N°38 | Et le sexe ?

Benoît Durieux, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Frédéric Ramel (sd)
Dictionnaire de la guerre et de la paix
Paris, PUF, 2017
Benoît Durieux, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Frédéric Ramel (sd), Dictionnaire de la guerre et de la paix, PUF

La publication d’un dictionnaire thématique est une aventure éditoriale et humaine importante. Aventure pour les directeurs, à la recherche des meilleurs contributeurs, et pour l’éditeur, tant la charge de travail et de relecture y est cruciale. Et les risques sont permanents entre le respect des délais, l’exhaustivité jamais atteinte, et la crainte d’oublis et d’obsolescence de certains articles. D’emblée, il faut souligner la réussite du projet entamé en 2012 sur l’initiative de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, philosophe de formation, devenu depuis directeur de l’irsem et donc l’un des acteurs majeurs de la recherche stratégique française. Il y avait déjà eu des antécédents qui restent d’ailleurs des références. Il faut citer ici le Dictionnaire d’art et d’histoire militaires, publié en 1988 par André Corvisier, et y ajouter l’Histoire militaire de la France, en quatre tomes publiés par les puf à partir de 1992. Bien sûr, il importe également de rappeler ici l’œuvre colossale d’Hervé Coutau-Bégarie, trop tôt disparu en 2012, et son monumental Traité de stratégie, sans oublier tous ses travaux sur cette thématique. Ces ouvrages ont fait référence et ont contribué à constituer un corpus scientifique autour de l’histoire de la guerre, dont l’approche universitaire a toujours été difficile en France pour des raisons nombreuses et complexes, notamment l’interaction souvent compliquée, pour des raisons idéologiques et politiques, entre le monde militaire et le monde académique, du moins dans le domaine des sciences humaines et sociales (shs). Ainsi, étudier la guerre n’a jamais été simple en France, tant le champ est disséminé entre des disciplines universitaires parfois en rivalité sur cette thématique, en l’absence de War Studies fédératrices qui existent dans les pays de culture anglo-saxonne. Il faut ici saluer les efforts faits depuis quelques années pour fédérer les travaux et les approches, tout en renforçant le « réservoir » de nos jeunes chercheurs et en leur offrant des parcours professionnels valorisants. Ainsi, l’association aeges, partenaire du dictionnaire, mérite d’être soutenue dans la durée en proposant un cadre de travail et d’échange à tous ceux qui s’intéressent à ces questions.

Et parmi les outils désormais disponibles, il faut inclure ce dictionnaire qui vient combler une lacune et répondre avec succès à un besoin d’expertise de haut niveau. La somme représente plus de mille cinq cents pages comprenant près de trois cents entrées rédigées par plus de deux cents contributeurs, tous experts dans leur domaine, d’où la richesse et la densité du travail proposé. On peut juste regretter la part congrue faite aux militaires avec seulement une quinzaine d’auteurs, ce qui traduit la faible place qu’on leur accorde dans le débat stratégique, alors même qu’ils ont l’expérience des théâtres d’opérations où se joue une bonne part des guerres actuelles. Cette sous-représentation militaire se voit également par l’absence de quelques entrées pourtant essentielles afin de comprendre le phénomène « guerre » et qui mériteraient d’être prises en considération pour une seconde édition augmentée. Je suggère ici : opération, combat, logistique et interopérabilité. Ces quatre termes sont essentiels aujourd’hui et structurent l’engagement militaire. J’y ajouterai deux autres entrées nécessaires : porte-avions et artillerie. La première parce que le porte-avions est devenu un outil politique, la seconde parce qu’à partir de la fin du xive siècle, le canon modifie peu à peu l’art de la guerre et devient l’un des éléments d’organisation de la bataille. Ces remarques ne doivent pas occulter l’excellence de l’outil désormais à la disposition du lecteur qui, de plus, pourra s’appuyer sur l’appareil critique qui accompagne chaque notice, permettant de fournir une bibliographie utile et à jour. Ce dictionnaire démontre également la vitalité de la recherche stratégique française tant au sein des différentes institutions qu’au niveau des chercheurs, parfois un peu seuls dans la conduite de leurs travaux. L’effort accompli pour réaliser cet ouvrage s’inscrit dans une dynamique positive soutenue par le monde universitaire, mais aussi par le ministère des Armées, conscient de la nécessité d’encourager une approche académique autour de la guerre et de la paix. À l’heure où la multipolarité du monde est traversée par des courants antagonistes, les War Studies à la française sont plus que jamais nécessaires. Nul doute que cet ouvrage constituera une brique fondatrice de cet édifice en perpétuel devenir.


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