N°50 | Entre virtuel et réel

Noëlline Castagnez
Quand les socialistes français se souviennent de leurs guerres
Mémoire et identité (1944-1995)
Noëlline Castagnez, Quand les socialistes français se souviennent de leurs guerres, Presses universitaires de Rennes

Voici un ouvrage tout à fait original et novateur, qui plonge le lecteur au cœur de l’histoire militaire de la seconde moitié du xxsiècle et dans la mémoire que les socialistes français ont voulu mettre en avant et conserver. Noëlline Castagnez prend en compte toutes les guerres, mondiales, étrangères, civiles, et les replace dans leur contexte politique, entre deux mémoires reconstruites extrêmement fortes, celle du parti communiste, le « parti des soixante-quinze mille fusillés », et la mémoire gaulliste, de la France libre et de la grandeur retrouvée. De l’Union sacrée, acceptée en 1914 puis mise à mal dès 1915 pour renouer avec les manœuvres de couloir, à l’attitude « attentiste » de juin 1940, au vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, et à l’attitude pour le moins « évolutive » lors des guerres d’Indochine et surtout d’Algérie, le xxsiècle a mis à mal non seulement la cohésion du parti, mais aussi son approche officielle des guerres de la France. Il faut que François Mitterrand prenne le contrôle de la vieille sfio et en fasse le parti socialiste pour que la réécriture soit menée tambour battant par celui qui fut le récipiendaire de la Francisque. Le dernier chapitre est ainsi titré « La mémoire au service du pouvoir mitterrandien », avec l’action en interne, au sein du parti, et à l’extérieur, face aux communistes et à la droite. La guerre d’Algérie reste cependant une blessure particulière, très marquée entre la jeune génération du ps et le président (ancien ministre de l’Intérieur puis de la Justice au début du conflit), qui ne refuse pas le soutien d’anciens de l’Algérie française et privilégie le « résistancialisme » des Résistants de l’intérieur au rôle des Français libres à l’extérieur. Il n’y a donc pas véritablement de « mémoire partagée » au sein du parti, même si une doxa minimaliste s’impose : « Chez les socialistes, le passé est certes souvent reconstruit, voire manipulé en fonction des enjeux politiques du présent, mais il s’impose parfois de manière irrépressible et balaye alors toute considération partisane. »  Un volume excellent.

PTE

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