N°20 | L’armée dans l’espace public

André Thiéblemont

Imaginaires du militaire chez les Français

Courteline, Bigeard, les soldats de la paix, la caserne, la guerre d’Algérie et la torture, le défilé du 14 juillet… Autant de termes et d’expressions qui, selon leur âge, leur éducation, leur expérience de vie, évoquent ou non chez les Français des images de militaires, des stéréotypes, des visions mythiques…

Il s’agit là de représentations plus ou moins prégnantes, plus ou moins actives, qui structurent un certain imaginaire du militaire chez nos concitoyens. Ici, notamment parmi les nouvelles générations, cet imaginaire peut être sans grande consistance. Ailleurs, parmi les générations nées avant le demi-siècle, il peut être très structuré et très réactif. Dans tous les cas, il constitue un soubassement psychique dont l’activité et la nature auront tendance à orienter des états mentaux, des attitudes et des opinions lors d’une actualité touchant au militaire, quitte à renforcer les contenus de ce soubassement ou à les modifier.

La publication récente d’une enquête sur les jeunes et l’armée1 commanditée par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (irsem) et menée par le Centre d’études de la vie politique française (cevipof), et celle, pratiquement simultanée, d’un ouvrage ayant reçu le prix Goncourt, L’Art français de la guerre2, me donnent l’opportunité d’explorer deux imaginaires du militaire, radicalement opposés, qui coexistent dans l’espace public national.

  • Aux sources d’attitudes favorables à l’armée française : 
    le militaire victime, généreux et pacificateur

L’armée française devenue invisible dans le paysage national bénéficie des faveurs de l’opinion. Elle est reconnue sans pour autant qu’elle soit aperçue ! C’est le paradoxe d’« une reconnaissance sans reconnaissance », comme le remarque très justement Pierre Hervé dans ce même numéro d’Inflexions, mettant par ailleurs l’accent sur la fragilité d’un tel état de l’opinion.

La récente étude sur les jeunes et l’armée menée par le cevipof confirme le constat. D’une part, elle indique combien l’intérêt pour les questions militaires est peu répandu parmi la population de jeunes Français interrogés, de sorte que « les fonctions et les activités de l’armée » sont mal connues3. D’autre part, elle met en évidence la forte confiance et la bonne image que la grande majorité d’entre eux investit dans l’armée française ou lui prête.

Les chercheurs du cevipof rapportent ces dispositions favorables au militaire, ainsi que la régression de l’antimilitarisme qui en découle, à la suspension du service national. Rien ne permet d’avancer une telle assertion. Ces postures favorables à l’institution militaire seraient plutôt liées à l’émergence depuis quelques décennies d’un nouvel imaginaire du soldat français.

  • Antimilitarisme et suspension du service national

En effet, la suspension du service national s’est plutôt accompagnée d’une augmentation d’un antimilitarisme, sans doute due à la dangerosité qui était prêtée à une armée de métier dans certains secteurs de l’opinion. C’est du moins ce que montrait l’observation comparée des baromètres annuels de la Délégation à l'information et à la communication de la Défense (dicod) réalisés après la suspension du service national, entre 1997 à 2001. Les déclarations d’un antimilitarisme plus ou moins prononcé augmentèrent (7 à 10 %), alors que le nombre de personnes se déclarant « pas du tout antimilitaristes » régressait (13 à 14 %)4.

En réalité, on ignore quels furent vraiment les effets du service national sur l’attitude des jeunes vis-à-vis de l’armée, tant les études furent inexistantes dans ce domaine. Tout au plus a-t-on pu observer au milieu des années 1980 que l’antimilitarisme était moins répandu chez ceux qui avaient fait leur service (30 %) que chez ceux qui y avaient échappé (51 %). C’était chez les jeunes de dix-huit/vingt-quatre ans que l’écart était le plus important (53 % et 69 %)5. Sans doute était-il normal que l’antimilitarisme soit plus fréquent chez ceux qui esquivaient ou avaient esquivé le service national. Mais on ne peut pas non plus exclure que la découverte de la vie militaire, non pas dans un bureau, mais dans un régiment des forces bien encadré et très actif, ait pu modifier des attitudes initialement hostiles au militaire.

En l’état de nos connaissances, il est donc peu fondé d’interpréter des dispositions favorables à l’armée comme une résultante mécanique de la suspension du service national. On aurait plutôt affaire aux effets induits par un imaginaire du soldat français radicalement nouveau, lequel s’est peu à peu sédimenté, notamment parmi les nouvelles générations, par accumulation d’images et d’échos (même lointains) produits depuis plusieurs décennies par les engagements des armées.

  • Le soldat français : un saint Martin moderne !

Au début des années 1980, une recherche menée par Bernard Paqueteau montra notamment comment la « stratégie d’information » du Service d’information des armées (sirpa) tenta de substituer à l’« image du baroudeur » celle d’un « technicien spécialisé, technicien de la défense, technicien de la paix ». L’armée, observait-il, « en abandonnant toute référence historique, en se dépouillant de son légendaire, entend estomper des traits jugés surannés et se débarrasser des ombres qui l’ont ternie »6.

Au cours des décennies qui suivirent, cette stratégie fut de fait relayée par une actualité militaire, qui, là-bas au Proche-Orient, en Afrique ou dans les Balkans, donnait à voir des combattants plongés dans la guerre mais interdits de la faire, interposés pacifiquement entre des violences adverses, protégeant des populations ou leur portant secours. Les effets sur l’opinion des Français furent notables. Dès le début des années 1990, maints indices indiquèrent que les jeunes pour lesquels l’humanitaire constituait à l’époque la « référence principale », mais aussi les couches sociales les plus instruites étaient particulièrement sensibles au concept de « soldat de la paix »7.

De 1990 à 1995, dans le contexte de l’engagement en ex-Yougoslavie ou au Rwanda, les expressions de sentiments de sympathie qu’inspirait l’armée française augmentèrent de 10 % dans la population française (71 à 81 %).

C’est parmi les générations nées durant ou après la guerre d’Algérie, élevées dans le déni de la violence, ou parmi les couches les plus cultivées, que l’expression de ces sentiments progressa le plus significativement8. Quoique moins prononcé, un constat semblable pouvait aussi s’observer au début des années 1980, alors que l’armée française était engagée au Liban et au Tchad9.

Ces observations sont à rapprocher de certains indices que livre l’étude du cevipof. Quand on demande aux jeunes interrogés « quels sont les trois premiers mots qui vous viennent à l’esprit lorsque vous pensez à l’armée ? », c’est le mot « guerre » qui recueille le plus de citations (60 %), devant « discipline » (45 %) et « défense » (39 %). En revanche, en réponse à la question « À quoi sert l’armée ? » (trois réponses possibles), ils ne sont que 6 % à répondre en premier « faire la guerre », contre 53 % mentionnant en premier « défendre » et 15 % « protéger »10. Par ailleurs, les auteurs de cette étude constatent que « pour une large majorité des jeunes interrogés, ce sont les missions les moins militaires qui sont les plus légitimes »11.

Ce sont bien ces images et ces échos, même fugaces, du soldat français opérant dans Beyrouth et Sarajevo, au Rwanda ou en Côte d’Ivoire, subissant la violence sans lui-même faire violence, qui représentent aujourd’hui le militaire aux yeux de certains publics et lui valent des opinions flatteuses. Ces images et échos sédimentés ont progressivement structuré un imaginaire du militaire radicalement nouveau. Casqué et carapacé, paré des atours de la haute technologie, le combattant français y fait figure d’un saint Martin moderne, voué à s’interposer entre des factions adverses, à protéger des populations et à se porter au secours de leur détresse : comme en rend compte l’étude du cevipof, il « défend avant que d’attaquer, protège avant que de conquérir »12. Aujourd’hui, cet imaginaire s’actualise aux échos de combattants subissant en Afghanistan les feux des insurgés ou à l’écoute plus ou moins distraite des nouvelles de 20 heures, qui égrènent au goutte à goutte la mort du soldat, sans qu’aucun récit ne narre ou ne donne à voir ses combats autres que défensifs et sacrificiels.

Vaguement aperçue à l’horizon d’un paysage national tourmenté, l’institution militaire émerge comme un môle de stabilité résistant aux menaces du temps présent. Elle rassure des Français en quête d’autorité et de sens, d’autant que les images qu’elle renvoie de son action sont conformes aux tropismes majeurs d’une société pacifiée, se mobilisant à l’émotion, récusant la violence et cultivant la victime plutôt que le héros. C’est, semble-t-il, de cet imaginaire nouveau qu’aujourd’hui l’armée française tire principalement ses ressources d’images et de confiance.

  • Résurgence d’un imaginaire du militaire oppresseur

À l’opposé de ces représentations colorant le brave soldat de bien des vertus, voici l’imaginaire du sale guerrier incarné par le parachutiste au faciès de loup qui naguère nourrit l’antimilitarisme de milieux intellectuels contestant les engagements de l’armée française contre le colonisé.

  • L’Art français de la guerre : une rêverie sanglante !

Les images de la force militaire brutale terrorisant et torturant l’indigène survivaient à l’état de braises, périodiquement ranimées par des polémiques sur la torture ou par une gestion mémorielle du passé réclamant la repentance du colonisateur. Et voilà que de ces braises, le souffle d’une belle écriture fait jaillir une flamme sanglante recouvrant de ses feux et de ses fumées l’histoire des guerres d’Indochine et d’Algérie.

Dans L’Art français de la guerre, Alexis Jenni, né au début des années 1960, revisite l’épopée de ces centurions de la République que popularisèrent naguère nombre d’auteurs. Il en recueille des fragments, les manipule, les bricole, les travaille aux fers de son imagination pour en faire une rêverie sanglante. Le récit joue de l’étrange complicité qui se noue entre le personnage principal, le narrateur, un chômeur de quarante ans qui « va mal », et un ex-capitaine parachutiste, Victor Salagnon. L’ancien a fait la « guerre de vingt ans », de 1942 à la disparition des départements français d’Algérie. Il confie au personnage principal ses carnets de route. Celui-ci, s’interrogeant sur ces autres Français qui ont pérégriné en Indochine et mis en œuvre cette « machine de mort que fut la bataille d’Alger », sera son narrateur.

Voilà donc raconté le passé du soldat perdu au travers de ses propres notes ; voilà aussi restituées ses réflexions sur ce passé et sur le présent au gré d’échanges entre ces deux protagonistes. En quelque sorte, l’artifice littéraire offre au lecteur les mémoires d’un ex-capitaine parachutiste ainsi que le regard qu’il porte sur ce qu’il a été comme sur le présent ! Le propos trouve là toute sa force : un accent de vérité !

« “Nous étions la réserve générale. […] Nous sautions au signal, sur l’ennemi qui est en bas, nous sautions sur son dos, lèvres retroussées, dents ruisselantes, griffes tendues, les yeux rouges. […] Nous sautions sur le dos de l’ennemi pour sauver l’ami pris au piège. […] Les risques que nous prenions purifiaient tout. […] Nous étions des machines magnifiques, félins et manœuvriers. […] Nous mourions facilement. Ainsi nous restions propres, nous les belles machines de l’armée française.” Il se tut. “Tu vois, reprit-il [Salagnon], il y a chez les fascistes, en plus de la simple brutalité qui est à la portée de tous, une sorte de romantisme mortuaire qui leur fait dire adieu à toute vie, […] une joie sombre qui leur fait par exaltation mépriser la vie, la leur comme celle des autres.” »

En embuscade, le stéréotype a ressurgi : les parachutistes assimilés aux fascistes, vivant « une utopie de garçons, épaule contre épaule », une « camaraderie sanglante » qui « nous paraissait tout résoudre »13 !

  • Le parachutiste, incarnation de la « pourriture coloniale »

La guerre comme un festin de sang ! Le sang constitue le premier volet d’un triptyque structurant cet imaginaire. « Oui ! Ce fut bien un problème, le sang. […] Quand je prenais une douche, l’eau était marron, puis rouge. Une eau sale et sanglante coulait de moi. Puis c’était de l’eau claire. J’étais propre14. » Pour être couvert de sang, il ne faut pas seulement tuer par le feu ! Il faut tuer au corps à corps, au couteau, un thème évoqué à plusieurs reprises : « On mourait beaucoup aux abords de ce village, les défenses se remplissaient de corps abîmés, découpés, brûlés. […] Des hommes se retrouvaient face à face, s’attrapaient par la chemise et s’ouvraient le ventre au couteau15. » Dans l’intérieur de Salagnon, sur une table basse, un objet pesant, « ramassé et métallique » : « C’est un couteau à énuquer, pour tuer quelqu’un en silence, en lui enfonçant la pointe dans le petit creux de la nuque. […] Ce couteau a été conçu dans ce but. […] On se tuait au couteau, en s’éclaboussant du sang des autres, on s’essuyait machinalement16. »

Le deuxième volet de ce triptyque, c’est l’incendie. « Mais la machine avait un mode d’emploi clair : incendier. Et ici [en Indochine], il n’était à incendier que les villages et leurs maisons de paille et de bois, avec tout ce qu’il y avait dedans. L’outil même empêchait que cela tourne autrement. La maison brûla et tous ceux qui étaient dedans. […] Ces gens-là crient toujours avec leur langue qui n’est que cris, […] ils criaient et le ronflement de l’incendie recouvrit leurs cris, et quand le feu se calma […], il n’y avait qu’un grand silence, des craquements, des braises et une odeur répugnante de graisse brûlée, de viande carbonisée17. »

Et bien sûr, voici la torture : « Des bombes explosaient. […] On ne savait que faire, on les avait appelés pour ça. Eux, ils sauraient, les loups maigres revenus d’Indochine. […] Les parachutistes étaient là pour savoir, ils s’y employaient. Ils interrogeaient sans relâche. Dans la jungle du corps, ils traquaient, […] cherchaient l’ennemi. Quand il résistait, ils le détruisaient. Une partie de ceux par qui on avait appris quelque chose, on ne les revoyait plus. […] Quand l’exaltation retombait autour du type recouvert de sang, de bave et de vomissures, dans le silence éploré qui succède aux plus grandes tensions, ils voyaient bien ce qui était devant eux : un corps excrémentiel dont l’odeur les envahissait. […] Salagnon conduisit un camion bâché plein de ceux qu’on ne rendrait pas. Il conduisit de nuit jusqu’au-delà de Zeralda. Il arrêta le camion près d’une fosse éclairée de projecteurs. Les chiens de Mariani étaient là. Ils descendirent le chargement, […] des coups de feu et après, le bruit mou de la chute de quelque chose de mou sur du mou18. »

Puissance évocatrice du verbe ! Alexis Jenni torture mots et expressions, en détourne le sens pour asseoir sa démonstration. Ainsi de cette « division de parachutistes coloniaux » pénétrant « au pas » dans Alger ! Chez l’auteur, tous les parachutistes sont « coloniaux »19 ! Le qualificatif est connoté. Il s’accorde à la notion de « pourriture coloniale », qui revient en leitmotiv tout au long de l’ouvrage pour en constituer l’argument principal : une pourriture qui nous « infecte », nous « ronge », « revient à la surface », une pourriture qui a gangréné et continue de gangréner le pays20.

Et l’auteur de suggérer par de multiples touches qu’aujourd’hui l’oppression du colonisé se perpétue sur le territoire national. À l’un des anciens « camarades de sang » de Victor Salagnon qui joue aujourd’hui au matamore de banlieue, Alexis Jenni fait dire : « Ces lieux où la police ne va plus, nous allons les reconquérir et les pacifier. Comme là-bas, nous avons la force. » Et le narrateur d’enchaîner : « L’histoire qui s’était arrêtée redémarrait à l’endroit où nous l’avions laissée. Les fantômes nous inspiraient : les problèmes, nous essayions de les confondre avec ceux d’avant, et de les résoudre comme nous avions échoué à résoudre ceux d’avant21. » La « pourriture coloniale », aujourd’hui comme hier, c’est cela, ses délits de faciès qui séparent des Nous Français, et son usage de la force sans discernement : « L’art français de la guerre. »

Le parachutiste en est l’incarnation, tout à la fois producteur et victime de cette pourriture : victime, car l’habilité de l’auteur est de faire du personnage de Victor Salagnon un vieux soldat repenti, rongé lui-même par son passé pourri, par le sentiment d’avoir « manqué à l’humanité », d’avoir séparé les êtres, d’avoir « créé un monde où selon la forme du visage, selon la façon de prononcer le nom, selon la manière de moduler une langue qui nous était commune, on était sujet ou citoyen »22.

  • Un imaginaire consacré par le prix Goncourt

Voici donc l’idéal type de cet imaginaire du militaire hérité des luttes coloniales, tel qu’il se structura à partir des années 1950 parmi ce qu’il faut bien nommer l’intelligence de gauche. Ce qu’il faut souligner à l’encre rouge, c’est sa persistance, sa résurgence brutale dans cette rêverie sanglante d’un jeune auteur couronnée par les membres de l’académie Goncourt. Quelles que soient ses motivations (littéraires, idéologiques, commerciales...), cette élite intellectuelle offre une consécration nationale à une vision systématiquement criminelle de notre passé militaire récent. Et comment ne pas insister encore sur une critique quasi unanime pour encenser l’ouvrage, célébrant notamment une œuvre qui chante « le requiem d’une nation engluée dans ses prétentions coloniales et qui a fait grandir ses enfants dans le silence de l’oubli »23. « Ce n’est ni une célébration ni un dénigrement : c’est un déploiement de tout ce qu’il y a de caché dans l’histoire française », s’exclame Régis Debray à la sortie de la remise du prix24.

Quelles ignominies, quels charniers auraient donc été ainsi masqués aux yeux des Français ? Voilà un demi-siècle que je vis et que j’observe une société française et son armée entretenues dans la culpabilité d’avoir torturé l’indigène ! De la fin des années 1960 aux premières années 2000, la question de la torture, celle des exactions de l’armée française revinrent périodiquement dans l’actualité. Il ne s’agit pas ici de dénier des faits attestés, mais l’« art français de la guerre » eut d’autres visages que cette « pourriture coloniale » sur laquelle joue l’auteur. Aucun pays, aucune civilisation n’existe sans avoir versé cruellement le sang de l’autre. Que cet ouvrage ait reçu le prix Goncourt est exemplaire de cette « mésestime de soi » qui travaille nos élites intellectuelles et que dénonce Jean-Pierre Le Goff dans son dernier essai, La Gauche à l’épreuve : un « angélisme historique » qui refuse le tragique et débouche sur une incapacité à « assumer sa propre histoire »25.

Ces deux imaginaires du militaire que je viens d’évoquer sont bien présents à des degrés différents dans l’espace public national. Ils coexistent. Grâce à la nature des engagements présents de l’armée française, le premier domine le second pour induire une opinion favorable au militaire. Mais gardons-nous de cette « reconnaissance de l’armée » sans connaissance de la chose militaire ! Que demain nos soldats soient engagés dans un combat dont la légitimité apparaîtra fragile à des faiseurs d’opinion et que ce combat les conduisent à devoir faire la guerre plutôt qu’à la subir, alors l’ignorance des réalités guerrières dans laquelle sont tenus les Français risque de laisser libre cours à ces représentations de la violence militaire dont Alexis Jenni a su si bien jouer.

1 Ronald Hatto, Anne Muxel, Odette Tomescu, « Enquête sur les jeunes et l’armée : image, intérêts, attentes », Étude de l’irsem n° 10, en ligne sur www.irsem.defense.gouv.fr

2 Alexis Jenni, L’Art français de la guerre, Paris, Gallimard, 2011.

3 Ronald Hatto et alii, op. cit., pp. 122-123.

4 Dix ans de sondage, Les Français et la Défense, ministère de la Défense, novembre 2002, p. 68.

5 Cf. Lieutenant-colonel Lebourg, « Rumeurs et réalités. Le service militaire à travers les sondages », tam, mars 1986, cité par André Thiéblemont, « Les Français et le service national (1970-1996) », Les Documents du Centre d’études en sciences sociales de la Défense, 1997.

6 B. Paqueteau, « La grande muette au petit écran : 1962-1981 », in HJP Thomas (dir.), Officiers/sous-officiers, la dialectique des légitimités, Paris, Addim, 1994, pp. 83-84.

7 Cf. S. Cohen, N. La Balme, P Bruneteaux, « Ni bellicistes ni pacifistes : les Français et l’intervention militaire extérieure », in S. Cohen (dir.), L’Opinion, l’Humanitaire et la Guerre, une perspective comparative, Fondation pour les études de défense, « Perspectives stratégiques », La Documentation française, pp. 22-23.

8 Sur la période, l’expression de ces sentiments de sympathie progressait de 50 à 65 % chez les dix-huit/vingt-quatre ans, de 57 à 79 % chez les vingt-cinq/trente-quatre ans ou de 53 à 67 % chez ceux qui détenaient au moins le baccalauréat : Cf. André Thiéblemont avec la collaboration de Natacha Djani, « L’opinion publique et les interventions militaires extérieures à travers les sondages d’opinion (1980-1995) », in S. Cohen, André Thiéblemont (dir.), L’Opinion publique et les interventions militaires extérieures, Fondation pour les études de défense, octobre 1995, p. 56.

9 André Thiéblemont, « L’opinion sur l’armée et la défense », Armées d’aujourd’hui n° 87, 1984.

10 Ronald Hatto et alii, op. cit., pp. 148 et 150.

11 Ibidem, p. 67.

12 Ibidem, p. 37.

13 Alexis Jenni, op. cit., pp. 451-452.

14 Ibidem, p. 455.

15 Ibidem, p. 429.

16 Ibidem, p. 596.

17 Ibidem, p. 454.

18 Ibidem, pp. 503 à 515.

19 Deux divisions parachutistes opéraient durant la guerre d’Algérie, la 10e et la 25e dp. Outre des formations de cavalerie, de génie et d’artillerie aéroportés, ces deux divisions regroupaient principalement quatre régiments de chasseurs parachutistes métropolitains (1er, 9e, 14e et 18e rcp), deux régiments de Légion (1er et 2e rep) et quatre régiments de parachutistes coloniaux (2e, 3e, 6 e, 8 e rpc). La 10e dp, qui fut engagée dans la bataille d’Alger, était constituée du 1er rep, du 1er rpc et de deux régiments de parachutistes coloniaux, les 2e et 3e rpc.

20 Alexis Jenni, op. cit., p. 191.

21 Ibidem, p. 475.

22 Ibidem, p. 599.

23 Marc Lambron, « La France a trouvé son Jenni », site Le point.fr du 18 août 2011, www.lepoint.fr/livres/la-france-a-trouve-son-jenni-18-08-2011

24 Cf. David Caviglioli, « Pourquoi les Goncourt ont couronné Alexis Jenni », Le Nouvel Observateur, 2 novembre 2011, http://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire-2011

25 Cf. Jean-Pierre Le Goff, La Gauche à l’épreuve, 1968-2011, Paris, Perrin, 2011, pp. 265-269.

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