N°23 | En revenir ?

Stéphane Simonnet
Commandant Kieffer
Le Français du jour J
Paris, Tallandier, 2012
Stéphane Simonnet, Commandant Kieffer, Tallandier

Philippe Kieffer est bien connu pour avoir été le commandant de la poignée de Français qui participèrent au débarquement de Normandie sur Sword Beach, dans le secteur de Ouistreham. Mais que savez-vous de lui, de sa vie dans son ensemble et de son rôle pendant toute la durée de la guerre ?

Ce livre, bien écrit, nous apporte les réponses, parfois étonnantes, et nous découvrons un homme atypique et une « carrière » insoupçonnée. Né en 1899 à Haïti, d’un père d’origine alsacienne et d’une mère d’origine anglaise, il est d’abord banquier et financier, à la Banque nationale d’Haïti, puis à la National City Bank of New York et, enfin, à son compte, avant de rentrer en France dans des circonstances familiales et professionnelles difficiles en 1939. Engagé dans la Marine pendant la « Drôle de guerre », il est affecté à l’état-major de l’amiral Abrial, rejoint l’Angleterre dès la fin du mois de juin et « signe son acte d’engagement le 1er juillet 1940, sous le matricule 113 FNFL ».

Il fait très rapidement le choix de s’engager dans les commandos et de créer la première unité française libre de ce type. Formé au deuxième semestre 1941, il propose « un véritable cahier des charges, l’acte de naissance des commandos marine à la française ». Nommé au commandement d’une unité encore à créer au début de l’année 1942, il lui faut d’abord recruter ses volontaires, en assurer la formation initiale puis complémentaire, tout en organisant ses relations à la fois avec la hiérarchie britannique et avec les autorités gaullistes. Les quelques premiers commandos français, sous uniforme anglais, engagés dans des opérations actives sont intégrés aux troupes, essentiellement canadiennes, du raid sur Dieppe en août 1942, durant lequel ils se distinguent. Mais vient ensuite le temps de l’inaction et les volontaires sont déçus : ils sont nombreux à quitter l’unité, devenue le 12 novembre 1re compagnie de fusilliers marins commandos. L’auteur, dans cette partie, ne cache rien des difficultés de Kieffer et des doutes des volontaires français. Les hommes sont progressivement brevetés parachutistes et, si quelques-uns participent à un raid avorté sur Lorient, « entre l’été et novembre 1943 s’ouvre alors une période extrêmement incertaine », en particulier du fait des oppositions qui agitent à Alger la haute hiérarchie française. On trouve alors des hommes formés par Kieffer dans les différents territoires français d’Afrique et autour de la Méditerranée.

Les recrutements se poursuivent pourtant, toujours aussi difficilement. Une nouvelle compagnie est instruite en Écosse peu avant que ne commencent les raids Forfar et Hardtack, qui se succèdent de l’été à l’hiver 1943, jusqu’à la disparition du commando Trépel à la fin de février 1944. Les réorganisations se poursuivent, les effectifs fluctuent, des volontaires de l’armée de terre s’efforcent de rejoindre une troupe qui relève des forces navales, les entraînements s’enchaînent, alors que les Français sont intégrés au commando britannique n° 4 de la 1st Special Service Brigade, qui prépare déjà le débarquement sur le continent. Nous ne nous attarderons pas ici sur la désignation, les ultimes préparatifs, les combats de Kieffer et de ses hommes en Normandie, cette partie de sa biographie a été souvent racontée. Deux fois blessé le 6 juin, Kieffer doit être temporairement évacué tandis que les commandos français poursuivent la campagne, avec des formes de guerre classiques – défensive, contre-attaque – qui leur conviennent peu, et que les pertes s’ajoutent aux pertes, alors que le nombre limité de nouveaux volontaires ne permet pas de les combler. Ce sont ensuite les combats de Walcheren et des Pays-Bas. Il ne rentre finalement en Angleterre que le 1er juillet 1945 et les hommes partent en permission, avant la dissolution attendue de l’unité. Mais les tractations se multiplient au sein de l’armée française et en particulier de la Marine pour pérenniser une formation qui s’est couverte de gloire, et donc maintenir durablement une unité de commando marine, mais qui servait « à lécart » de Forces françaises libres. Ils survivront finalement à travers le centre Siroco, créé en Algérie en 1946.

Brièvement engagé en politique comme conseiller général, Philippe Kieffer rejoint ensuite Berlin, puis Bruxelles et enfin Paris, au sein des structures interalliées sur la base desquelles se construira l’otan, dont il devient directeur de l’administration et des services généraux. Kieffer décède en 1962, et c’est en 2008 que la Marine nationale donne son nom à un sixième commando marine.

Cette très intéressante biographie est complétée par deux annexes qui retracent les parcours individuels de nombreux commandos, par un solide appareil de notes et par une utile bibliographie. En résumé, un livre qui passionnera tous les amateurs de la Seconde Guerre mondiale et bien au-delà.

PTE

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