N°27 | L'honneur

André Thiéblemont

Guerre d’Algérie : l’honneur au risque du désaveu et du déshonneur

Le présent relativement paisible de notre pays se prête aux honneurs. Ils récompensent le vieux et fidèle serviteur, le mérite, la compétence et la performance, plus rarement le courage, la conviction ou la dignité. Il faut du tragique pour que se distinguent des hommes possédant ces vertus. Les tragédies de la fin de la guerre d’Algérie, contraignant certains à des choix parfois déchirants, firent ainsi surgir du commun des hommes d’honneur, de parole, de conviction et de fidélité. Selon ces choix et la tournure des événements, les uns furent légitimement gratifiés d’honneurs. D’autres vécurent le désaveu, l’incompréhension, la condamnation et la souillure. Paul Delouvrier, le commandant Georges Robin et les insurgés d’avril 1961 furent de ceux-là.

Au début de l’année 1960, Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie, se sent seul. Nommé en 1958, il a déjà accompli une œuvre réformatrice considérable, administrative, économique et sociale, dans le cadre du Plan de Constantine lancé en 19581. Le 16 septembre 1959, le général de Gaulle a prononcé le fameux discours sur l’autodétermination des populations algériennes2. À Alger, en réaction, Jo Ortiz a fondé le Front national français (fnf) et mobilisé derrière lui les Algérois les plus actifs pour la défense de l’Algérie française3. Il entend créer une situation contraignant l’armée à prendre parti et à faire revenir Paris sur l’autodétermination. Les unités territoriales (ut)4 d’Alger sont devenues une milice à son service. Il a l’écoute d’officiers en poste à Alger5 : ceux-ci, rêvant d’une fraternisation entre pieds-noirs et musulmans, pactisent avec lui, croyant ainsi le maîtriser. Chacun pense contrôler l’autre.

  • Fusillade au bas du plateau des Glières

Le climat d’Alger est devenu explosif. Paul Delouvrier en a conscience. Il a confiance dans le général Challe, qui, à ses côtés, commande les Forces françaises en Algérie. Mais il se méfie de son entourage. Il sait par ailleurs le général Massu prisonnier de ses colonels. Il a demandé la mutation d’officiers supérieurs compromis avec les mouvements activistes. Peine perdue ! Paris n’entend pas ses inquiétudes et le général de Gaulle n’imagine pas que des militaires puissent se rebeller.

Le 16 janvier, Massu accepte un entretien avec un journaliste de la Süddeutsche Zeitung : il y met en question la politique de De Gaulle. L’entretien est publié le 18 janvier. Massu est rappelé à Paris. Il ne reviendra pas à Alger. La machine infernale est lancée ! Le 22 janvier, à l’Élysée, Delouvrier et Challe exposent la situation à Alger, l’ordre qui ne pourra y être maintenu si Massu n’y revient pas pour calmer les activistes6. Sans succès. Ils quittent le Palais désespérés : ils sont sûrs du clash. À Alger, Jo Ortiz exploite la nouvelle du départ de Massu : il appelle à une manifestation le dimanche 24 janvier. Celle-ci est interdite. Les rues accédant au « plateau des Glières » et au Forum7 sont barrées par trois régiments de la 10e division parachutiste (dp)8 chers au cœur des Algérois. Ils sont vite débordés par des cortèges qui les engluent dans leurs embrassades : « L’armée avec nous ! » À quinze heures, sur le plateau des Glières, la foule ne cesse de grossir, conspuant le général de Gaulle. Des barricades élevées au bas du plateau sont tenues par des sections d’ut armées de fusils mitrailleurs. De son côté, à quelques centaines de mètres, Pierre Lagaillarde9, poursuivant les mêmes objectifs que Jo Ortiz, s’est retranché avec une poignée de compagnons dans l’enceinte des facultés. Delouvrier et Challe décident la dispersion de la manifestation. À dix-huit heures, les gendarmes du colonel Debrosse descendent du Forum, repoussant la foule. Ils arrivent au bas du plateau des Glières… Une rafale de fm part de l’une des barricades… Les feux des ut se déclenchent. Les mobiles ripostent : quatorze gendarmes et six manifestants sont tués, cent vingt-trois gendarmes et vingt-six manifestants blessés ! L’épreuve de force est engagée : dans leur pc respectif, Ortiz et Lagaillarde s’organisent pour tenir un siège, décidés à « aller jusqu’au bout »10.

  • L’humanité de Paul Delouvrier

Les jours suivants, autour des barricades, pieds-noirs, insurgés et paras de la 10e dp censés en interdire les sorties sont « fraternellement mêlés »11. Bouleversés, Delouvrier et Challe voient la situation leur échapper : les parachutistes en étant maintenant les arbitres, ils savent que leurs chefs n’obéiront pas à un ordre d’assaut des barricades. Le colonel Argoud12 rencontre Delouvrier le mercredi 27 janvier. Il lui fixe un ultimatum. Si de Gaulle, qui doit prendre la parole vendredi, ne fait pas « un bon discours », ce sera l’heure de vérité : ou le délégué général prend la tête de l’insurrection ou il est neutralisé13 ! Paul Delouvrier sait que de Gaulle ne cédera pas. Il lui faut quitter Alger : pour conserver sa liberté de manœuvre, pour éviter que Challe soit intoxiqué par son entourage. Mais auparavant, il veut se faire entendre et faire baisser la température dans Alger.

Alors, dans la nuit, il rédige l’un des discours sans doute le plus politique, le plus humain, le plus généreux de notre histoire. Il s’adresse aux Français de métropole, il leur dit l’angoisse des pieds-noirs, la crise de conscience des militaires. Puis, avec ses tripes, il parle aux militaires, aux musulmans, aux pieds-noirs, leur exprimant sa compréhension, les conjurant de sauver la France du drame. Et il conclut par ce signe de pardon aux insurgés : « Demain, après-demain, si vous le voulez, […] nous serrerons la main à Ortiz et Lagaillarde. […] Nous irons ensemble au monument aux morts pleurer et prier les morts de dimanche, morts à la fois pour que l’Algérie soit française et pour que l’Algérie obéisse à de Gaulle14. »

Le jeudi 28 janvier, à Bab el-Oued, écoutant ces paroles, des femmes pleurent. La nuit suivante, des hommes désertent les barricades. N’y restent plus que des irréductibles. À Paris, ces mots du cœur font scandale. Le vendredi soir, à la télévision, le Général frappe du poing sur la table : « L’ordre public devra être rétabli. […] J’en donne l’ordre. » Delouvrier a ému les Algérois et ils savent maintenant que de Gaulle sera inflexible. La situation se renverse. Les parachutistes de la 25e dp ont relevé ceux de la 10e dp et ils isolent les retranchements des insurgés qui tiennent encore. En soirée, de Gaulle appelle le délégué général : « Il ne faut pas avoir peur de verser le sang si l’on veut que l’ordre règne. […] Donnez l’assaut si nécessaire15. »

Dimanche 31 janvier. Dans Alger, dès l’aube, on manifeste. Que les Algérois viennent aux barricades, se solidarisent avec les insurgés et c’est de nouveau le drame. Delouvrier, exténué, la mort dans l’âme, donne un ordre ferme au général Crépin qui a remplacé Massu : isoler « à tout prix » les barricades, ce qui suppose d’ouvrir le feu sur la foule ! Toute la nuit, on négocie. Le Général veut que les insurgés soient livrés à la justice. Lagaillarde menace de se faire sauter. Delouvrier ne cède pas, mais il lui assure une reddition dans l’honneur. Contre l’avis de De Gaulle. Le lundi matin, Ortiz a disparu. Lagaillarde et ses compagnons sortent de l’enceinte des facultés en armes. Les parachutistes lui présentent les armes.

  • Le désaveu et l’insulte

C’est fini ! Delouvrier, seul, a sauvé Alger d’un bain de sang, par l’humanité de ses paroles, par sa fermeté affichée, prenant le risque de devoir ordonner de tirer sur des Algérois, par ce rite d’honneur accordé à l’insurgé. Cette posture humaine et courageuse ne lui vaudra que des griefs, ou des insultes. À Paris, désavoué, il « recueille les fruits amers de la disgrâce »16. Il est pourtant maintenu dans ses fonctions. Quant aux Algérois, devant l’inflexion d’une politique conduisant à l’« Algérie algérienne »17, ils auront le sentiment que Delouvrier les a trompés. Le 11 novembre, à Alger, il dépose une gerbe au monument aux morts sous les insultes de la foule. Durant la minute de silence, un cri s’élève : « Delouvrier assassin ! » Quelques jours plus tôt, il déclarait à Jean Vaujour, son directeur de cabinet : « Nous aurons ici des heures difficiles à passer, mais notre peau importe peu, ce qui importe, c’est que la France survive18. »

Paul Delouvrier est honoré aujourd’hui comme un « grand commis de l’État ». Mais, à l’exception d’un article, la littérature qui lui est consacrée est silencieuse sur son œuvre en Algérie, sur l’homme politique qui, dans la poudrière d’Alger, incompris et désavoué, sut éviter un bain de sang19.

  • Georges Robin : l’obéissance au prix de la désobéissance

Le 28 novembre 2011, dans la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides, le président de la République remettait le grand cordon de la Légion d’honneur au commandant Hélie Denoix de Saint Marc. On connaît l’épopée du glorieux soldat. Réhabilité dans ses droits civils et militaires en 1978, il fut élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur en 2003. On peut s’interroger sur ces honneurs décernés à un officier qui, hier réprouvé et condamné, n’avait depuis accompli aucune œuvre qui mérite d’être récompensée à titre militaire20, sinon d’avoir récité avec succès les drames de sa vie et d’en avoir obtenu une étonnante notoriété. Mais là n’est pas l’essentiel. Les honneurs rendus par la Ve République à celui qui, en avril 1961, se rebella contre son fondateur, esquivent une réflexion éthique et politique sur les ressorts profonds qui conduisirent des hommes assurés d’une carrière d’honneurs à considérer que leur honneur était de s’insurger contre le pouvoir du général de Gaulle.

Le feu des médias, concentré sur l’un d’entre eux, maintient les autres dans ces « enfers de l’honneur » qu’évoque Jean-Michel Belorgey, « peuplés d’individus ou de groupes à jamais réprouvés », contre lesquels « l’histoire officielle et l’histoire mythique ont toutes deux pris parti, à telle enseigne que les ressorts qui auraient pu fonder, aux yeux des tiers, la légitimité de leur action paraissent devoir en demeurer ignorés ou incompris pour l’éternité »21.

  • Une révolte incomprise et « souillée »

« Ma révolte de 1961 a été souillée », écrit le commandant Georges Robin en prologue d’un essai publié à la fin des années 199022 : une rare réflexion éthique et politique sur les ressorts qui mobilisèrent les insurgés du putsch d’Alger. En avril 1961, à la tête de deux unités du groupement de commandos parachutistes de réserve générale (gcprg) composé d’appelés et de harkis, il participe à la prise d’Alger dans la nuit du 21 au 22 avril aux côtés du 1er rep. Il est condamné à une peine de six ans de détention. Décédé en 2007, il avait le verbe rare, mais il impressionnait23.

Né en Algérie, il s’engage en 1939 à dix-huit ans. Il participe à la création du 1er rcp au Maroc… La Sicile, la bataille des Vosges, deux séjours en Indochine entre 1946 et 1952 au 3e et 5e rei, le Tonkin, la rc4, la bataille d’Hoa Binh, l’opération de Suez avec le 1er rep, la croix de guerre 1939-1940 plus d’une demi-douzaine de citations sur sa croix de guerre des toe, deux blessures : à Saint-Maixent, où il encadrait les officiers élèves en 1954, il était surnommé « le dieu Mars » !

Son essai livre d’abord un rapport charnel à la chaude rudesse de la terre algérienne et à ses populations. Chez lui, cet attachement est de naissance, mais combien parmi les quelque trois cents officiers ayant participé au putsch d’Alger sont alors pris de passion pour cette « aimée et souffrante Algérie »24 ?

  • Une vision généreuse du devenir de l’Algérie

Or, pour ce rebelle, comme pour le général Challe ou pour certains officiers qui entourent Salan et Massu à Alger en mai 195825, cette passion ne va pas sans une vision sociale et politique du devenir de l’Algérie. Utopique sans doute, mais avec le temps, ils croient possible sa réalisation. Selon Robin, cette vision aurait nécessité « de définir ce que devait ou aurait pu être la structure de l’État algérien. L’Europe aurait dû prendre la responsabilité de la construction de cet État. […] Nous seuls pouvions imposer [aux Européens] une façon originale de bâtir l’Algérie, dans, avec, aux côtés de la France, le mode n’étant qu’auxiliaire à la filiation dès lors que l’évidence de celle-ci se maintenait entre les deux terres »26. Lors de son procès, le général Challe synthétise ce projet : « Une construction de l’Algérie avec elle et pour elle », arrimée à une Europe dont la construction devait être accélérée27.

Pour Robin, comme pour les militaires qui espèrent en ce devenir de l’Algérie, cela suppose de ne pas se contenter de « casser du fell » : « Nous devions aller vers l’autre. […] Nous devions apprendre à passer d’une guerre où “je te tue” à celle où “je te parle”28. » C’est cet esprit de « pacification » que le général Challe impulse en 1958, dès sa prise de commandement, dans une directive que cite Georges Robin29. Comme le décrit par ailleurs l’historien Jacques Frémeaux, « ce qui est alors demandé aux militaires », c’est de combler les vides d’une sous-administration qu’exploite l’organisation politico-administrative (opa) du fln, de rompre avec les injustices et la misère des populations musulmanes, d’y détecter et d’y promouvoir des élites30.

Georges Robin s’engage en 1958 dans cette œuvre politico-administrative. Il rapporte à ce titre une expérience qui l’a profondément marqué. À Constantine, il crée une « unité de contact » constituée d’une centaine d’appelés parachutistes qui vivent au milieu des populations. Ils s’identifient à leur misère, les encadrent, animent les quartiers. Avec le soutien d’habitants, ils recueillent « les revendications nées de besoins élémentaires non satisfaits ». Ils établissent ainsi un lien entre les populations et une administration qui « tournait à vide, sans prise réelle sur une population intimement terrorisée ». Robin est convaincu qu’« en chassant la peur et en reliant les êtres », une telle organisation pouvait « reconstituer tout un ensemble meurtri31. » En 1958, le général Ély, chef d’état-major des armées, résume ainsi cette action : il s’agit « de construire ou de reconstruire la paix par l’établissement d’un ordre nouveau »32.

Il est probable que nombre des insurgés d’avril 1961 furent pareillement mobilisés par cette conception de l’œuvre à accomplir en Algérie et non par la défense retardatrice d’une « Algérie française ». C’est ce projet qui aurait constitué le nœud de leur opposition au général de Gaulle. « Le 13 mai 1958, écrit Robin, de Gaulle était l’homme capable de donner à l’armée cette mission immense : faire de l’Algérie un État moderne lié à la France et à l’Europe dans le cadre de l’Eurafrique. […] De Gaulle n’a pas su voir l’avenir qui s’offrait. Il avait la grandeur. Il n’a pas eu la vision33. » Le processus d’autodétermination du peuple algérien lancé en septembre 1959 n’est pas vraiment en cause dans sa démarche : « Bien au contraire, affirme Robin. […] Je ne voulais pas d’une Algérie immobile et archaïque34. »

  • De l’accélération du temps politique au sentiment d’abandon

Or, pour construire cette Algérie nouvelle, il faut du temps : une seconde opposition en découle. Alors qu’en 1960 le général Challe entend en finir rapidement avec la rébellion, puis « engager l’armée dans la tâche délicate de susciter et de former de jeunes élites nationalistes », d’imposer aux Européens leur accession « à la gestion et la direction politique de leur pays »35, pour le général de Gaulle, « il est trop tard », observe Jacques Frémeaux : « Il importe de mettre fin au plus tôt au conflit pour restaurer la position internationale de la France, refaire l’armée, empêcher la guerre civile36 ».

À partir de l’année 1960, cette « hâte du général de Gaulle »37 à négocier avec le gpra produit ce sentiment d’abandon des populations, si présent dans les plaidoyers des officiers du putsch. « Ce ne fut que lorsqu’il [de Gaulle] déclara, le 11 avril 1961, que la France n’avait plus d’intérêt à rester en Algérie que j’ai vraiment considéré mon action comme indispensable et légitime »38, écrit le commandant Robin. D’après son ouvrage, cette perspective d’abandon, la « victoire offerte à l’adversaire », les successives adaptations aux circonstances d’une politique algérienne que lui comme ses camarades condamnés perçoivent comme des « mensonges »39 constituent les déclencheurs de son engagement dans une insurrection contre le général de Gaulle. Il cite notamment ses propos tenus en janvier 1960 lors de la semaine des barricades : « [Français d’Algérie] Comment pouvez-vous écouter les menteurs et les conspirateurs qui vous disent qu’en accordant le libre choix aux Algériens, la France et de Gaulle veulent vous abandonner, se retirer de l’Algérie et la livrer à la rébellion40 ? » « Alors, à la réflexion, écrit-il, si de Gaulle ne nous avait pas menti, nous n’aurions pas eu à nous dresser contre lui. Car il n’aurait pas pu, tout simplement, revenir aux affaires. Et il aura fallu qu’il nous mente pour y revenir41. » Pour Robin, et sans doute pour certains insurgés, c’est l’action des militaires à Alger qui a permis le retour au pouvoir du général de Gaulle. Il ne l’a pas désavouée. Elle constitue un précédent qui, à leurs yeux, justifie politiquement leur dissidence42.

Tel pourrait être l’entrelacement des ressorts politiques et moraux qui conduisirent des officiers à se révolter en avril 1961. Au début de son ouvrage, le commandant Georges Robin écrit : « Mon engagement fonda la vertu de mon obéissance et la raison de ma désobéissance. J’ai obéi en désobéissant43. »

1 Sur l’œuvre de Paul Delouvrier en Algérie, voir Hervé Lemoine, « Paul Delouvrier et l’Algérie. Comment servir et représenter l’État dans une guerre d’indépendance ? », in Sébastien Laurent, Paul Delouvrier, un grand commis de l’État, Paris, Presses de Sciences-Po, 2005, pp. 41-71.

2 Dans ce discours, le général de Gaulle ouvre trois options : « la sécession », « la francisation complète » ou « le gouvernement des Algériens par les Algériens » en « union étroite » avec la France.

3 Le récit qui suit est essentiellement tiré d’Yves Courrière, La Guerre d’Algérie. T. III. L’Heure des colonels, Paris, Fayard, 1970, et de quelques notes personnelles.

4 Créées en 1956, les unités territoriales sont à l’origine des formations armées de supplétifs composées uniquement de réservistes européens. En 1958, dans son dessein de susciter la fraternité et l’égalité entre les deux communautés, le général Challe décida d’y intégrer les Français de souche nord-africaine (fnsa) servant dans les groupes autonomes de défense (gad) et fusionna l’ensemble dans une fédération des ut et autodéfenses, placée sous le commandement du commandant de réserve Sapin-Lignières.

5 Notamment, le général Massu, commandant le corps d’armée d’Alger, le colonel Argoud, son chef d’état-major, le colonel Gardes, patron de l’action psychologique en Algérie, ou encore des officiers dans l’entourage du général Challe, commandant des forces françaises en Algérie.

6 Yves Courrière, op. cit., p. 567.

7 Les Algérois nommaient « plateau des Glières » ces esplanades qui, longeant le boulevard Laferrière, descendaient du « Forum » que surplombaient les bâtiments du gouvernement général (gg) vers le monument aux morts et le square Laferrière.

8 Le 1er régiment étranger de parachutistes (rep), le 1er régiment de chasseurs parachutistes (rcp) et le 3e régiment parachutiste d’infanterie de marine (rpima), commandés respectivement par les colonels Dufour, Broizat et Bonnigal.

9 Alors député d’Alger, officier de réserve et ancien président de l’Association générale des étudiants d’Alger.

10 Sur ces points, voir Yves Courrière, op. cit., pp. 573-574, 586 et suivantes.

11 Ibid., p. 592.

12 Chef d’état-major du corps d’armée d’Alger commandé par le général Crépin qui a remplacé Massu.

13 Voir Yves Courrière, op. cit., p. 598 et suivantes.

14 Ce discours est retranscrit par Yves Courrière en annexe de son ouvrage cité.

15 Ibid., p. 612.

16 Yves Courrière, La Guerre d’Algérie. Tome IV. Les Feux du désespoir, Paris, Fayard, 1971, p. 13.

17 Charles de Gaulle, Allocution du 4 novembre 1960, ina. Retranscription consultable à l’adresse www.fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00216/allocution-du-4-novembre-1960.html

18 D’après Hervé Lemoine, art.cit., p. 71.

19 Voir à ce titre le site de l’Institut Paul Delouvrier sur www.delouvrier.org/.

20 L’article 17 du code la Légion d’honneur spécifie qu’un avancement dans la Légion d’honneur doit récompenser des mérites nouveaux et non des mérites déjà récompensés.

21 Jean-Michel Belorgey, « Grandeurs et servitudes de la transgression », in Marie Gautheron (dir.), L’Honneur. Image de soi ou don de soi : un idéal équivoque, Paris, Autrement, 1991, pp. 190-200.

22 Georges Robin, Commandant rebelle, Paris, Jean-Claude Lattès, 1998. Les rares exemplaires de cet ouvrage, introuvable en librairie ou chez les bouquinistes, valent de cent dix à cent trente euros sur le marché Internet du livre d’occasion !

23 À la fin des années 1960, à Philippeville, au Centre d’instruction à la pacification et à la contre-guérilla (cipcg), la présence silencieuse et attentive de cet officier reste gravée dans les mémoires des fantassins de ma promotion de Saint-Cyr qui y suivaient un stage de quelques semaines avant de rejoindre leurs régiments.

24 Titre de l’ouvrage que Jacques Soustelle consacra à la situation algérienne en 1956. Ethnologue, homme de gauche, gaulliste de la première heure, gouverneur général de l’Algérie de 1955 à 1956, il œuvra pour le retour du général de Gaulle en 1958. Il démissionna de son gouvernement à l’issue de la semaine des barricades et rejoignit les insurgés en avril 1961.

25 Voir notamment, Yves Courrière, L’Heure des colonels, op. cit., pp. 354-356.

26 Georges Robin, op. cit., pp. 209-210.

27 Voir Le Procès des généraux Challe et Zeller. Texte intégral des débats, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1961, pp. 207 et suivantes, 278 et suivantes.

28 Georges Robin, op. cit., p. 171.

29 Extrait de la directive n° 2 du général Challe, décembre 1958, cité par Georges Robin, op. cit., p. 213 : « Nous ne pacifierons pas l’Algérie sans les Algériens. Détruire les bandes et déraciner l’opa n’est pas suffisant. Pour amener la pacification, il convient encore d’obtenir l’adhésion et la collaboration de la masse musulmane et de mettre en place une infrastructure politico-administrative autochtone ayant la confiance des populations et favorable à la France. »

30 Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre. 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, pp. 153-154 et 206-207.

31 Sur cette expérience, voir Georges Robin, op. cit., pp. 171-179.

32 Cité par Jacques Frémeaux, op. cit., p. 206.

33 Georges Robin, op. cit., p. 119.

34 Georges Robin, op. cit., p. 119. Cette posture est confirmée par Jacques Frémeaux, op. cit., pp. 288-290, qui écrit : « Les militaires les plus attachés à l’Algérie souhaitent, au-delà des slogans, une politique enfin généreuse de la France en matière de politique scolaire, médicale, mais aussi de formation professionnelle et d’émancipation de la femme musulmane. D’autres, ou les mêmes, pensent surtout au sort de ceux qui se sont battus à leurs côtés, ou qui se sont placés, plus ou moins spontanément sous leur protection. »

35 D’après Yves Courrière, Les Feux du désespoir, op. cit. p. 20.

36 Jacques Frémeaux, op. cit., p. 323-324.

37 Ibidem, p. 323.

38 Georges Robin, op.cit., p. 119, qui interprète ici la conférence de presse du général de Gaulle du 11 avril 1961, consultable à l’adresse fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00218/conference-de-presse-du-11-avril-1961.html

39 Voir à ce titre, Jacques Frémeaux, op. cit. p. 283 et 336-338, qui note combien les ruptures de la politique du général de Gaulle sont imposées « très brutalement, sans la moindre préparation psychologique », « la communication gaullienne » n’ayant jamais su « trouver les mots qu’il eut fallu, ni les méthodes à l’égard des victimes de sa politique, quelque justifiée qu’elle ait pu être. »

40 Ibid., p. 147. Il s’agit du discours du général de Gaulle du 29 janvier 1960, consultable à l’adresse www.fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00049/discours-du-29-janvier-1960.html

41 Georges Robin, op. cit., p. 147. Son propos n’est guère différent de celui que le général Massu tient en janvier 1960 lors de son entretien évoqué plus haut avec un journaliste de la Süddeutsche Zeitung : « Il [le général de Gaulle] était le seul homme à notre disposition [en 1958], mais l’armée a peut-être fait là une faute. » Cité par Yves Courrière dans L’Heure des colonels, op. cit., p. 564.

42 Sur l’extraordinaire imbroglio des journées de mai 1958 qui débouche sur l’appel au général de Gaulle par le président de la République René Coty, voir Yves Courrière, L’Heure des colonels, op. cit., pp. 315-361. Voir aussi Jacques Frémeaux, op. cit., p. 315, qui estime que ces journées « ont pu constituer un véritable cataclysme mental » pour des officiers s’affranchissant alors « de toute hiérarchie pour imposer leurs formules et contribuer au renversement du régime ».

43 Georges Robin, op. cit., p. 12.

« Tout est perdu, fors l’honne... | J.-R. Bachelet
J.-L. Georgelin | L’honneur de la Légion d’honne...