N°12 | Le corps guerrier

Pierre Gillet

Entre ascèse et licence : le rôle du chef

Ce n’est un secret pour personne que nous n’avons pas la maîtrise parfaite de notre corps. L’esprit ne règne pas en maître sur lui. « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener », aimait à dire le maréchal de Turenne. Nos passions triomphent et « nous ne faisons pas tout le bien que nous voulons et nous faisons tout le mal que nous ne voulons pas ». De plus, en mission extérieure, en opération, notre corps est soumis à rude épreuve. Il doit résister à des conditions de vie dures, au danger comme à l’inaction, à des tentations diverses et parfois nouvelles. Dès lors, le maintien de la condition physique et morale des soldats devient l’une des préoccupations majeures du chef. Mais comment faire face à une telle tâche qui nécessite du tact (compte tenu des frontières ténues entre l’intimité des soldats et l’action du chef) et de la fermeté tant les enjeux sont importants ?

Trois remarques liminaires pour commencer. Même si certains éléments théoriques sont nécessaires à la compréhension du sujet, nous chercherons, dans cet article, à rester concret et à traiter la question comme un homme d’action plutôt qu’en philosophe ou en psychologue1. Nous privilégions donc une approche pratique tirée de l’expérience. De plus, l’éloignement géographique des théâtres d’opérations ainsi que l’éloignement physique de la famille et des proches favorisent une certaine complicité entre le chef et ses subordonnés, en tout cas une meilleure compréhension mutuelle.

S’intéresser au corps ne peut se faire sans s’intéresser à l’esprit, la nature humaine étant ainsi faite que les deux ne sont pas dissociables. Toutefois, si le maintien en condition physique fait appel à l’esprit, il ne faut pas en conclure que le maintien de la condition morale et psychologique dépend du physique dans les mêmes proportions. Le présent article a pour but de traiter de ce qui concerne le corps.

L’emploi fréquent du mot « chef » mérite une précision. Le terme est ici générique. Le commandant de l’opération, le chef de corps, est directement responsable du maintien en condition. S’il donne la direction générale, en fonction des enjeux et de la nécessité d’inscrire les actions sur toute la durée de la mission, l’efficacité repose surtout sur l’implication des cadres de contact. Le niveau « chef » descend ainsi jusqu’au chef de groupe.

  • Un défi à relever

Nos soldats ne sont pas des extraterrestres. Quand ils s’engagent, ils ont un vécu, des liens avec le monde civil dans lequel ils retourneront. Ils possèdent un minimum de culture, au sens où ils appliquent au moins les règles élémentaires de la vie sociale. Toutefois, en termes de comportement, il s’avère difficile de préjuger de leur réaction devant les multiples sollicitations extérieures, tant notre société prône une vision relativiste de la morale (n’ayons pas peur du mot).

Compte tenu de ce contexte, l’enjeu pour le chef est de trouver un référentiel commun suffisamment explicite et pertinent pour cadrer l’action. Les règles de comportement, le Code du soldat, le code d’honneur du légionnaire apportent une première pierre à l’édifice. À l’instar des règles d’ouverture du feu, le soldat dans l’action ne doit pas hésiter sur ce qu’il peut faire ou ne pas faire. Il n’a pas le choix. Celui-ci ne dépend pas d’une appréciation personnelle de la situation mais s’impose à lui. Il l’endosse avec son uniforme. Mais peut-on renoncer aussi facilement à son libre arbitre ?

Partout où il y a une vie commune, il y a des règles qui limitent les choix individuels. « Il faut que les règles soient assez raisonnables et assez simples pour que quiconque le désire et dispose d’une faculté moyenne d’attention puisse comprendre, d’une part, l’utilité à laquelle elles correspondent, d’autre part, les nécessités de fait qui les ont imposées. Il faut qu’elles émanent d’une autorité qui ne soit pas regardée comme étrangère ou ennemie, qui soit aimée comme appartenant à ceux qu’elle dirige. Il faut qu’elles soient assez stables, assez peu nombreuses, assez générales, pour que la pensée puisse les assimiler une fois pour toutes, et non pas se heurter contre elles toutes les fois qu’il y a une décision à prendre. » Cette citation de la philosophe Simone Weil2 répond à la question du libre arbitre tout en plaçant le chef devant ses responsabilités puisqu’il lui incombe de rendre les règles acceptables3. C’est dans cet esprit qu’un certain nombre d’observations pratiques vont être formulées dans la suite de cet article.

  • Condition physique et entraînement

Pour pouvoir combattre, un soldat doit être en bonne condition physique4. Tous les engagements l’attestent. Le document sur les forces morales n’hésite pas à l’affirmer : « La victoire appartient à celui qui sait souffrir un quart d’heure de plus. » Dans l’imaginaire collectif, le guerrier est une sorte d’incarnation de la force physique et de la virilité à l’instar de l’athlète. La statuaire de la Rome antique est éloquente à ce sujet.

Les enjeux du maintien en condition physique restent faciles à discerner. Ils se résument en un adage popularisé par le général Bigeard : « La sueur épargne le sang. » Cela passe très concrètement par la pratique du sport et de toutes sortes d’activités physiques. Si dans l’esprit la nécessité est acquise, en opération extérieure le chef se heurte à la réalisation pratique. Car les conditions opérationnelles et, surtout, les zones de stationnement ne le permettent pas toujours. Certains se souviendront avec émotion des séances de footing dans le terminal de l’aéroport de Sarajevo ! Pour se défouler physiquement, les soldats ne manquent pas d’imagination. Les salles de musculation, au quartier comme en opération, connaissent un vif succès. Même si leur intérêt est indiscutable, il y a toutefois une certaine antinomie entre elles et l’esprit combattant. Le culte du corps ne fait pas bon ménage avec l’esprit de sacrifice. Un corps soigné n’est pas fait pour souffrir ou, pire, être meurtri. Tant que le sens de l’effort ne s’émousse pas, le risque décrit ci-dessus reste ténu. Le chef doit y veiller.

Tous les sports n’ont pas la même valeur dans le maintien en condition physique du soldat. La pratique du sport collectif, en particulier celle du football, fournit son lot de blessés et d’évacuations sanitaires. Le jeu n’en vaut pas la chandelle ! Par égard pour les ligaments croisés du genou de ses hommes, le rédacteur de cet article a pris le parti de l’interdire lors des opérations extérieures où il a exercé le commandement. Les sports de combat encadrés par des moniteurs qualifiés, paradoxalement moins traumatisants que certains sports collectifs, mériteraient une plus grande attention. Le défoulement est garanti ainsi que le renforcement de la confiance en soi.

Une activité physique constitue aussi un bon exutoire à un manque d’action chronique. Il est bien connu que dans l’armée « il faut se lever tôt pour attendre plus longtemps ». Sur les théâtres actuels, l’action de combat, ce pour quoi un soldat se prépare, se fait désirer. À l’exception de l’Afghanistan, les forces actuellement engagées en opération ne recherchent pas volontairement le contact avec un adversaire. Sans pour autant comparer le sentiment de lassitude des soldats avec l’« acétie » des mystiques, il n’en reste pas moins vrai que, dans ces conditions, les sens s’émoussent et la facilité s’installe. Le laisser-aller dans l’entretien du casernement constitue d’ailleurs un excellent signe clinique de cette maladie singulière. Certes, il est du devoir du chef de rappeler régulièrement l’intérêt de la mission et son sens, mais seules les activités physiques (marches et raids en disposition de combat, drill, exercices de combat en dehors des installations…) peuvent combler le vide d’aventure en reprenant l’idée promue en son temps par le maréchal Leclerc selon laquelle les hommes remercieront toujours le chef de les avoir forcés à se dépasser moralement et physiquement.

  • Résister à la tentation

Allons droit au but : deux vieilles vulnérabilités de l’homme, l’alcool et le sexe, méritent une attention particulière et une forte implication tant les conséquences pour l’individu et le bon déroulement de la mission sont importantes5.

L’ivresse rend souvent inconscient du danger, quand elle ne débouche pas sur des comportements agressifs. Généralement, les dames de petite vertu savent fort bien exploiter les faiblesses d’un soldat ivre. Et ce quels que soient, hélas, les risques de transmission du sida. Les poussées instinctives et les passions sont tout le contraire d’un choix libre et conscient. Le sexe, lui, est insidieux pour deux raisons. Tout d’abord, de façon très évidente, à cause des risques pour la santé des hommes et pour la capacité opérationnelle des unités – une trithérapie rend un personnel indisponible. D’autre part, même si cela est moins immédiatement perceptible, parce qu’il contrevient la plupart du temps à l’impératif de respect. Respect pour soi-même et pour son conjoint si l’on est lié par une relation amoureuse, respect pour la population qui doit être considérée et traitée avec une courtoisie d’autant plus grande que toute armée étrangère passe vite du statut d’allié à celui d’occupant. La façon dont une population perçoit une force déployée agit directement sur la réalisation de la mission. Cela ne fait aucun doute dans le cadre de la contre-insurrection (nos anciens nous en ont donné l’exemple en Indochine ou en Algérie), cela ne fait aucun doute sur n’importe quel théâtre. Un soldat reste donc en mission même pendant les phases de détente. Nous pourrions mentionner les risques de médiatisation d’un débordement. À Sarajevo, en 1993, par exemple, des journalistes malveillants n’ont pas hésité à affirmer que des soldats français échangeaient des boîtes de ration contre les bonnes grâces de femmes démunies. Ces raisons à elles seules suffiraient à justifier la fermeté du chef.

Tout chef en mission extérieure sait que des tentations nouvelles ne manquent pas de survenir ; nouvelles et faciles du fait de l’éloignement des familles et de la précarité des pays touchés par une crise. Il sait aussi que l’« esprit est ardent et la chair faible ». Malgré les ordres6, les mesures diverses de prévention, les sensibilisations, chacun se retrouve face à sa propre conscience et passe à l’acte ou pas. Ces deux remarques, teintées de fatalisme, soulignent la difficulté de remédier à la luxure. Peut-on résister à certaines tentations très physiques ?

Napoléon a répondu à cette question : « En amour, la seule victoire c’est la fuite. » En homme avisé, il préconise que ne pouvant résister à une tentation il vaut mieux la fuir. Rien d’étonnant à cela si l’on considère que l’amour charnel (Éros) est mû par le désir. Aussitôt satisfait, il revient à la charge, insatiable ; c’est pourquoi certains l’ont qualifié de feu dévorant. L’homme est continuellement sollicité. Comment lutter si ce n’est en organisant la fuite ? Cela revient, par exemple, à limiter les sorties en quartier libre, à interdire les films pornographiques qui, d’une part, ne procurent aucune détente et au contraire accroissent un sentiment de frustration, et, d’autre part, incitent à l’individualisme et à la débauche, à interdire la consommation d’alcool du lever au coucher du jour, à réglementer drastiquement la vente d’alcool fort. Le réalisme oblige à reconnaître qu’il ne manquera pas de contrevenants. Toutefois, un cadre strict lève toute ambiguïté sur le comportement à adopter et constitue le premier degré d’une réponse qui se prolongera par la mobilisation des forces de la raison et du cœur.

Le manque d’éducation et une vision relativiste de la morale brouillent la conscience du bien et du mal. Une chose est de fuir la tentation, une autre est d’en comprendre le pourquoi. En cherchant à élever moralement ses subordonnés, le chef pose un acte éminent d’autorité7 mais leur donne surtout une marque d’estime supérieure. Employer un discours moralisateur déboucherait sur l’effet inverse par phénomène d’exaspération. Or les soldats font parfaitement la différence entre une vertu et un vice, ils comprennent par exemple toute la portée de la fidélité. Stricto sensu, on ne peut pas imaginer un amour autrement que fidèle. Gageons qu’ils comprennent aussi l’amour-don (philia) et le respect du conjoint qui va de pair. Ils acceptent alors librement la continence dans sa double dimension morale et prophylactique.

En revanche, combattre l’alcoolisme en faisant appel aux mêmes ressorts est plus difficile. À un certain degré, cela relève de soins médicaux. La prévention de l’ivresse s’appuie donc presque exclusivement sur la coercition. Toutefois, nous pouvons remarquer que la tempérance n’est pas une négation du plaisir mais un juste milieu dans le plaisir. À ce titre, il appartient au chef de fixer le seuil de référence, par exemple une bière par homme et par jour.

Enfin, il arrive un moment où le chef a épuisé tous ses arguments et a atteint les limites de la contrainte. Le but de son action reste avant tout de préserver la capacité de combat de son unité, l’intégrité physique et morale de ses soldats. Ce que certains ont appelé la politique du moindre mal, nous pourrions l’appeler la politique de la « prophylaxie encadrée ». Elle repose sur l’implication des cadres de contact grâce à laquelle les soldats ne sont pas livrés à eux-mêmes. Ils vivent avec eux, ils sortent avec eux et avant qu’une jeune beauté n’ait vendu ses charmes, ils vérifient la possession des préservatifs et extraient en prévention les ivrognes de circonstance. Tout repose sur les épaules des chefs de groupe. Ces derniers doivent s’y préparer, donner l’exemple et, surtout, être proches de leurs subordonnés ; proches physiquement parce qu’ils partagent les mêmes locaux ou les mêmes tentes, proches moralement car ils savent recueillir les confidences, encourager ou sévir en première instance. Cela suffit souvent à calmer bien des ardeurs.

  • Des maux plus subtils et plus délicats

Nous avons abordé jusqu’à présent la partie visible (ordres, mesures de prévention, pédagogie) et collective de l’action du chef. Mais chacun sait que des atteintes physiques et des fautes de comportement peuvent être la conséquence d’un mal intérieur, des « tempêtes sous des crânes » – nous partons du postulat que les soldats ont été sélectionnés et sont considérés aptes physiquement et psychologiquement avant de partir en mission. Il faut un haut degré de discernement, de sens psychologique, de délicatesse, d’expérience et de formation pour espérer y faire face.

Cependant, certaines conditions assurent un meilleur équilibre du soldat. Le cadre de vie tout d’abord. En effet, sans aller jusqu’à établir un déterminisme absolu entre la qualité des installations et le moral, le lien a été souvent mis en avant. Les incommodités agacent, les toiles de lit picot déchirées, les difficultés pour laver le linge, les retards de courrier et de distribution des colis, les connexions Internet impossibles… Force est aussi de constater que lorsque le groupe fonctionne bien, il s’organise et fait face. Dans des conditions identiques, deux unités ne vivent pas de la même manière et la qualité des campements n’est pas comparable… Comme quoi il s’agit bien d’une question de chef !

La seconde condition repose sur l’équilibre entre la vie privée, le jardin secret de chacun, et la vie du groupe. Cela semble évident. Mais trouver la limite entre le commandement et l’immixtion dans la vie privée n’est pas aussi simple. Autant que possible, chaque soldat devrait avoir dans la zone vie un coin à lui afin de ne pas être toujours sous le regard des autres. Il n’y a pas si longtemps, les chefs de section s’intéressaient au nombre de lettres reçues par les uns et par les autres – les plus méticuleux tenaient un cahier à jour – et s’inquiétaient de ceux qui n’en recevaient plus ou pas. Demander à l’un de ses subordonnés pourquoi sa femme ne lui écrit plus relève de nos jours de l’abus d’autorité ! Le souci était louable ; il s’agissait de détecter un problème personnel et d’aider quelqu’un dont on a la responsabilité. Le souci était sage, car on ne peut laisser seul devant ses difficultés un soldat qui détient de l’armement et des munitions. Le chef doit ainsi tisser des liens privilégiés avec ses subordonnés. Dans le meilleur des cas (pour les unités homogènes), cela commence au quartier, sinon il faut rattraper le temps et toutes les occasions sont bonnes. Le général Gouraud, lorsqu’il était lieutenant, a donné le conseil suivant à un jeune sous-lieutenant : « Profitez de vos premières semaines d’exercice pour faire venir vos recrues les unes après les autres et interrogez-les sur leur pays, leurs parents, ce qu’ils faisaient, ce qu’ils gagnaient… Prenez note, malgré le froid qui vous figera les doigts. Puis profitez de chaque occasion, homme rentrant de permission, sortant de l’hôpital, pour les voir et rafraîchir votre mémoire. »

La dernière condition réside dans la capacité du chef à décrypter le langage corporel de ses subordonnés. Lorsqu’un jeune chef de section passe sa troupe en revue, il y a fort à parier qu’il a regardé sans voir. Mais bientôt il remarquera les traces physiques, conséquences des mauvaises rencontres en ville (ou dans le quartier) ou d’une blessure fortuite. Il lui faudra plus de temps pour détecter dans le regard (surtout) ou l’attitude générale (aussi) quelque chose qui ne va pas. Un soldat qui a confiance dans son chef lui lancera très souvent un appel au secours par un signe clair et toujours discret, parfois même inconscient. Il y a une condition préalable à cela : avoir pris l’habitude de passer du temps avec les autres. Les soldats peuvent bien avoir leur ordinateur portable et s’enfermer dans un coin pour regarder seuls une vidéo, être accrochés à un téléphone portable à la première occasion, mais s’il demeure des occasions pour « être ensemble de corps et d’esprit », alors l’individualisme n’a pas triomphé. Des légionnaires en mission à Birao, au nord de la République centrafricaine, un poste particulièrement rustique, ont hésité à demander une télévision par section de peur de rompre l’esprit de groupe que l’isolement et les conditions de vie éprouvantes avaient renforcé.

  • S’interroger sur le but de la vie

En guise de conclusion, deux citations, l’une d’un historien des armées romaines, Salluste, l’autre d’un philosophe connaissant bien la chose militaire, Jean Guitton, afin d’illustrer le rôle du chef dans toutes ses dimensions, à la fois la fermeté bienveillante permettant de tirer le meilleur des soldats, et l’autorité qui les élève, marque supérieure de l’estime qui leur est portée. Elles posent aussi les bases d’une réflexion personnelle, préalable à toute action.

Sur l’intérêt de la discipline bien comprise tout d’abord. Dans La Guerre de Jugurtha, Salluste écrit à propos de l’armée que Metellus retrouva en Numidie qu’elle était « incapable de se battre, de s’exposer au danger et aux fatigues, plus prompte à parler qu’à agir, pillant les alliés, pillée elle-même par les ennemis, sans discipline, ni mesure. [Metellus], en forçant les soldats au travail, rétablit la vieille discipline. […] Il enleva au soldat tout ce qui pouvait favoriser sa mollesse. […] Chaque jour, par des chemins de traverse, il transportait le camp sur un point différent et, comme si l’ennemi eût été tout près, faisait élever des retranchements ou creuser des fossés, plaçait de nombreux postes. […] Pendant les marches, il prenait tantôt la tête, tantôt la queue, tantôt le milieu de la colonne, veillant à ce que nul ne sortit du rang, à ce que tous fussent groupés autour des drapeaux et que chaque soldat portât lui-même ses vivres et ses armes. Ainsi, en prévenant les fautes plutôt qu’en les punissant, il redonna rapidement force à son armée ».

Sur la dimension supérieure du cœur à laquelle il ne faut pas hésiter à avoir recours ensuite. « En tant que créature physique, animale, j’ai soif d’exister, je recherche la vie, le plaisir, et je fuis la souffrance, la mort. Mais je suis plus qu’un animal. En tant qu’homme, être moral, je cherche le bien : le devoir, la justice, parfois la sainteté… Les trois phases de l’idéal sont donc le bien, le beau, le vrai. Un mot résume tout cela, l’amour8. » 

1 Il faut reconnaître l’utilité des psychologues sur le terrain. Il s’agit plutôt d’éviter d’égratigner un domaine qui demande de l’expérience et de la formation.

2 Simone Weil, L’Enracinement, Paris, Gallimard, 1949. Première partie, « Les besoins de l’âme ».

3 Nous ne nous plaçons pas sur le plan de la moralité d’un acte qui dépend autant de l’objet et de sa finalité que des circonstances, mais sous l’angle pratique de l’appropriation par les autres de règles décidées par une autorité.

4 Les limites d’âge statutaires ont pour but de garder du personnel suffisamment jeune pour demeurer capable de remplir toutes les exigences, notamment physiques, du métier des armes.

5 La consommation de drogue, rentrant dans le cadre d’une interdiction légale, n’est pas abordée dans cet article.

6 Les directives concernant les règles de comportement sont consignées dans le règlement de service intérieur (rsi) qu’il convient de remettre à jour au commencement d’une mission.

7 L’étymologie latine du mot autorité, augere, suggère clairement l’idée d’apporter « quelque chose de plus », d’augmenter.

8 Jean Guitton, Jean-Jacques Antier, Le Livre de la sagesse et des vertus retrouvées, Paris, Perrin, 1998.

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