N°36 | L’action militaire, quel sens aujourd’hui ?

Clinton Romesha
La Violence de l’action
La bataille pour l’avant-poste de Keating
Paris, Éditions Nimrod, 2017
Clinton Romesha, La Violence  de l’action, Éditions Nimrod

Les éditions Nimrod viennent de traduire en français et de publier une pépite pour tous ceux qui s’intéressent aux combats conduits par l’armée américaine depuis une quinzaine d’années. Ce livre nous entraîne en Afghanistan, sur les pas d’une poignée de soldats isolés dans un avant-poste de la province du Nouristan, très violemment attaqué par les taliban. Les différents personnages sont soigneusement décrits ; la vie quotidienne apparaît globalement ennuyeuse même si les alertes sont assez fréquentes – le poste lui-même, peu ou mal protégé, est souvent la cible d’opérations de harcèlement de la part des rebelles afghans. Le commandement américain vient de prévoir son évacuation, mais rien n’a encore été fait et tous attendent l’ordre d’abandonner définitivement ce site dangereux. La description des conditions de vie extrêmement sommaires de ces soldats ne surprendra pas ceux qui connaissent de telles opex, mais elle passionnera sans aucun doute tous ceux qui veulent en savoir davantage sur l’hébergement, l’alimentation, l’hygiène, éléments particulièrement spartiates et rustiques loin des grandes bases. L’ennui, surtout, règne sur ce coin de terre désolée. Au matin du 3 octobre, à 5 h 58, tout bascule lorsque trois cents taliban attaquent le poste avec roquettes et armes lourdes. La suite du livre est donc le récit de cette bataille. On retrouve les militaires et les gardes afghans, entre courage et abandon, un chef incapable de commander efficacement ses hommes, la question de l’appui aérien et des difficultés de communications précises air-sol, l’angoissante question des munitions qui s’épuisent, la gestion des blessés... Certaines phrases éclairent sur l’organisation et le fonctionnement de l’armée américaine : « Si on devait faire un parallèle entre une bataille et un match de football, ce qui n’est pas une mauvaise comparaison, alors le rôle joué par un sergent de section ressemble à celui de l’entraîneur : un homme qui participe au jeu sans se trouver pour autant sur le terrain. Son travail consiste plutôt à se tenir en retrait, à observer et à faire en sorte que son équipe ait à sa disposition tout le nécessaire pour accompagner le ballon jusque dans la zone adverse. » D’autres traduisent « à chaud » des réflexions sur des initiatives instinctives, mais peut-être non adaptées au combat : « Bien qu’ils fussent tous cloués au sol par les tirs ennemis, Jones se redressa, mit sa mitrailleuse en batterie et ouvrit un feu continu. Ce n’était sans doute pas la meilleure chose à faire en termes de gestion des munitions dans la perspective inévitable où les taliban se décideraient à submerger la tranchée. » Les renforts arrivent finalement en fin de journée et la petite garnison de cinquante hommes (vingt-sept blessés et huit tués) est sauvée. La question de la fiabilité des recrues afghanes reste posée (refus de combattre, vols de matériel, désertions) et celle de l’importance des défenses accessoires à aménager dès le début et à améliorer en permanence sert en quelque sorte de conclusion à ce livre qui s’inscrit parfaitement dans la collection de témoignages édités chez Nimrod et qui, au-delà de son aspect « aventure vécue », donnera à tous l’opportunité de réfléchir à des sujets essentiels en opération.

PTE

Les Américains dans la Grande ... | Bruno Cabanes
Vincent Bernard | Le Sud pouvait-il gagner la gu...