La tragédie de la bataille de Verdun justifiait l’écriture d’un historien d’exception. Elle le trouve en la personne de Michel Bernard, digne successeur de Maurice Genevoix. Un écrivain qui écrit comme Chateaubriand. Les mots sonnent comme des salves d’obus, claquent comme des cris d’assiégeants vite transformés en assiégés, se bousculent comme des plaintes infinies de soldats agonisants dans leurs uniformes trempés d’eau, de boue et de sang au fond de trous béants. Le récit est soutenu par des photographies issues des archives du ministère de la Défense, qui montrent les combattants au regard aussi dévasté que déterminé, contrastant par leur calme avec la furie des combats. La photographie de Maurice Ravel emmitouflé dans son étrange pelisse renvoie au précédent et remarquable ouvrage de l’auteur, Les Forêts de Ravel. Chef-d’œuvre du genre, ce livre invite le lecteur à visiter la maison de Ravel et à réécouter sa musique avec la mémoire de son engagement volontaire et si courageux à Verdun, dans les transports. La lecture de Visages de Verdun, aux descriptions si précises, place le lecteur dans la restitution de cette bataille, aussi vaine que symboliquement forte, avec ce mélange d’erreurs stratégiques majeures de Joffre et de courage désespéré des soldats et officiers. Ce centenaire est honoré par un historien qui est à la hauteur de cette funeste mémoire.
N°33 | L'Europe contre la guerre
Michel Bernard
Visages de Verdun
Paris, Perrin, 2016