N°45 | L'échec

Simon Catros
La Guerre inéluctable
Les chefs militaires français et la politique étrangère, 1935-1939
Simon Catros, La Guerre inéluctable, Presses universitaires de Rennes

Pourquoi cette « étrange défaite » ? Était-elle inéluctable ? On peut le penser après avoir lu cet excellent ouvrage. Il est en effet temps de comprendre, ou au moins de s’approcher de la vérité. La consultation exhaustive et impressionnante des archives civiles et militaires par Simon Catros révèle ce mélange à l’œuvre de malentendus, de lâchetés, de fatalisme, d’enfermement dans les expériences passées, et surtout un manque ou un refus de vision claire des événements. Entre 1935 et 1939, les états-majors sont renouvelés de façon incessante en fonction d’intérêts davantages politiques que militaires, ce qui interdit toute continuité dans les décisions. Les tensions entre les trois armes, les séparations entre quatre états-majors rivaux – l’un est spécifique des colonies, les positions pacifistes du ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet, qui veut à tout prix s’entendre avec l’Allemagne, contrastant avec les visions marxistes du ministre de l’Air, Pierre Cot, ne facilitent pas une stratégie claire et partagée. Les archives rendent justice au général Gamelin, qui apparaît pendant toute cette période d’une grande lucidité prophétique, même s’il ne sera pas au rendez-vous d’une stratégie efficace au moment décisif. Les oppositions entre les généraux Villemin, plus défensif, et Gamelin, plus offensif, se neutralisent mutuellement. Les relations politiques et militaires manquent de conclusions dans le réel au profit de discussions souvent vaines. L’occupation sans réaction française de la Rhénanie par Hitler est un moment clé du renoncement. Les diplomates échouent à exercer une influence majeure en oscillant sans cesse entre des projets d’alliance contradictoires, franco-russe, franco-italien, franco-roumain, franco-polonais, franco-turc, qui sont autant de temps perdu. L’Allemagne réarmée tétanise militaires comme politiques. Tous surestiment pourtant sa puissance, qui était fragile au début avant de devenir impressionnante. La neutralité de la Belgique, annoncée de façon surprenante en 1939, empêchera tout plan d’attaque français en passant par ce pays. Les sentiments anti-anglais de la marine ne facilitent pas les échanges d’informations. Comme l’embarras vis-à-vis de l’Espagne, où le soutien gouvernemental et militaire au franquisme n’apporte guère de bénéfices. Enfin, la « cacophonie » industrielle française, qui a mis longtemps à se mettre au niveau des exigences de la guerre, a fragilisé les capacités d’offensive françaises, indéfiniment repoussées, et qui auraient permis un meilleur équilibre des combats. Voilà un remarquable ouvrage de référence pour cette triste période, mais aussi, et c’est son intérêt majeur, pour aujourd’hui !


La Chanson de Roland | Paulette Gabaudan
Jean-Yves Le Naour | 1919-1921