N°49 | La route

Max Schiavon
Gamelin
La tragédie de l’ambition
Paris, Perrin, 2021
Max Schiavon, Gamelin, Perrin

Élève excellentissime, fils de bonne famille influente, Maurice Gustave Gamelin (1872-1958) aurait hésité, bachot en poche, entre la carrière d’artiste-peintre ou celle d’officier. À lire Max Schiavon, on peut regretter qu’il ait choisi Saint-Cyr, tant il est rare qu’une biographie savante, gorgée d’archives inédites et de toute la documentation déjà disponible, accable autant son héros et à si juste titre. Merci à l’auteur pour ce livre d’histoire qui pousse à une méditation militaire, politique et civique très troublante : pourquoi, en 1939, la France a-t-elle pu confier son destin à un homme qui était aussi peu à la hauteur et qui l’a montré ô combien quelques mois plus tard ?

Orgueilleux, ambitieux et roué, solitaire et calculateur, cultivé, à l’aise financièrement, plus philosophe qu’homme d’action, loin de ses hommes mais toujours certain d’avoir raison, Gamelin était supérieurement doué et il en a toujours convaincu les grands chefs et les ministres, qui l’ont chouchouté et ne lui ont confié que de brefs commandements sur le terrain. Joffre l’a remarqué dès 1906 et s’est attaché ce brillant officier d’état-major jusqu’en 1917. Ses mérites en Champagne en 1918 n’ayant pas été reconnus, voici Gamelin chargé en 1919 de réformer l’armée brésilienne puis, devenu général à titre définitif, envoyé au Levant en 1925. Lesté de soutiens politiques très divers – sauf celui de Jouvenel, qui l’a vu aussitôt « sans colonne vertébrale » –, le voici chef d’état-major de l’armée de terre et membre du Conseil supérieur de la guerre en 1931. Ensuite, sa rivalité avec Weygand sur presque tous les sujets va entretenir un bicéphalisme à la tête des armées que les ministres ne sauront pas sanctionner jusqu’à la guerre, et d’autant moins que Pétain et George sont entrés en scène. On sait la suite, tragique.


Vincent Lazerges | Mercredi noir à Mobayan