N°17 | Hommes et femmes, frères d’armes ?

Martine Bertoldi

À la conquête des armes

Ma vocation peut en partie s’expliquer par le métier de mon père, qui a grandement influencé mon enfance et qui m’a insufflé un certain désir pour l’action et l’aventure. Il était sous-officier dans la coloniale et j’ai passé ma petite enfance en Afrique de l’Ouest et équatoriale. J’éprouvais de l’admiration pour ce qu’il faisait et toutes les aventures qu’il avait vécues durant la Seconde Guerre mondiale, puis en Indochine ou en Afrique.

Au Congo-Brazzaville, entre 1961 et 1964, j’adorais partir en brousse les jeudis avec les pères missionnaires. Un jour, le pays s’est retrouvé secoué par des émeutes. C’était la première fois que, au milieu de hurlements, j’entendais exploser des grenades et autres armes à feu. Déscolarisés en fin d’année 1963, mes frères et moi restions enfermés à la maison. Seul mon père partait en mission. Je savais que ma mère avait une caisse de grenades sous leur lit en cas d’intrusion dans la maison.

Mi-janvier 1964, nous embarquions à bord d’un avion militaire du côté de Maya Maya, en compagnie d’autres familles, de militaires congolais et de viande congelée entreposée entre nos jambes. Nous avons atterri à Pointe-Noire. J’avais très peur, surtout que l’avion s’écrase en pleine forêt. Le soldat qui se trouvait à mes côtés me montrait son fusil pour me rassurer. Après plusieurs nuits passées dans une zone militaire, nous avons été conduits au port où nous attendait le Savorgnan de Brazza, un paquebot de la compagnie maritime des Chargeurs Réunis qui avait pour mission de nous ramener à Bordeaux, après plusieurs escales le long de la côte ouest de l’Afrique. Durant la traversée, qui a duré plus de vingt-cinq jours, j’étais toujours volontaire pour organiser des jeux au profit des autres enfants embarqués. Déjà germait en moi le désir de porter l’uniforme, d’être militaire, de pouvoir agir, d’être responsable.

Un autre temps fort de mes deux premières décennies fut la découverte du sport. J’ai pratiqué ainsi plusieurs disciplines durant une grande partie de mon existence en commençant par le hand ball, dès la classe de cinquième. Après avoir occupé le poste d’« arrière central », je suis devenue capitaine de mon équipe locale.

  • L’engagement, un début consensuel

Je me suis donc engagée en avril 1975 à l’École interarmées du personnel militaire féminin (eipmf), à Caen-Carpiquet. L’encadrement de cette école singulière puisque déjà interarmées était essentiellement féminin. Les quelques sous-officiers masculins présents avaient la responsabilité de tout ce qui avait trait à l’instruction militaire, y compris sportive. La formation militaire générale était destinée à l’ensemble des personnels féminins des trois armées, officiers et sous-officiers, puis une formation spécifique était délivrée à chaque armée afin de donner une connaissance du milieu dans lequel ils étaient appelés à servir. En fonction de l’option choisie lors de son engagement, à savoir « recrutement » ou « état-major », les élèves sous-officiers de l’armée de terre suivaient une formation dite de « spécialisation » de quatre mois, toujours à l’eipmf, tandis que celles qui avaient retenu les « transmissions » partaient pour Montargis.

C’est habillées en treillis « American Model » que nous effectuions notre instruction militaire, qui se résumait à quelques cours d’armement et de combat élémentaires. Toutes les élèves passaient aussi le permis de conduire et les cours étaient dispensés, là aussi, par les sous-officiers masculins. L’ordre serré1 était toujours encadré par le chef de section féminin ou par son adjointe. Cette pratique quotidienne a permis à la promotion de défiler avec brio le 14 juillet 1975 à Paris, place de la Bastille. J’y étais !

Les quinze premiers jours, voire le premier mois d’apprentissage, dédiés à l’acquisition