N°39 | Dire

Jacques-Alain de Sédouy
Ils ont refait le monde
1919-1920 Le Traité de Versailles
Paris, Tallandier, 2017
Jacques-Alain de Sédouy, Ils ont refait le monde, Tallandier

Dans Le Concert européen aux origines de l’Europe (1814-1914) (Fayard, 1909), Jacques-Alain de Sédouy brossait un tableau passionnant de ce concert européen grâce auquel les cinq grandes puissances européennes, au sortir des guerres napoléoniennes, étaient convenues de régler tout au long du xixe siècle, par la voie diplomatique, des conflits qui menaçaient leurs intérêts, offrant du même coup à l’Europe, en dépit de quelques accrocs mineurs, un siècle de paix. Mais cette diplomatie de conférences ne put rien contre la montée des nationalismes qui emporta le système en 1914. Sédouy avait traité ce thème dans le n°33 d’Inflexions consacré à « L’Europe contre la guerre » (2016). Reprenant le cours de l’histoire européenne au point où il l’avait laissé, il met aujourd’hui sur le métier les conséquences directes de la Grande Guerre, le Traité de Versailles et les autres traités signés avec les alliés de l’Allemagne. D’emblée, dans son avant-propos, il retient que ces traités ont mauvaise réputation, celui de Versailles surtout, et ce parce que « les deux peuples se sont retrouvés aveuglés par les illusions qu’ils entretenaient autour du traité de paix, les Français dans la recherche de leur sécurité, les Allemands dans leur conviction qu’ils n’avaient pas perdu la guerre et qu’ils étaient traités d’une façon qu’ils ne méritaient pas. La manière dont le Traité de Versailles a été interprété par les deux populations aboutit à une double méprise dans laquelle, hélas !, la tragédie à venir trouve sa source ». Et pourtant, les historiens considèrent aujourd’hui que ce traité, tout comme les autres, n’était pas aussi désastreux que de médiocres et même de bonnes plumes s’employèrent à le démontrer dans l’immédiat après-guerre. Ce sont l’application (ou la non-application) que l’on fit de ces textes, ainsi que la crise de 1929 et l’avènement du nazisme qu’elle entraîna qui vinrent à bout de l’ordre international institué par les règlements de paix de 1919-1920. Nombre d’ouvrages ont été consacrés à ces règlements, à la faveur notamment de l’ouverture des archives. Se référant à son expérience de diplomate, J.-A. de Sédouy a choisi de « raconter l’histoire de cette négociation complexe, qui commença avec l’armistice de novembre 1918, se développa à Paris de janvier à juin 1919 et aboutit au Traité de Versailles puis aux autres traités de la banlieue parisienne ». Pour dresser cette chronique des débats, il s’est notamment appuyé sur la version en anglais des procès-verbaux des réunions des Dix, de la conférence interalliée et du Congrès de la paix publiée par le Département d’État en 1963, ainsi que sur les comptes rendus des débats du Conseil des Quatre, suivant les notes de l’interprète Paul Mantoux publiées par le cnrs en 1955. Ainsi s’est-il attaché « à faire revivre les négociations, [à] en restituer l’atmosphère, en gardant en mémoire, par comparaison, le concert européen du xixe siècle et les grandes conférences qui ont suivi les guerres de la Révolution et de l’Empire. Le Traité de Versailles comporte plus d’éléments du concert européen que la rhétorique wilsonienne peut le laisser penser. Les règlements de paix de 1919-1920 constituent cependant l’acte de clôture d’une histoire commencée au xixe siècle, siècle européen par excellence, et le début d’une phase nouvelle dans l’histoire des relations internationales ». Nous y sommes toujours.


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