans la forme, la mesure et la raison. Un traité a été conclu, il faut l’exécuter ; une signature a été donnée, un honnête homme doit y faire honneur ; et cette mentalité bourgeoise, le Français la transpose également sur le plan historique. Il n’y a pas deux morales, l’une pour l’individu, l’autre pour l’État à qui tout serait permis. » Pierre déposée dans le jardin de tous ceux toujours prompts à justifier les errements utilitaristes de l’état d’exception au nom d’une lecture inventée, partielle et partiale de Weber…

Ce classicisme se résout dans nos formes littéraires ou poétiques dont l’alexandrin est la figure emblématique, et dans ce jardin à la française où le général Pierre-Marie Gallois, dans Le Consentement fatal. L’Europe face aux États-Unis, voyait la métaphore de nos deux civilisations dites occidentales : « Il fait plier la nature, il découpe les arbres et taille les buissons de manière à recomposer totalement le paysage, et ce contre la conception anglaise du jardin naturel. Cette idée de maîtriser la nature, de ne pas céder à ses lois, se retrouve dans les idéaux de 1789. Notre société s’est construite en rébellion contre les inégalités naturelles. »

Rectifions un peu le propos : le syllogisme de notre Déclaration de 1789 postule dans l’hypothétique état de nature une différence et non une inégalité (notion juridique), à laquelle son article premier substitue le postulat de droits égaux, dans une remarquable intuition prédarwinienne qui interdit que l’on hiérarchise les individus entre eux puisqu’on ne sait jamais par avance lequel va se sortir à son avantage de situations forcément contingentes. Contrairement à une fameuse affirmation de 1940 qui semblait directement inspirée d’une idéologie spencerienne qualifiée par contre sens de social-darwinisme, ce n’est pas forcément le plus fort qui gagne toujours, d’ailleurs l’expérience sur le champ de bataille nous l’a douloureusement prouvé. Si la violence était d’une quelconque utilité, et la force comme la puissance une garantie d’adaptation, nous partagerions avec les dinosaures et non les cerfs le parking du péage de Saint-Arnoult, et calculerions avec des I, des V et des X comme les Romains que nous serions restés. C’est bien dans un souci de préservation non de quelques individus mais de la collectivité tout entière, y compris de ceux qui se croient les plus costauds ou les plus malins, que le jardin à la française dispose les individus aux caractéristiques toutes différentes mais tous à leur place sur un pied d’égalité. Au regard, la naturalité factice du jardin à l’anglaise ne doit pas nous tromper, elle est bien différente de cette loi de la jungle dont on l’accuse souvent à tort, et son imposture réside en ce que, sous couvert de naturalité, la « loi » du plus fort y est sans doute impériale mais instituée une bonne fois pour toutes au profit des mêmes.

Mais revenons au texte de Ludwig Bauer de 1931 : cette grandeur du Français est aussi sa fragilité, car « sa tendance innée à tout considérer du point de vue juridique rend plus difficile une entente quelconque ; l’Histoire universelle n’est pas un procès, et un peuple qui n’a pour lui que d’avoir raison est perdu s’il n’a pas l’avenir pour allié. » Dès lors, « le pire danger pour la France, c’est qu’avec toutes ses précieuses qualités, elle se tienne à contre-courant ; l’évolution se fait contre elle, et les meilleurs esprits le ressentent avec effroi. Les Français, inquiets et en proie au doute, cherchent par les moyens les plus divers à réaliser l’impossible : le monde mis sous un globe de verre. Qu’ils flattent ou qu’ils menacent, c’est toujours cela leur but. Ils sentent cependant que ce globe est déjà fêlé, qu’il se brisera, qu’il ne peut pas ne pas se briser... et le monde avec lui. Et ce qui est encore pire, ce qui est la chose inconcevable : la France avec lui, elle aussi. » Mais jusqu’où la rose du Petit Prince peut-elle se renier et développer ses épines, quitte à en devenir une fleur incivilisée, si cela lui garantit sa survie ? Et qui lui dira qu’elle franchit la ligne rouge si les règles formelles satisfont en apparence les exigences de légalité et de légitimité ?

  • Case study : la loi de prairial

La loi du 22 prairial An II (10 juin 1794) est, s’il devait n’en rester qu’un, le trou noir de la mémoire nationale. Elle n’a pas d’équivalent ; on ne peut même pas la qualifier d’exception tant elle est en dehors de tout concept. Elle s’exonère de tous les garde-fous procéduraux hérités de l’Ancien Régime, interrompant, en quelques courts articles, le processus séculaire de judiciarisation, rayant cette mécanique inquisitoire qui, malgré la vilaine image attachée au mot, reste le moteur du droit français. Elle passe outre tous les interdits moraux, les règles les plus élémentaires de l’équité, toute idée de compassion... Car à l’image de ses autres promoteurs, Maximilien Robespierre, comme il l’avait déjà fait plus tôt en justifiant une mort du roi, inutile pour fonder mais indispensable pour préserver, est schmittien avant l’heure. Et pourtant c’est une loi, votée par une Convention certes réticente mais élue au suffrage universel, dans un contexte qui semble pouvoir tout justifier.

Passons sur la définition qu’elle donne des ennemis du peuple et des délits, puisqu’elle encourage la délation et punit même la ruse et l’immoralité du coupable, qui peut être tout individu qui inspire le découragement, cherche à dépraver les mœurs ou à altérer la pureté et l’énergie des principes révolutionnaires. Dire également que sa procédure est expéditive est une aimable litote ; on ne peut même pas parler d’arbitraire puisque la personne arrêtée a peu de chances de s’en sortir. « La peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au Tribunal révolutionnaire est la mort — s’il existe des preuves soit matérielles soit morales, il ne sera plus entendu de témoins. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, elle n’en accorde point aux conspirateurs. » Si elle pousse la logique d’une violence d’État jusqu’à son paroxysme, la loi n’est pourtant pas le fruit d’hallucinations complotistes : la République de l’An II est vraiment seule contre tous, même les États-Unis la laissent tomber, déchirant le traité d’alliance de 1778.

Fallait-il pour autant la voter ou, si l’on s’oppose à la froide rhétorique de Robespierre d’une violence in abstentia, monopole d’État et retenue mais dont l’usage doit être fait si l’on ne veut pas tout perdre, ne pas la voter ? Personne n’a la réponse, et surtout pas un général sorti des rangs, devenu consul puis empereur, qui éluda la question. Et pour cause : y aurait-il eu par exemple le Concordat sans proscription au préalable ? Napoléon lui-même n’a-t-il pas usé de la violence contre les églises, à l’image de ses prédécesseurs Philippe le Bel, Louis XIV ou Louis XV ? Et le pape aurait-il accepté sa sécularisation s’il ne l’avait pas retenu en otage à Fontainebleau ?

D’un point de vue utilitariste, clouer quelques prêtres vendéens à la porte de leur chapelle n’aura peut-être pas été inutile. Ainsi Stendhal, peu suspect de sympathies terroristes, écrit dans son Mémoire sur Napoléon que « les sanglantes erreurs de la Convention seront, en partie, excusées aux yeux de la postérité. Quoi qu’il en soit, on ne pourra refuser à cette assemblée le fait d’avoir sauvé la France ». De son côté, Tocqueville, qui a toujours admiré le « fracas du tonnerre » de cette Révolution qui, « la première, a jeté dans le monde des principes qui, depuis, se sont trouvé des principes régénérateurs de toutes les sociétés modernes »6, dévalorisera une rébellion américaine impuissante à conclure seule la guerre d’Indépendance, pour mieux mettre en valeur « la France qui, en butte aux attaques de l’Europe entière, sans argent, sans crédit, sans alliés, jetait le vingtième de sa population au-devant de ses ennemis, étouffant d’une main l’incendie qui dévorait ses entrailles, et de l’autre promenant la torche autour d’elle »7.

  • Arbitraire légal contre insurrection légitime

Vive la loi de prairial donc, dont nos schmittiens et weberiens pourraient utilement s’inspirer pour autant que leurs Patriot Act et autres modernes lettres de cachets présidentiels de la ndaa 2012, gravés dans ce droit américain qu’ils vénèrent, n’en sont que de pâles reflets à l’efficacité plus que discutable ! Car, après tout, puisque nous sommes entrés selon certains dans l’ère de l’État profond (Deep State), qui prétend non seulement assurer la résilience de la nation mais se substituer à elle pour décider de ce qui est urgemment menaçant, pourquoi ne pas directement reprendre ce qui a déjà été expérimenté avec un certain succès ?

Sauf qu’en France, c’est « ce peuple grave, sérieux, sans pose, ce peuple noir au regard vif » que décrivait Denis de Rougemont qui a le dernier mot et non une rationalité contrefaite. Car quel est in fine le but ultime de tout ce verbiage sur la violence qui vient, la guerre qui arrive et la résilience à préparer, si ce n’est d’avoir la chance de pouvoir faire un jour tirer sur le peuple ? Le mot, on le sait, est attribué à Louis-Philippe de son exil de Londres, presque envieux de la République après les journées de juin 1848. Quelques mois plus tôt, après deux jours de révolution, le roi des Français avait refusé au maréchal Bugeaud l’autorisation de faire donner la troupe dans les rues de la capitale insurgée. Il était pris de ces scrupules qui, lors de la guerre des farines en mai 1775, n’avaient effleuré ni Turgot ni Condorcet qui savaient à la place du peuple quelle devait être la voie de son bonheur.

Weber n’est pas d’un très grand secours lorsqu’on aborde la question de cette violence de la rue qui reste en dernier recours la seule réellement légitime contre celle de l’État. Certes le bulletin de vote s’est substitué à la fourche des Jacqueries, à la pique des sans-culottes et au fusil des Misérables, mais l’insurrection qui vient, pour formellement illégale qu’elle soit, est toujours quelque part légitime. Il existe, depuis les frondes parisiennes de l’Ancien Régime jusqu’aux destructions actuelles dans l’Ouest agricole, une singulière tolérance au pavé qui vole, qui n’existe nulle part ailleurs qu’en France où on trouve toujours une excuse, donc une légitimité à défaut de légalité, à la rébellion, à l’exemple du duc d’Aiguillon qui, menant la danse la nuit du 4 août 1789, proclamait que « l’insurrection trouve son excuse dans les vexations dont [le peuple] est la victime ».

D’ailleurs la résistance à l’oppression inscrite dans la Déclaration de 1789, quatrième droit imprescriptible avec la liberté, la propriété et la sûreté, à la formulation imprécise et vague, attribue une présomption de légitimité qui n’a pas à être démontrée : ça veut dire quoi, se sentir opprimé ?

La problématique controuvée et récente sur la violence érigée en principe de gouvernance, le débat sur la légitimation de la violence en réponse à une autre violence qui aurait déjà fragilisé une nation pourtant millénaire, ne saurait trouver d’issue raisonnable. La thématique weberienne derrière laquelle la tentation est grande de se réfugier pour justifier des lois d’exception, outre qu’elle réduit le débat à quelques formules à l’emporte-pièce auxquelles on finit par faire dire le contraire de ce qu’elles cherchaient à explorer, est une machine infernale qui explosera entre les mains de ceux qui l’amorcent. Elle n’a à ce jour eu pour seul résultat que d’exacerber les rapports entre Français, et de faire ressurgir des propos d’un autre temps et des rhétoriques de quasi-guerre civile qu’on croyait éteintes depuis la Libération, le discours sur la violence qui vient ayant trouvé un écho dans celui d’une insurrection que l’on annonce inévitable, pour autant qu’aux généraux Vendémiaire qui, dans l’entourage des princes, sont toujours prompts à justifier le fait que des Français tirent sur d’autres Français, une part de plus en plus importante de nos concitoyens fait savoir qu’elle est prête à relever le gant. La violence d’État n’est jamais qu’une violence par procuration, et il lui est toujours risqué de la retourner contre son mandant.

Quiconque ne règne que par l’épée périt un jour par l’épée ! C’est pourquoi il est dans l’intérêt de tous, qu’il s’agisse de l’avenir de nos institutions comme de la place singulière de la France dans le monde, de s’en tenir à ce qui fonde la nation depuis un millénaire, à ce qui maintiendra une fois encore, passé l’orage, notre puissance même très relative de vieille nation à peu près civilisée. « La civilisation est l’effort pour réduire la violence à une ultima ratio », écrit Ortega y Gasset. « Si cette définition de la civilisation est exacte, on pourrait dire que le culte moderne de la violence est l’expression la plus caractéristique de ce retour à la barbarie qui paraît être l’idéal de certains peuples », relevait Raymond Aron dans un article d’avril 1941 paru dans La France libre. Faisons en sorte que notre village gaulois, réfractaire à ce monde d’une insigne vulgarité, n’en soit pas.

1 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome I, 1835.

2 Pierre-Joseph Proudhon, La Guerre et la Paix, 1861.

3 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762.

4 Julien Freund, L’Essence du politique, 1965.

5 Pierre-Joseph Proudhon, La Guerre et la Paix, 1861.

6 Alexis de Tocqueville, discours à la Chambre des députés du 27 janvier 1848.

7 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome I, 1835.

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