N°34 | Étrange étranger

Marie-Danielle Demélas
Parachutistes en Indochine
Marie-Danielle Demélas, Parachutistes en Indochine, Éditions Vendémiaire

Si elles ne furent pas les plus nombreuses (onze mille hommes sur plus de deux cent cinquante mille), les unités parachutistes ont indiscutablement marqué la guerre d’Indochine. Et réciproquement. Cette étude vient donc à point nommé pour nous en présenter certaines réalités. Il ne s’agit d’écrire ni une nouvelle histoire générale de la guerre d’Indochine ni celle des bataillons parachutistes en tant que telles, mais de suivre tout au long du conflit la vie et les combats des paras eux-mêmes. Le lecteur passe donc en permanence des considérations générales aux détails parfois les plus pratiques, le plus souvent soulignés par un témoignage. Les neuf grandes parties de cet ouvrage reprennent de façon chrono-thématique le « parcours » théorique d’un para, de son départ de métropole à son retour, de l’organisation des unités (sans oublier la « vietnamisation » au début des années 1950) à la vie quotidienne et matérielle avec sa rudesse et ses excès parfois. Se pose alors la question de l’emploi des unités quand une situation locale se dégrade. Ultime réserve d’élite du commandant en chef, ou complément des forces traditionnelles insuffisamment nombreuses ? La réponse ne sera jamais durablement apportée. Pour faire la guerre, chaque soldat dispose de son équipement et de ses matériels, dont il porte une grande partie sur son dos – entre vingt et trente kilos – pour crapahuter dans la boue des rizières. Une partie consacrée aux « Fractures dans l’armée » met également en relief l’importance des gestionnaires et financiers parisiens aux préoccupations bien éloignées des besoins des combattants, tout autant que l’incohérence de l’organisation politico-militaire nationale, sujets contre lesquels les généraux en Indochine doivent lutter en permanence. Il y a là quelques belles pages sur les limites à l’exercice de son autorité par le chef militaire. Les lignes sur « le fossé entre les états-majors et les combattants » sont claires, mais auraient mérité d’être mises en perspective, car la critique est commune à toutes les guerres. Le livre se termine avec l’inévitable évocation de Dien Bien Phu, à la fois traumatisme et mythe glorieux, et par le retour des prisonniers des camps du Vietminh, préalable à la « rétractation » du dispositif et au départ pour l’Afrique du Nord où les capitaines et les colonels d’Indochine seront bientôt en situation de commandement. Un livre qui fait le choix d’une approche particulière, mais qui donne aussi de nombreuses informations précises, fait référence à de multiples témoignages et, finalement, en rendant le parachutiste d’Indochine plus « normalement humain », donne à ces hommes un surcroît d’exemplarité et de gloire réelle.

PTE

La Guerre soviétique en Afghan... | Colonel Philippe Sidos
Gilles Haberey et Hu... | L’Art de conduire une bataille