N°48 | Valeurs et vertus

Thierry Marchand

Un impératif d’équilibre

La vertu est force d’alignement entre l’âme et l’action. Une force intérieure qui rétablit en l’homme une continuité déontologique. Profane ou religieuse là n’est pas la question, car elle permet d’exprimer le règne du devoir au-delà de toute posture morale. De manière allégorique, elle est la voile qui permet la mise en mouvement, l’énergie potentielle de toute existence. La puissance est sa mesure et la liberté sa principale force d’expression.

La valeur, elle, est puissance d’entraînement entre l’esprit et l’action. Elle cristallise le point visé, le but, l’idéal qui permet à chacun de se fixer une référence stable dans un monde en perpétuel changement. Elle est donc le gouvernail qui oriente nos vies, la résistance au réel qui force les circonstances à la mesure de notre volonté. La pureté est son étalon et le tempérament son instrument principal.

Valeur et vertu se mêlent dans l’action qui reste l’unité de compte. Dans l’épopée comme dans l’action la plus banale on en trouve traces dans un dosage inégal. Leur intensité n’est pas corrélée. Les deux muses peuvent se mouvoir indépendamment l’une de l’autre et toutes les combinaisons sont dans la nature. L’homme seulement vertueux ou uniquement valeureux restera impuissant car il ne pourra jamais aligner les forces pour faire empreinte

Le malheur vient de la disproportion de ces deux polarités. Apparaissent alors les plus grandes folies, car une valeur sans vertu est utopie agressive et une vertu sans valeur une brutalité sans frein. Les deux cas nous renvoient à un impératif d’équilibre. Une éducation qui fait civilisation.

Lorsque la valeur et la vertu se mettent en résonance, alors apparaissent deux profils. Côté grand vent et grande escadre, les géants qui marquent l’histoire des hommes. Ceux qui nous dévoilent la puissance infinie d’une force libre et engagée.

De l’autre, la grande cohorte des saintetés invisibles qui peuple dans l’humilité notre quotidien. Petite voile et petit vent poussent un gouvernail de fortune à faire sans cesse des bords. Là se dévoile dans l’indifférence du monde, la grandeur des sans grades, qui dans un effort dérisoire tentent de rapprocher à chaque instant le désir pur et les circonstances. Là se situe toute leur noblesse qui n’a rien à envier à celle des grands hommes.

À l’épreuve de la dictature... | J.-L. Leleu