N°28 | L'ennemi

Marc Serratrice
Avoir 20 ans au maquis du Vercors
1943‑1944
Avon-les-Roches, Anovi, 2014
Marc Serratrice, Avoir 20 ans au maquis du Vercors, Anovi

Nouveau témoignage sur le maquis du Vercors dans la collection « Histoire intime ». Un document indiscutablement de grande qualité. Le récit est dense, précis, et nous suivons pas à pas l’auteur au long de son engagement dans le Vercors, dès son bac passé en 1943. Il s’agit d’abord pour lui d’échapper au sto, mais au-delà, la prise de conscience du caractère total de cet engagement est rapide. Il nous décrit ses journées au camp C3 (région d’Autrans), la rusticité de la vie, les problématiques de ravitaillement, l’aide apportée par quelques paysans et villageois plus ou moins proches (« On ne soulignera jamais assez combien fut important, durant cette période clandestine, le rôle de ces Français obscurs qui n’auront pas l’honneur des journaux et des chroniqueurs au même titre que les résistants notoires »), l’aménagement d’un abri mieux protégé pour l’hiver, ses camarades d’origines et d’opinions si variées, l’attente aussi. On peut suivre le détail des patrouilles et des actions conduites localement, l’organisation des parachutages ainsi que la cache des matériels largués et leur gestion, les difficultés de l’alimentation, les relations interpersonnelles dans un milieu confiné en hiver, le commandement des différents camps du plateau et les relations entre eux, les conséquences du débarquement de Normandie. Tout en reconnaissant que l’insurrection était encore trop précoce, il l’explique par le contexte du moment : « L’état-major du Vercors ne fit qu’appliquer le plan prévu de longue date lorsque lui arriva par la voix de la bbc le message convenu ”Le chamois des Alpes bondit”... Cette conviction était renforcée par le fait que dans la nuit du 5 au 6 juin, la bbc a diffusé tous les messages ordonnant à toute la Résistance sans distinction de lieu de passer à l’action. Quatre jours après, changement de situation, la bbc diffuse un message général recommandant aux maquis non directement intéressés par la bataille de Normandie de freiner l’action, voire de se désengager. Pour le Vercors, c’était trop tard. Le maquis s’était démasqué. » Il raconte les journées et les nuits de juillet, les combats, l’action des avions, la bataille elle-même, les replis successifs et la prise d’Autrans par les Allemands, l’exfiltration par les sentiers perdus, les idées qui se bousculent dans les têtes et la détermination de quelques hommes. Après de longues et difficiles semaines de survie et d’isolement, c’est la libération effective et la constitution d’une unité régulière, qui va poursuivre la guerre. Un livre aussi facile à lire que passionnant. Riche de détails, précis, au ton spontané et qui laisse vraiment le sentiment d’un témoignage honnête. Au ras du sol, au cœur des réalités. À lire et à conserver.

PTE

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