N°31 | Violence totale

Jean-Claude Leroux
Ils l’ont fait !
Dans les coulisses de l’oflag XVII A
Paris, Dacres éditions, 2014
Jean-Claude Leroux, Ils l’ont fait !, Dacres éditions

Voici un livre particulièrement original, puisqu’il nous raconte l’histoire de la réalisation du seul film « documentaire » tourné par des prisonniers dans un camp de prisonniers de guerre. Pour appuyer les propos de l’auteur, un dvd de la version du film commercialisée après-guerre, Sous le manteau, est offert aux lecteurs. Comme l’explique la citation en exergue de la première partie, ce film « est le témoignage de la fidélité des officiers prisonniers à leur famille et à leur patrie, la preuve de la dignité que la majorité d’entre eux s’est attachée à garder vis-à-vis de soi-même, malgré les propositions dissolvantes de l’ennemi ». En dépit des études pionnières de François Cochet depuis quelques années, le thème des prisonniers de guerre (y compris dans le regard porté sur eux lors de leur retour) reste en grande partie le parent pauvre des travaux sur la Seconde Guerre mondiale, avec un nombre restreint de livres ou de thèses. Pourtant, ils furent à la fin de l’année 1940 près d’un million et demi dans les camps allemands, soit trois fois plus que pour toute la Première Guerre mondiale. Ce volume est donc particulièrement bienvenu, et le dvd qui l’accompagne une vraie découverte pour la plupart des lecteurs.

Pédagogiquement, le livre présente d’abord les différentes catégories de camps, puis en détail l’oflag XVII A, en Moravie autrichienne. La vie quotidienne nous est ensuite décrite, avec l’aide des témoignages ultérieurement publiés, et l’on entre ainsi dans le vif du film et de son tournage. Jusqu’à sept mille officiers prisonniers de guerre vont se trouver en même temps dans le camp, avec parfois leur ordonnance. De multiples activités le plus souvent « autogérées » sont organisées : « université » (plus de cent trente cours différents dispensés par des volontaires en fonction de leurs compétences, dont un cours de géologie qui permet de préparer les évasions !), théâtre, orchestre, clubs divers et variés, sport et gymnastique (y compris compétitions), messes et formation spirituelle... Cet apparent confort (ou oisiveté) ne doit pas cacher les rigueurs et difficultés quotidiennes, les fouilles… Ni le fait que certains prisonniers tentent d’obtenir les faveurs des Allemands (ou un rapatriement anticipé) en étant plus « collaborateurs » que Vichy. Dans ce contexte difficile, un film est tourné en cachette, par les officiers eux-mêmes. C’est sur son histoire que se termine l’ouvrage. Un très bon livre, qui passionnera tous ceux qui s’intéressent à l’armée française dans la Seconde Guerre mondiale.

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