N°27 | L'honneur

Walter Bruyère-Ostells

Un sentiment étranger aux mercenaires ?

L’image négative accolée au mercenaire repose sur des actes réputés le caractériser, comme la violence incontrôlée, le vol, le manque de loyauté… À l’époque contemporaine, elle est véhiculée par la littérature ou le cinéma, friands de figures contrastées. Publié en 1965, le roman The Dark of the Sun décrit quelques stéréotypes efficaces, comme l’ancien alcoolique Mike Haig ou le jeune violent et sadique Wally Hendry. Son adaptation au cinéma reprend les mêmes ingrédients. Ainsi les mercenaires sont-ils apparemment porteurs de valeurs contraires à celles de l’honneur militaire construit dans le monde occidental depuis le Moyen Âge.

Le terme d’honneur est, par ailleurs, très largement absent de la sémantique des « chiens de guerre » de la guerre froide telle qu’on a pu l’appréhender à travers des entretiens et la lecture de mémoires personnels (publiés ou non). Or les « Affreux » ont souvent servi dans l’institution avant de devenir des soldats de fortune. Parmi les Français, l’un des plus célèbres, Roger Faulques (1924-2011), a combattu comme mercenaire au Katanga en 1961 et au Biafra en 1968, et a organisé l’équipe partie combattre au Yémen en 1963-1964. Auparavant, il s’était engagé dans les ffi en 1944 et illustré en Indochine au sein du 1er bep puis en Algérie au 1er rep. C’est au titre de cette carrière de légionnaire qu’en 2010, peu avant sa mort, il porte la main du capitaine Danjou lors de la commémoration de Camerone à Aubagne. Cet hommage d’une institution dont la devise est « honneur et fidélité » serait-il rendu à l’une des époques seulement de l’« homme aux cent vies », comme a souvent été surnommé Faulques ? Au prix de sa part d’ombre, celle du soldat de fortune ? Lui-même devenu mercenaire a-t-il pu renier les valeurs de son engagement dans la vie militaire ?

Cet exemple laisse penser que l’apparente antinomie entre mercenariat contemporain et honneur militaire doit être dépassée. Pour autant, le mercenaire demeure un marginal dans la société militaire française, sinon occidentale, depuis la Révolution française. C’est pourquoi on peut émettre l’hypothèse que sa situation particulière a fait naître chez lui un sentiment d’honneur spécifique, qu’un code de l’honneur particulier s’est forgé. Il répond aux mêmes difficultés de définition qu’au sein de l’institution, c’est-à-dire qu’il relève d’une logique collective de reconnaissance et, dans le même temps, d’émotions intimes. On pourra par ailleurs préciser qu’en fonction du contexte chronologique, géopolitique et culturel il peut être très différent.

Les analyses développées ici ne reposent que sur le groupe des mercenaires français au temps de la guerre froide1. Il s’agit de comprendre si on peut définir un honneur, y compris dans un parcours de mercenaire, de voir sur quelles valeurs il peut être identifié, et dans quelle mesure il constitue une tension entre marginalité et convergence par rapport à la société militaire traditionnelle, id est institutionnelle. Pour ce faire, nous examinerons en premier lieu les pratiques qui disqualifient le soldat de fortune au regard de l’honneur. Nous chercherons ensuite à définir un honneur spécifique comme socle des codes mercenaires avant de voir les points communs avec la conception de l’honneur dans l’armée.

  • Le déshonneur au sens de l’institution militaire

Dans le prolongement des mercenaires des temps médiévaux et modernes, on observe chez les « chiens de guerre » des comportements qui justifient leur disqualification au regard des militaires institutionnels. Ainsi, des formes de violence incontrôlées peuvent être imputées aux troupes qu’ils commandent. Entre 1961 et 1963, les sévices exercés sur les Casques bleus qui affrontent la gendarmerie katangaise encadrée par les « Affreux » donnent lieu à différents rapports de l’onu. Leurs auteurs laissent entendre l’inertie, voire la complicité tacite des cadres européens des Katangais : « Les membres de l’équipage italien ont été roués de coups, traînés jusqu’à des camions et emmenés à la prison de Kindu où ils ont immédiatement été abattus et coupés en morceaux par les soldats. Des morceaux de leurs corps ont été distribués parmi la foule ; […] certains morceaux ont été jetés vers des non-Congolais présents2. » Siegfried Müller, ancien soldat de la Wehrmacht, est également remarqué pour les violences qu’il exerce en pays Baluba. Il inspire d’ailleurs à Wilbur Smith le personnage d’Heinlein dans The Dark of the Sun, un nazi arborant une svastika sur son uniforme et dépourvu de toute forme d’éthique.

Le pillage des villes et villages désertés de leurs habitants est quasi systématiquement pratiqué. Il donne souvent lieu à de tels excès que certains mercenaires en sont frappés. L’un d’entre eux, Pierre Chassin, fils d’un général français et étudiant à Sciences-Po avant son départ, livre dans ses mémoires son dégoût devant ces scènes : « Avec les vapeurs de l’alcool, la hargne les submerge. Ils tirent des coups de pistolet les uns sur les autres, en se ratant heureusement, et menacent de s’éventrer. [Je suis] écœuré par ce gâchis3. »

Les trafics sont également un aspect déshonorant qui disqualifie les mercenaires. Lors d’une opération en 1976 sur le port de Benguela, l’un d’entre eux essaie de flouer les Angolais avec des faux diamants. Intrigués, ses compagnons observent « un de ses cailloux. On y lit très nettement le S du sécurit des pare-brise. […] Lulu est un de ces gars qui croient que tous les Africains vivent dans les arbres avec un os dans le nez »4. Aucun jugement moral n’est porté sur l’état d’esprit et l’activité du mercenaire. La seule logique qui conduit les autres membres de l’équipe à y mettre fin est résumée par la formule : « Il va nous faire buter.5 »

Deux éléments appellent cependant à nuancer quelque peu l’image de mercenaires dépourvus de toute éthique. En premier lieu, les pratiques déshonorantes ne sont pas le seul fait des « chiens de guerre » ou de leurs troupes. Les violences sur les ennemis relèvent de pratiques généralisées dans les conflits auxquels ils prennent part. Ainsi, au Congo, en 1967, « au moment de la révolte des volontaires, solidement battu, [l’un d’eux] a passé une nuit à creuser sa tombe, à poil entre les crocos du fleuve et les Blacks pleins de bière et de chanvre, ce qui l’a sauvé. Il s’est enfui au petit jour en tenue d’Adam, sans demander son reste »6. « Max » Vigoureux de Kermorvan se souvient qu’au Biafra également, « un mercenaire pris par les forces nigérianes a eu les bras et les jambes brisées puis qu’on l’a jeté à la rivière »7. Ces hommes sont ainsi pris dans un cycle de violences et contre-violences. Il n’en demeure pas moins qu’ils ne parviennent pas à en sortir. En second lieu, vient la question des trafics et des pillages. Là encore, il s’agit de pratiques communes sur les théâtres d’opérations où ils sont engagés. Au Congo-Léopoldville, l’anc y a recours ; toutefois, tel ne semble pas être le cas des Casques bleus.

La question de l’honneur des mercenaires est cependant prise en compte par les chefs des équipes déployées en Afrique. Bob Denard (1929-2007) tient ainsi à se distinguer des Belges ou des Sud-Africains également employés au Congo-Léopoldville par la mise en place d’un code déontologique. Après avoir fait le constat de « tous les petits trafics » alors qu’il commande le 6e bataillon commando étranger (bce), il s’estime « fier de pouvoir dire que la grande majorité de mes hommes partagent mes sentiments vis-à-vis du respect des engagements pris, vous avez pu vous rendre à mon état-major et avez pu constater que notre devise est “honneur et fidélité”. Je pense qu’elle a été respectée »8. La reprise de la devise de la Légion étrangère assimile la position du 6e bce au sein de l’anc à celle de la Légion dans l’armée française. Il s’agit de faire de l’honneur un sentiment distinctif pour ses hommes. L’élite de ce bataillon, le « 1er choc », se distingue particulièrement. Ainsi, Pierre Chassin, « écœuré » par les soirées alcoolisées de ces compagnons, le rejoindra. Avec la même volonté de faire de la 4e brigade l’unité d’élite de l’armée biafraise, Rolf Steiner, ancien légionnaire, en reprend également la devise9.

  • Honneur, rapport au chef et à la cohésion du groupe

Ainsi Bob Denard cherche-t-il à inculquer un sentiment d’honneur et des valeurs collectives codifiées aux mercenaires placés sous ses ordres au Congo-Léopoldville. Par définition, la fidélité évoquée dans la devise du 6e bce ne renvoie pas à l’attachement patriotique10. D’ailleurs, Bob Denard proclame bientôt qu’Orbs patria nostra pour ses « experts volontaires » et parle plutôt de fidélité aux « engagements pris »11. Ainsi, la volonté de construire une élite mercenaire, de dégager un code d’honneur de cette corporation informelle repose sur le respect des clauses du contrat avec l’employeur. Comme la dimension purement tactique et nationale du contrat s’entrecroise souvent avec des intérêts de guerre froide et l’action des services secrets, ce respect des engagements varie en fonction de la situation géopolitique. Ainsi, sur l’injonction des réseaux Foccart et du sdece, Bob Denard rejoint-il la révolte mercenaire initiée par Jean Schramme au Congo-Léopoldville contre leur employeur, le président Mobutu, en 1967.

Par ailleurs, contrairement aux armées, le devoir d’obéissance et de sacrifice personnel est quasi absent chez les mercenaires. Cette différence s’explique principalement par l’absence de légitimité de la chaîne hiérarchique au sein des équipes de « chiens de guerre ». D’une opération à l’autre, la répartition des grades varie et sa logique, sa légitimité ne s’imposent pas aux hommes. Plus fondamentalement, l’organisation verticale qui prévaut dans l’institution militaire est remplacée, malgré les grades affichés, par une conception globalement horizontale du groupe. La cohésion repose sur la solidarité d’égal à égal de ces « soldats libres »12.

Ceci a de nombreuses implications, y compris en phase de combat. La collégialité des décisions les plus importantes en est l’une des principales. Ainsi, peu respecté par son équipe déployée en Angola en 1976, André Cau explique dans un compte rendu adressé à Bob Denard comment la décision de repli a été adoptée face à l’incapacité de tenir tête aux troupes des marxistes du mpla pour le service de l’unita pro-occidentale : « Le vendredi 13 février, à 7 h, réunion de tous dans ma chambre. Devant la carte, j’explique d’une voix blanche ce que je sais de la situation et camouflant le ton, sollicite l’avis de chacun ; quelques grandes gueules veulent s’avancer, je leur coupe et donne la parole (quatre mots) à chacun dans l’ordre hiérarchique descendant. Tous les commandants sont pour la fuite vers le sud, la moitié des capitaines aussi mais un peu plus nuancés, un quart des lieutenants, aucun sous-lieutenant (mais un était absent, un peu choqué). » Malgré le semblant d’autorité qu’André Cau s’attribue, la « fuite » constitue la solution retenue à l’issue de la consultation. On notera au passage qu’elle n’a rien de déshonorant et qu’elle n’est pas camouflée sous des euphémismes (repli, retraite…).

En réalité, la volonté de Bob Denard d’imposer une éthique à ses hommes ne peut passer que par le recours à des figures individuelles respectées. Ancien commando Hubert passé par l’Indochine, Bosco explique qu’un adoubement par les hommes s’opère à partir de faits d’armes plus anciens : « En principe, tous les gars qui occupent des postes de commandement sont connus dans le métier et nous sommes quelques-uns qui digérons mal la présence de nouveaux venus. […] Les vieux soldats se connaissent tous et se faire commander par un inconnu est rarement admis13. » Lui-même impose son savoir-faire à une jeune génération d’officiers de réserve qui rejoint le mercenariat lors de la tentative de coup d’État au Bénin en 1977 : « Bosco était au milieu de la piste de l’aéroport avec un petit Noir et il envoyait sans arrêt des roquettes. Je dois dire que j’ai été très impressionné par son action ce jour-là », témoigne, par exemple, Vigoureux de Kermorvan14.

L’honneur est un sentiment interne à la société militaire. Occuper une place distinctive répond d’abord chez les mercenaires à la réputation acquise au combat. Toutefois, l’honneur est également une construction sociale, un discours vers le reste de la société. Ainsi, quand les mercenaires français s’installent aux Comores à partir de 1978 et mettent en place la garde présidentielle, Bob Denard crée un système d’autorégulation morale. Le « patron peut expulser, par conseil d’honneur interposé, tout élément dont le comportement n’est pas irréprochable », dit-il dans ses mémoires15. Une épuration des hommes qui ne savent pas respecter les règles à un moment où la situation des mercenaires n’est pas encore consolidée au sein de la classe politique et de la population comoriennes. Un ancien légionnaire est ainsi renvoyé pour avoir fait verser indûment de l’argent à un complice. Aux Comores, les règles qui régissent les mercenaires français se rapprochent de celles des institutions militaires. En effet, le rapport avec la société civile au sein de laquelle ils opèrent est plus fort et plus durable. Cela impose une éthique plus stricte.

  • Honneur, bravoure et gloire

Même si ce « conseil d’honneur » disparaît avec l’enracinement de la garde présidentielle, sa création pour épurer l’équipe du coup d’État de 1978 montre l’aboutissement de la volonté de Bob Denard depuis la période congolaise de voir ses mercenaires endosser les valeurs de l’institution militaire. Pour autant, la distinction au sein du groupe des « chiens de guerre » existe déjà. S’ils sont marginaux, les mercenaires demeurent des soldats. Aussi l’honneur au sein du groupe repose-t-il sur le courage au combat. Quand Bob Denard cherche à faire du 6e bce l’élite des « Affreux » qui servent au Congo-Léopoldville, le « 1er choc », par ses faits d’armes, permet à l’ensemble du 6e bce de jouir d’un prestige particulier. En 1965, face à la rébellion marxiste dans l’est du Congo, les opérations de libération d’otages européens civils permettent de corriger l’image des mercenaires et d’en faire des braves libérateurs. Par exemple, dans le récit de sa propre libération, le révérend père Joseph-Noël Sage écrit : « Je dois dire qu’ils ont fait mon admiration tant par leur courage que par leur humanité. Et, depuis mon retour en Europe, j’ai reçu maints témoignages de Congolais de leur action humanitaire. On a trop écrit sur les mercenaires et gendarmes katangais. […] Je ne peux m’empêcher d’apporter mon témoignage et de saluer leur héroïsme16. »

Le courage au feu des mercenaires engagés au Biafra contribue également à expliquer l’image plus glorieuse qu’est la leur dans les années 1960. Paris Match publie par exemple de nombreux articles au ton laudateur. S’ils ne sont pas des soldats réguliers, ils savent qu’ils risquent leur vie. D’ailleurs, quand l’un d’eux s’insurge de l’image négative que l’opinion a encore d’eux, il observe : « Mercenaire ? Oui, sans doute. Mais ne sont-ils pas aussi des mercenaires ceux qui gagnent difficilement leur vie en offrant leur boulot à des gens qu’ils méprisent ? […] Nous, au moins, conclut le pilote, on met notre peau et dans le boulot l’accident de travail n’est pas garanti par la sécurité sociale17. »

Le courage permet de distinguer certains mercenaires mais aussi, plus prosaïquement, de leur permettre de faire accepter leur autorité. D’ailleurs, l’émergence de Bob Denard parmi les nombreux officiers mercenaires au Congo-Léopoldville entre 1960 et 1967 s’explique, en large partie, par sa bravoure personnelle et son charisme. Ses états de service mentionnent plusieurs coups d’éclat à la tête du 1er choc en 1965-196618. Son sang-froid impose également son autorité. Henri Clément témoigne de celle-ci, assise sur la seule maîtrise de la peur. Il raconte comment Denard, face à deux mercenaires ramenant un de leurs camarades tué dans une rixe dans un bar et désireux de se venger, parlemente pour les retenir, puis sort sereinement son pistolet de l’étui, demande à l’un de ses interlocuteurs, armé, de s’arrêter et lui tire une balle entre les jambes pour le rappeler à l’ordre. L’autre finit par se calmer et par déposer son fusil-mitrailleur19.

Ce lien entre courage individuel et autorité est également pertinent pour les combattants africains qu’ils encadrent. Ainsi, prise par le célèbre photoreporter Gilles Caron, la photo de la dépouille de Marc Goossens portée dans un fleuve par ses soldats Ibos de la 4e brigade commando biafraise a été largement diffusée en France et en Belgique20. Elle symbolise le respect des hommes pour les risques pris par les mercenaires et le sacrifice personnel de certains d’entre eux dans des combats perdus d’avance comme celui du Biafra en novembre 1968. Les journalistes qui couvrent ce conflit participent à cette glorification des mercenaires français. En immortalisant leur bravoure au combat, ils leur offrent une reconnaissance sociale qui s’assimile aux honneurs militaires pour les hommes morts au « champ d’honneur ». Plus tard, au Tchad, dont la réputation des soldats n’est plus à faire, l’un des membres de l’équipe dépêchée par Bob Denard, Jean-Baptiste Pouye, s’illustre aux côtés des fan lors de la prise d’Abéché en septembre 1981 ; naît ainsi la « légende de [sa] baraka depuis la prise de la ville où les Goranes l’ont vu traverser les balles. […] Les combattants Goranes, qui ne sont pas des pleutres, sont sidérés par le courage de ce blond »21.

Les faits d’armes de certains mercenaires leur ouvrent la voie au respect de l’ensemble de la société militaire, y compris les soldats de l’institution. Ainsi, l’honneur de ces « chiens de guerre » est-il parfois reconnu par-delà la frontière entre armée et combattants non conventionnels. D’ailleurs, les sites de sociabilité militaire (parachutistes, légionnaires…) rendent hommage aux actes de courage d’anciens, comme Roger Faulques, même s’ils ont surtout connu la renommée comme mercenaires, à l’instar de Tony de Saint-Paul et Bob Denard22.

Pour conclure, les mercenaires offrent donc un rapport complexe à l’honneur. S’ils méprisent les contraintes éthiques nées de la codification au sein de l’institution et s’autorisent des pratiques considérées comme déshonorantes (pillage, violence…), les « soldats libres » rejettent surtout le sacrifice personnel ou d’un groupe primaire de combattants sur ordre. En réalité, la construction d’une figure d’honneur est affranchie de l’organisation verticale qui caractérise habituellement un groupe guerrier ; elle l’est également vis-à-vis du devoir de défense d’un territoire (patrie). Sa reconnaissance ne passe que par la valeur individuelle au combat, par le sang-froid face au danger et par la bravoure. Celle-ci permet une forme implicite d’acceptation de l’autorité par les subordonnés au combat. Ce fonctionnement spécifique constitue toutefois un point commun avec l’institution militaire. En effet, chez les soldats réguliers comme chez leurs homologues de fortune, le courage personnel reste le socle d’un sentiment partagé de l’honneur. À ce titre, les hommages rendus aux « grands aînés » et aux morts au « champ d’honneur », par leurs similitudes, traduisent cette unanimité à considérer le courage individuel comme la qualité première. Les dernières lignes des mémoires de Bob Denard, écrits avec le journaliste Pierre Lunel, sont consacrées au lien entre courage, volonté de peser sur la destinée collective et honneur : « L’homme ne vaut que par ce qu’il fait ou ce qu’il crée. Faut-il être lâche pour avoir le droit de survivre dans notre monde ? Je ne le crois pas. Il existe heureusement un bien supérieur, à l’abri du temps et de la corruption, l’honneur23. »

1 Walter Bruyère-Ostells, Dans l’ombre de Bob Denard : les mercenaires français de 1960 à 1989, Paris, Nouveau Monde éditions, à paraître en octobre 2014.

2 Rapport du fonctionnaire chargé de l’opération des Nations Unies au Congo, 15 novembre 1961, document onu S/4940/add.13, cadn, ambassade de Kinshasa, 77.

3 Pierre Chassin, Baroud pour une autre vie, Paris, Jean Picollec, 2000.

4 Michel Loiseau, Mémoires inédits de Bosco, manuscrit non publié.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Entretien à Aix-en-Provence avec « Max » Vigoureux de Kermorvan le 20 octobre 2012.

8 Discours du lieutenant-colonel Denard à ses hommes, Rapport de la réunion des volontaires du 6e bce présents à Kinshasa le 5 septembre 1966, archives privées Denard, carton 68.

9 Captain Armand, Biafra vaincra, Paris, France-Empire, 1969.

10 Encore que la très grande majorité des mercenaires français interrogés ou ayant rédigé des mémoires exprime la volonté de ne pas nuire aux intérêts français.

11 « Le monde est notre patrie. » Cette devise va suivre les différentes générations qui servent sous les ordres de Bob Denard et est aujourd’hui l’appellation de l’association des anciens compagnons d’armes du chef mercenaire.

12 François-Xavier Sidos, Les Soldats libres, Paris, L’Aencre, 2002.

13 Ibid.

14 Témoignage de « Max » Vigoureux de Kermorvan lors de notre entretien le 20 octobre 2012 à Aix-en-Provence. Lenormand confirme son travail à l’aéroport (entretien le 2 avril 2013 à Montpellier).

15 Pierre Lunel, Bob Denard. Le Roi de fortune, Paris, Edition n°1, 2001, p. 542.

16 « Mercenaires et volontaires », Le Petit Crapouillot, janvier-février 1994, p. 23.

17 Captain Armand, op. cit., p. 19.

18 États de service établis quand Bob Denard est élevé au grade de lieutenant-colonel de l’anc le 1er mai 1966, archives privées Bob Denard, carton 51.

19 Entretien avec Henri Clément le 25 janvier 2014 à Paris.

20 Ce cliché figure parmi ceux retenus pour une exposition consacrée à Gilles Caron à la galerie Marlat (galerie-marlat.fr/gilles-caron-icones-2/ ?start=20).

21 Hugues de Tressac, Tu resteras ma fille, le nouveau combat d’un soldat de fortune, Paris, Plon, 1992.

23 Pierre Lunel, Bob Denard, le roi de fortune, op. cit., p. 650.

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